Les délégations russe et ukrainienne ont conclu leurs derniers pourparlers de paix, lundi, en Turquie après un peu plus d'une heure, ont annoncé le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, et les médias d'État russes.
S'exprimant à Vilnius, en Lituanie, M. Zelensky a déclaré que les deux parties «ont échangé des documents par l'intermédiaire de la partie turque» et qu'elles préparent «une nouvelle libération de prisonniers de guerre».
Les deux parties ont également convenu d'échanger 6000 dépouilles de soldats tués au combat.
Les attentes étaient faibles quant à une avancée décisive pour mettre fin à ce conflit de trois ans après une série d'attaques spectaculaires au cours du week-end.
Des responsables de Kyiv ont déclaré qu'une attaque-surprise de drone dimanche avait endommagé ou détruit plus de 40 avions de combat sur des bases aériennes situées en Russie, notamment dans les régions reculées de l'Arctique, de la Sibérie et de l'Extrême-Orient, à plus de 7000 kilomètres de l'Ukraine.
Ce raid complexe et sans précédent, qui a frappé simultanément sur trois fuseaux horaires, a nécessité plus d'un an et demi de préparation et a constitué «un véritable camouflet pour la puissance militaire russe», a déclaré Vassyl Maliouk, chef des services de sécurité ukrainiens, qui a supervisé sa planification.
Le président Zelensky l'a qualifiée d'«opération brillante» qui restera dans les annales. L'opération a détruit ou lourdement endommagé près d'un tiers de la flotte de bombardiers stratégiques de Moscou, selon des responsables ukrainiens.
Par ailleurs, la Russie a tiré dimanche le plus grand nombre de drones – 472 – sur l'Ukraine depuis son invasion à grande échelle en février 2022, a déclaré l'armée de l'air ukrainienne, dans une tentative apparente de submerger les défenses aériennes. Cela s'inscrivait dans le cadre d'une récente escalade de frappes dans des zones civiles ukrainiennes.
Espoirs limités pour les pourparlers d'Istanbul
Les espoirs sont minces pour les pourparlers de paix.
En Lituanie, Vlodymyr Zelensky a déclaré qu'une nouvelle libération de prisonniers de guerre était en préparation après la réunion d'Istanbul. Les précédents pourparlers directs du 16 mai ont également abouti à un échange de prisonniers, portant à 1000 le nombre de prisonniers échangés de part et d'autre.
L'Ukraine a également remis à la Russie une liste officielle d'enfants qui, selon elle, ont été déportés de force et doivent être rapatriés, a indiqué Andriy Yermak, chef du cabinet du président ukrainien.
Le ministre turc des Affaires étrangères, Hakan Fidan, avait présidé les pourparlers de paix au palais Ciragan d'Istanbul.
Les discussions visaient à négocier des conditions d'un cessez-le-feu entre les deux parties, a-t-il déclaré, ajoutant que «le monde entier a les yeux rivés sur les contacts et les discussions que vous aurez ici».
Les efforts déployés par les États-Unis pour contraindre les deux parties à accepter un cessez-le-feu ont jusqu'à présent échoué. L'Ukraine a accepté cette mesure, mais le Kremlin l'a rejetée de facto.
La délégation ukrainienne était conduite par le ministre de la Défense, Roustem Oumierov, tandis que Vladimir Medinski, conseiller du président russe Vladimir Poutine, dirigeait l'équipe du Kremlin.
Les délégations russe et ukrainienne, comptant chacune plus d'une dizaine de personnes, étaient assises à une table en forme de «U», l'une en face de l'autre, entre lesquelles se trouvaient des responsables turcs. Nombre d'Ukrainiens portaient des treillis militaires.
Des déclarations récentes de hauts responsables des deux pays indiquent que leurs avis divergent encore sur les conditions clés de l'arrêt de la guerre.
L'Institute for the Study of War, un groupe de réflexion établi à Washington, a déclaré dimanche que «la Russie tente de retarder les négociations et de prolonger la guerre afin de réaliser des gains supplémentaires sur le champ de bataille».
