Le ministre responsable du commerce entre le Canada et les États-Unis, Dominic LeBlanc, dit avoir «perdu l'illusion» qu'Ottawa devrait évoquer une date à laquelle il espère sceller une entente avec les Américains pour qu'ils atténuent leurs droits de douane.
En témoignant devant un comité des Communes, il a candidement avoué jeudi avoir tiré la «dure leçon» qu'il vaut mieux ne pas s'exprimer en soutenant, par exemple, «Oh, je pense que nous aurons du progrès dans les prochaines trois semaines» ou «Je pense que nous pourrons avoir une entente en août».
Pourtant, à la mi-juin, après avoir rencontré le président américain Donald Trump dans le cadre du sommet des dirigeants du G7, le premier ministre Mark Carney avait signalé que les deux hommes visaient un accord dans les 30 jours.
Depuis, Ottawa a évité d'avancer toute autre date. Même chose pour Washington, qui avait unilatéralement repoussé l'échéance annoncée par M. Carney au 1er août, autre date passée sans la conclusion d'un accord.
«J'ai perdu l'illusion que nous devrions prédire dans un échéancier précis quand nous pourrions avoir une entente», a dit jeudi M. LeBlanc. Il répondait à une question du député conservateur Adam Chambers, qui suggérait qu'il n'y avait pas eu d'avancement sur ce dossier au cours des dernières semaines, ce que le ministre a réfuté.
«Je continue d'être optimiste», a-t-il dit, mentionnant notamment ses conversations avec le secrétaire américain au Commerce, Howard Lutnick, et ajoutant qu'«un accord peut prendre différentes formes».
Le matin même, devant un comité sénatorial, le ministre avait été plus loin en avançant que le Canada espère trouver un terrain d'entente sur les droits de douane touchant des secteurs en particulier, comme ceux de l'acier et de l'aluminium, avant que la révision de l'ACEUM ne débute officiellement en 2026.
«Le temps dira si mon optimisme est mal placé», avait-il laissé tomber.
Les trois pays liés par l'accord de libre-échange, appelé par Ottawa Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM), ont tous entamé des consultations pour préparer le terrain, en même temps qu'ils tentent d'aplanir la dispute tarifaire ciblant aussi les industries de l'automobile, du bois d'œuvre et du cuivre.
Questionné par le sénateur et ex-diplomate Peter Harder à savoir si la stratégie du Canada est d'incorporer la négociation sur ce qui est couramment appelé «les tarifs sectoriels» à celle sur la révision de l'ACEUM, M. LeBlanc n'a pas fourni de réponse définitive.
«Personne n'a suggéré que nous l'intégrions dans la révision de l'ACEUM. Nous espérons que nous puissions faire du progrès avant ça», a-t-il répondu.
Il a toutefois avancé que, si cela devenait l'approche du Canada de faire cette intégration, il pourrait y avoir des avantages.
«Ça amènerait plus de structure, peut-être, dans l'optique d'une table de discussion technique sur la relation trilatérale, de discussions sectorielles, mais j'espère que nous pouvons avoir du progrès avant que la révision commence formellement», a-t-il dit en réitérant son souhait.
En répondant à la question d'un autre sénateur, il a fait allusion au fait que le début du litige sur le bois d'oeuvre remonte à bien avant le retour à la Maison-Blanche de M. Trump. Or, la volonté du gouvernement canadien est d'«attacher» l'avancement sur d'autres «tarifs sectoriels» à «une amélioration significative à la présente situation intenable pour le secteur du bois d'oeuvre», a-t-il souligné.
Par ailleurs, le ministre a écarté toute idée que la protection de la gestion de l'offre par le Canada puisse «mettre en péril» les discussions commerciales présentes et futures avec les États-Unis, en réponse à la question d'un sénateur qui employait cette expression.
Un projet de loi bloquiste visant à garder intacts, dans toute négociation commerciale, ce système et les quotas d'importations qu'il prévoit a été adopté en juin dernier avec, notamment, l'appui du gouvernement libéral de Mark Carney.
Le député du Bloc québécois Simon-Pierre Savard-Tremblay s'est inquiété à voix haute, durant la comparution de M. LeBlanc devant le comité de la Chambre, qu'Ottawa puisse songer à «faire par la porte d'en arrière ce qu'on ne peut plus faire maintenant par la porte d'en avant», c'est-à-dire en assouplissant des règles d'importation.
«Nous n’allons pas creuser directement ou indirectement (ni) permettre une brèche ou une ouverture sur cet enjeu-là», a répondu le ministre, qui a semblé parvenir à rassurer M. Savard-Tremblay.
Les préoccupations mentionnées par le Bloc découlent d'informations rapportées par le «Globe and Mail» voulant que le gouvernement canadien considère des changements afin de permettre à davantage de produits laitiers américains de se retrouver sur des tablettes d'épiceries au Canada.
Le quotidien torontois a indiqué que ces informations, qui n'ont pas été confirmées par La Presse Canadienne, lui proviennent de deux sources au courant de consultations menées par Ottawa auprès de l'industrie. L'anonymat leur a été accordé parce qu'elles n'étaient pas autorisées à parler publiquement de ces questions, a-t-on écrit.

