Affaires mondiales Canada a convoqué l'ambassadeur de Russie au Canada, Oleg Stepanov, au sujet de l'incursion de drones russes en Pologne cette semaine, alors qu'Ottawa cherche à soutenir un nouvel effort de l'alliance militaire de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) pour renforcer son flanc oriental.
Cette convocation est intervenue quelques heures après que la Pologne a signalé que plusieurs drones russes étaient entrés sur son territoire entre mardi et mercredi. Les alliés de l'OTAN ont abattu certains des engins.
«Mercredi, le Canada a convoqué l'ambassadeur russe et a officiellement réprimandé la Russie pour les attaques de drones au-dessus de l'espace aérien polonais», a expliqué la ministre des Affaires étrangères, Anita Anand, à La Presse Canadienne lors d'une entrevue vendredi après-midi.
«Cela témoigne du caractère absolument inacceptable de l'incursion dans l'espace aérien polonais, et donc dans l'espace aérien de l'OTAN», a-t-elle ajouté.
Son bureau a fourni un compte rendu ministériel de la convocation, qui qualifie l'incident d'«inacceptable et imprudent, et qui risque une escalade avec l'OTAN».
Le Canada a souligné que la Russie ne changerait en rien son soutien à l'Ukraine.
«L'ampleur et la durée des violations de l'espace aérien rendent difficile de conclure que l'action n'était pas délibérée, peut-on lire. Aucun pays n'accepterait un tel empiétement sur son espace aérien.»
Selon le compte rendu d'Affaires mondiales Canada, M. Stepanov «a souligné que la situation sur le terrain était complexe et que "tout pouvait arriver" avec la guerre électronique. Il a ajouté qu'il n'y avait aucune raison pour que la Russie attaque la Pologne ou tout autre allié de l'OTAN, ni pour des incursions dans l'espace aérien de l'OTAN, ce qu'Affaires mondiales Canada a approuvé».
L'ambassade de Russie à Ottawa n'a pas immédiatement réagi.
Le Canada déjà présent
À la lumière de ces incursions, la contribution du Canada à la sécurité ukrainienne «demeurera importante et conforme aux actions de nos alliés de l'OTAN», a soutenu Mme Anand.
Le Canada est déjà relativement présent dans la région, notamment avec près de 2000 soldats dans une brigade de combat de l'OTAN en Lettonie, et n'a pas de nouveaux soutiens à annoncer à l'OTAN cette semaine.
«Nous continuerons de faire tout ce qui est nécessaire pour renforcer le flanc oriental», a avancé Mme Anand.
Le ministre de la Défense, David McGuinty, s'est montré circonspect mercredi quant à la participation du Canada à la destruction des drones, et a laissé entendre qu'il pourrait en dire davantage ultérieurement.
Mme Anand a précisé que ce détail «relevait» de M. McGuinty.
La Russie et son proche allié, la Biélorussie, ont suggéré que ces incursions pourraient être une erreur causée par le brouillage des réseaux, mais de nombreux dirigeants européens affirment qu'il s'agissait d'une mise à l'épreuve délibérée de leurs capacités et de la détermination de leur alliance.
Dans une publication sur les réseaux sociaux publiée vendredi, le premier ministre polonais, Donald Tusk, a indiqué que l'incursion ne pouvait pas être une erreur.
«Nous souhaiterions également que l'attaque de drones contre la Pologne soit une erreur. Mais ce n'en était pas une. Et nous le savons», a-t-il écrit sur X.
Le secrétaire général de l'OTAN, Mark Rutte, affirme qu'il s'agissait tout de même d'un acte imprudent, quelle qu'en soit l'intention.
Il a annoncé que l'Alliance renforçait ses défenses le long de son flanc oriental, à la frontière avec la Biélorussie, la Russie et l'Ukraine, avec de nouveaux équipements terrestres et aériens.
La nouvelle opération utilisera du matériel provenant de France, du Danemark, d'Allemagne et du Royaume-Uni. Le commandant suprême de l'OTAN a mentionné que cette opération visait à combler les lacunes de la ligne défensive et à concentrer les forces là où elles sont nécessaires.
Anita Anand a indiqué avoir parlé à M. Rutte vendredi matin et avoir affirmé que le Canada était prêt à apporter son aide, dans la mesure de ses moyens.
«Cette opération est conçue pour être une activité militaire flexible et mobile. Elle permettra à l'OTAN de déplacer rapidement ses forces et ses moyens en réponse aux menaces émergentes, telles que les attaques de drones. L'objectif est de renforcer la dissuasion et de démontrer la capacité de l'OTAN à défendre chaque centimètre carré du territoire allié», a-t-elle expliqué.
Mme Anand s'est également entretenue avec ses homologues polonais et ukrainien cette semaine et a déclaré que la nécessité pour Vladimir Poutine de mettre fin à sa guerre en Ukraine «a été le point central qui est ressorti de toutes mes conversations».
Le professeur Stephen Saideman, de l'Université Carleton, affirme que le Canada a déjà renforcé sa contribution à l'OTAN dans la région, tant par les exercices aériens que par la mission en cours en Lettonie, que M. Carney a visitée le mois dernier.
«Le fait que nous n'ayons rien fait ne veut rien dire», a-t-il déclaré.
M. Saideman a ajouté que l'Alliance et la Pologne cherchent probablement encore à identifier les lacunes qu'Ottawa pourrait combler.
«Mettre les choses au clair est logique, a-t-il affirmé. Il est trop tôt pour dire que nous sommes déphasés par rapport à nos alliés. Les alliés européens doivent agir en premier, car c'est leur voisinage, et nous suivrons ensuite leur exemple.»
Une réunion pour accroître la pression
Le Canada a par ailleurs accueilli vendredi une réunion virtuelle des ministres des Finances du G7 afin de discuter de nouvelles mesures visant à accroître la pression sur la Russie.
Le ministre des Finances, François-Philippe Champagne, a présidé la réunion, et son compte rendu indique que leurs collègues ont «convenu d'accélérer les discussions» sur la question, notamment «d'examiner d'autres mécanismes (…), tels que des droits de douane, contre ceux qui permettent l’effort de guerre russe».
Le compte rendu indique que la réunion a été motivée par la position de plus en plus agressive de la Russie, notamment les récents bombardements en Ukraine et l'incursion de drones de mercredi, et par son refus d'accepter un cessez-le-feu.
John Fragos, attaché de presse du ministre des Finances et du Revenu national, a indiqué que le groupe avait également discuté des moyens de limiter la «machine de guerre» russe.
Washington souhaite inciter ses pairs à aller plus loin, le président américain Donald Trump suggérant au Canada et à d'autres pays de poursuivre «l'imposition de droits de douane sur les pays achetant du pétrole russe», comme l'Inde, selon une déclaration commune du représentant américain au Commerce, Jamieson Greer, et du secrétaire au Trésor, Scott Bessent.
«Ce n'est qu'avec un effort unifié pour couper à la source les revenus qui financent la machine de guerre de M. Poutine que nous pourrons exercer une pression économique suffisante pour mettre fin à ces massacres insensés», peut-on lire dans le communiqué américain.
Avec des informations de Catherine Morrison