Les combats incessants ont contrarié l'objectif du président américain Donald Trump de mettre fin rapidement à la guerre. Il y a une semaine, il a exprimé son impatience envers le président russe Vladimir Poutine, alors que Moscou pilonnait Kyiv et d'autres villes ukrainiennes avec des drones et des missiles pour la troisième nuit consécutive. M. Trump a déclaré sur les réseaux sociaux que le président Poutine «était devenu complètement FOU!»
Le premier cycle de négociations, qui s'est tenu le 16 mai, également à Istanbul, s'est terminé après moins de deux heures. Si les deux parties ont convenu d'un important échange de prisonniers, aucune avancée n'a été réalisée.
L'Ukraine optimiste après les frappes en Russie
L'Ukraine a triomphé après avoir ciblé des bases aériennes russes éloignées. La réponse officielle russe a été discrète, l'attaque n'ayant reçu qu'une faible couverture à la télévision d'État. Dimanche soir, la chaîne de télévision Russia-1 y a consacré un peu plus d'une minute, lisant un bref communiqué du ministère de la Défense avant que les images ne montrent des frappes de drones russes sur des positions ukrainiennes.
M. Zelensky a déclaré que les revers subis par le Kremlin l'obligeraient à négocier, alors même qu'il poursuit son offensive estivale sur le champ de bataille.
«La Russie doit comprendre la signification de ses pertes. C'est ce qui la poussera à la diplomatie», a-t-il déclaré lors d'un sommet lundi à Vilnius, en Lituanie, avec les dirigeants des pays nordiques et des pays du flanc oriental de l'OTAN.
Depuis le début de la guerre, l'Ukraine a régulièrement frappé des bases aériennes abritant des bombardiers stratégiques russes à capacité nucléaire, ce qui a incité l'armée de l'air russe à redéployer la plupart de ces appareils vers des régions plus éloignées du front.
Les drones de dimanche ayant été lancés depuis des camions situés à proximité des bases ciblées dans cinq régions russes, les défenses militaires n'ont pratiquement pas eu le temps de s'y préparer.
De nombreux blogueurs militaires russes ont reproché à l'armée de ne pas avoir construit de boucliers de protection pour les bombardiers malgré les attaques précédentes, mais la taille imposante des avions rend la tâche difficile.
Ces attaques ont porté un «coup dur à la puissance aérienne stratégique russe» et ont révélé d'importantes vulnérabilités dans les capacités militaires de Moscou, selon Phillips O’Brien, professeur d'études stratégiques à l'Université de St. Andrews, en Écosse.
Edward Lucas, chercheur principal au Centre d'analyse des politiques européennes, basé à Washington, l'a qualifiée d'«attaque la plus audacieuse de la guerre» et de «changement de donne militaire et stratégique».
«Affligés, assiégés, fatigués et en infériorité numérique, les Ukrainiens ont, à moindre coût, dans le plus grand secret et sur de vastes distances, détruit ou endommagé des dizaines, voire plus, de bombardiers stratégiques russes», a-t-il dit.
Les combats et les bombardements se poursuivent
Le président Zelensky a déclaré que «si la réunion d'Istanbul n'aboutit à rien, cela signifie clairement que de nouvelles sanctions fortes sont nécessaires de toute urgence» contre la Russie.
L'inquiétude internationale quant aux conséquences de la guerre, ainsi que les tensions commerciales, ont fait chuter les cours des actions asiatiques lundi, tandis que les prix du pétrole flambaient.
Des combats acharnés se poursuivent le long de la ligne de front d'environ 1000 kilomètres et les deux camps se sont mutuellement attaqués par des frappes en profondeur.
Les forces russes ont bombardé la région de Kherson, dans le sud de l'Ukraine, tuant trois personnes et en blessant 19 autres, dont deux enfants, ont indiqué lundi des responsables régionaux.
Par ailleurs, une frappe de missile et des bombardements ont eu lieu autour de la ville de Zaporijjia, dans le sud du pays, tuant cinq personnes et en blessant neuf autres, ont indiqué des responsables.
Les défenses aériennes russes ont abattu 162 drones ukrainiens au-dessus de huit régions russes dans la nuit, ainsi que de la péninsule ukrainienne annexée de Crimée, a annoncé lundi le ministère russe de la Défense.
Les défenses aériennes ukrainiennes ont endommagé 52 des 80 drones lancés par la Russie dans la nuit, a indiqué l'armée de l'air ukrainienne.
