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Ottawa n'a pas défini l'«intérêt national» dans la loi sur les grands projets

«Les Canadiens et les promoteurs de grands projets ont donc raison de dire qu'ils doivent offrir cette clarté et cette certitude aux investisseurs.»

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f58eb6b94f60c72c85f65c2a887b6df1b40fbe1e6c8b87e04a6d03c64ec74862.jpg Dominic LeBlanc, président du Conseil privé du roi pour le Canada et ministre responsable du Commerce Canada-États-Unis, des Affaires intergouvernementales, du Commerce intérieur et de l'Unification de l'économie canadienne, répond pendant la période de questions à la Chambre des communes sur la colline du Parlement à Ottawa, le lundi 6 octobre 2025. (Sean Kilpatrick | La Presse canadienne)

Le gouvernement fédéral n'a toujours pas établi de critères précis pour définir l'«intérêt national» dans le cadre de sa nouvelle loi sur les grands projets, malgré les appels des députés en ce sens.

La Loi visant à bâtir le Canada permet au gouvernement d'identifier les projets d'«intérêt national» afin d'accélérer les processus d'approbation, ce qui pourrait inclure des exemptions à certaines lois environnementales.

Alors que le gouvernement a fait adopter le projet de loi à la hâte à la Chambre des communes en juin, les députés qui l'étudiaient en comité l'ont amendé pour suggérer au gouvernement de proposer ses critères pour déterminer quels projets sont d'intérêt national et pour l'obliger à fournir un échéancier pour ce faire.

L'amendement a été proposé par les conservateurs et adopté de justesse par 5 voix contre 4, les libéraux s'y étant opposés.

En réponse, le président du Conseil privé, Dominic LeBlanc, a déposé un rapport à la Chambre le 26 septembre, affirmant que le gouvernement n'avait pas défini l'«intérêt national». Le rapport n'indiquait pas quand, ni si, le gouvernement proposerait une définition.

«Le gouvernement n'a pas pris de décret pour définir l'intérêt national, et ce rapport satisfait à l'obligation législative de rapport», indique le bref rapport.

La Loi visant à bâtir le Canada énumère cinq critères que le gouvernement peut prendre en compte pour décider quels projets bénéficieront du traitement accéléré, mais le gouvernement n'y est pas tenu.

Ces critères visent notamment à déterminer si un projet procure des avantages économiques au Canada, favorise les intérêts des peuples autochtones ou contribue aux objectifs du Canada en matière de changements climatiques.

La députée conservatrice Shannon Stubbs a présenté l'amendement à l'étape du comité. Lors d'une entrevue lundi, elle a expliqué que l'objectif était de clarifier la définition de l'intérêt national par le gouvernement pour les investisseurs.

«Le gouvernement doit définir clairement les mesures qu'il utilise pour déclarer ce qui est dans l'intérêt national, a expliqué Mme Stubbs à La Presse Canadienne. C'est important, car la désignation d'intérêt national est la dernière étape franchie par le Cabinet lorsqu'il approuve ou rejette une recommandation de l'organisme de réglementation.»

Interrogée sur la réponse du gouvernement aux députés qui réclamaient une définition de «l'intérêt national», Mme Stubbs a soutenu que ses actes étaient plus éloquents que ses paroles.

«Les Canadiens et les promoteurs de grands projets ont donc raison de dire qu'ils doivent offrir cette clarté et cette certitude aux investisseurs», a-t-elle dit.

Le député bloquiste Xavier Barsalou-Duval, qui a appuyé l'amendement conservateur, a expliqué que la loi telle que rédigée était trop vague.

Selon lui, l'absence de véritable définition peut ouvrir la porte «à toutes sortes d'abus».

Un porte-parole du Bloc québécois a indiqué que le parti examinait le rapport, notamment pour déterminer si le gouvernement avait enfreint la loi en ne prévoyant pas l'échéancier requis.

La Presse Canadienne a demandé au cabinet de M. LeBlanc si le gouvernement avait l'intention de définir l'«intérêt national» dans la loi et pourquoi le rapport au Parlement ne comprenait pas d'échéancier.

Son porte-parole a renvoyé les questions au Bureau du Conseil privé (BCP).

Dans un communiqué, un porte-parole du BCP a déclaré que l'exigence de définir l'«intérêt national» était «discrétionnaire» et que le gouvernement n'avait aucune obligation de le définir au-delà des cinq facteurs décrits dans le projet de loi.

Pierre-Alain Bujold a expliqué que, si le gouvernement avait décidé de définir plus précisément le terme plus de 15 jours après l'entrée en vigueur du projet de loi, il aurait dû expliquer ce retard.

«Puisque le gouvernement a décidé de ne pas préciser davantage le terme par décret, ce rapport satisfait à l'obligation législative de rapport», a-t-il dit.

Nick Murray

Nick Murray

Journaliste