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Le gouvernement fédéral réinitialise ses relations avec le secteur des technologies

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daee324f0c03f417f4d75433ccff9e67f459ccc4ecc6f68380b5401f8fe19f6e.jpg Le premier ministre Mark Carney parle à des gens d'affaires de Montréal, le 14 novembre 2025. LA PRESSE CANADIENNE/Christinne Muschi (THE CANADIAN PRESS/Christinne Muschi)

Le gouvernement fédéral a réinitialisé ses relations avec le secteur des technologies depuis l'arrivée au pouvoir de Mark Carney au printemps dernier, soulignent des intervenants.

M. Carney a récemment déclaré à des gens d'affaires de la région de Montréal que le gouvernement fédéral avait consulté le géant du commerce électronique Shopify afin de trouver une façon d'améliorer l'un de ses programmes d'investissement emblématiques dans le domaine des technologies, les Encouragements fiscaux pour la recherche scientifique et le développement expérimental (RS&DE).

Dans son récent budget fédéral, le gouvernement avait annoncé la révision d'un programme d'encouragements fiscaux pour la recherche scientifique, qui ressemblait aux suggestions présentées plus tôt cette année par le président de Shopify, Harley Finkelstein.

Le gouvernement a notamment annoncé une rationalisation du processus afin que les entreprises qui ont besoin de financement pour leurs nouveaux produits innovants n'aient pas à faire appel à des consultants pour que leurs demandes aboutissent.

Ben Bergen, président du Conseil des innovateurs canadiens, affirme que le gouvernement fédéral est plus réceptif aux idées de l'industrie depuis les élections du printemps.

Le crédit d'impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental, qui offrait aux entreprises technologiques en plein essor une source importante de financement au terme d'un processus notoirement fastidieux, est devenu un cas d'école pour cette relation revitalisée.

Les registres du gouvernement fédéral montrent que ce programme avait versé, au cours de la dernière année,  environ 4,5 milliards $ à des entreprises canadiennes. Il avait reçu plus de 22 000 demandes. Ottawa ne publie pas la liste des bénéficiaires individuels du programme, mais le budget 2025 indique que 64 % des demandeurs sont des petites ou moyennes entreprises.

«La RS&DE est vraiment le joyau de la couronne des programmes d'innovation du gouvernement», juge M. Bergen.

Au cours d'une retentissante sortie publique lors d'une conférence technologique à Toronto, Harley Finkelstein s'était plaint le mois dernier que le processus pour obtenir le crédit d'impôt était trop compliqué. 

Le Conseil des innovateurs canadiens mentionne que le tiers de l'argent versé dans le cadre de la RS&DE se retrouvait dans les poches de firmes de consultants ou servait à financer les coûts visant à obtenir une avance.

Il existe plusieurs ressemblances entre les éléments concernant la RS&DE dans le dernier budget fédéral et les propositions contenues dans une note transmise par M. Finkelstein au ministre des Finances, François-Philippe Champagne, notamment l'idée d'une approbation en avance d'un financement, plutôt qu'un crédit d'impôt obtenu une fois le projet lancé.

M. Bergen dit que ce petit changement pourrait avoir un effet majeur sur les types de projets que les entreprises sont prêtes à entreprendre, car il leur donnerait l'assurance d'être préapprouvées pour le financement.

«Les entreprises vont désormais prendre des risques potentiellement plus importants en demandant ces fonds si elles savent qu'elles les obtiendront dès le départ plutôt qu'à la fin, souligne-t-il. Cela stimulera en fait différents types de demandes de RS&DE qui seront potentiellement plus dynamiques et innovantes.»

Le budget indique qu'Ottawa double également la limite annuelle des dépenses de RS&DE à 6 millions de dollars et prévoit d'utiliser l'IA pour réduire la charge administrative liée aux audits du programme par l'Agence du revenu du Canada.

La modernisation de la RS&DE — un programme qui, selon M. Bergen, n'a pas changé depuis environ trois décennies — est depuis des années au centre des préoccupations du Conseil des innovateurs canadiens. Il rappelle que bon nombre des changements apportés au programme dans le budget avaient été proposés pour la première fois dans l'énoncé économique de l'automne 2024 du gouvernement fédéral.

M. Bergen croit à un «redémarrage des relations» entre les entreprises et le gouvernement fédéral depuis l'arrivée de M. Carney au poste de premier ministre et de M. Champagne au poste de ministre des Finances.

«Les relations sont très positives. Le gouvernement consulte réellement le secteur dans un esprit de collaboration.»

John Fragos, attaché de presse au cabinet du ministre des Finances et du Revenu national, dit que le gouvernement a mené une vaste consultation auprès de l'industrie et des experts afin de mieux satisfaire les besoins des entreprises technologiques 

Matt Malone, professeur adjoint à la faculté de droit de l'Université d'Ottawa, juge qu'il est tout à fait logique de collaborer avec des leaders du secteur technologique qui ont une expérience directe des obstacles bureaucratiques.

La note de M. Finkelstein est un exemple positif d'effort visant à favoriser le débat public sur la législation, fait-il valoir.

«C'est ce dont nous avons besoin. Nous devons avoir des conversations ouvertes. Si l'on commence à avoir des conversations permettant d'exercer une influence, s'il y a un manque de transparence, c'est là que les problèmes apparaissent », dit le Pr Malone.

Il a donné l'exemple de Cohere, une entreprise d'intelligence artificielle basée à Toronto qui a signé un protocole d'accord avec Ottawa au début de l'année afin de travailler sur des applications dans la fonction publique.

Mais cet accord ne précisait pas comment le gouvernement et l'entreprise allaient collaborer et ne mentionnait aucun montant financier.

«Ce n'est pas ainsi que l'on doit procéder. Nous n'avons aucune idée de la manière dont ces technologies sont déployées dans la fonction publique fédérale», déplore le Pr Malone.

Ottawa a également pris du retard dans ses obligations en vertu de la Loi sur le lobbying, qui exige un examen tous les cinq ans, mais qui n'a pas été révisée depuis 2012, souligne-t-il.

Il existe toujours des lacunes dans la législation, soutient-il, citant le fait que la Loi sur le lobbying n'oblige pas les cadres qui font pression sur les fonctionnaires à s'enregistrer si cela ne fait pas partie de leurs fonctions à temps plein.

«Il faut pouvoir voir ce qui se passe, sinon on se retrouve rapidement avec des influences qui s'exercent dans les couloirs du pouvoir, sans que l'on sache ce qui se passe, et c'est préoccupant », dit le Pr Malone.