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Le gouvernement et les hôpitaux soutiennent que les demandes sont prescrites - qu'elles auraient dû être déposées il y a des années, voire des décennies, lorsque les faits entourant l'affaire ont été révélés pour la première fois.
Les membres des familles des patients qui auraient subi un lavage de cerveau il y a plusieurs décennies dans un hôpital psychiatrique de Montréal craignent de manquer de temps pour obtenir une indemnisation, car le gouvernement fédéral et l'université McGill ont déposé des requêtes pour rejeter leur action en justice.
La mère de Glenn Landry, Catherine Elizabeth Harter, faisait partie des centaines de personnes qui ont reçu des traitements expérimentaux dans le cadre du programme MK-Ultra, financé par le gouvernement canadien et la CIA entre les années 1940 et 1960 à l'Institut Allan Memorial de Montréal, qui était affilié à l'Université McGill.
Landry est né après le séjour de sa mère à l'hôpital en 1959 et a dû être élevé par une famille d'accueil parce qu'elle ne pouvait pas s'occuper de lui.
Bien qu'il affirme que les traumatismes qu'elle a subis avant de se faire soigner ont sans aucun doute joué un rôle dans ses problèmes de santé mentale, il pense que les traitements de choc et la pharmacothérapie qu'elle a reçus pendant son séjour de plusieurs mois sous les soins du Dr Donald Ewen Cameron et de ses collègues l'ont privé d'une relation avec elle.
«Elle n'était plus la personne qu'elle aurait été, parce qu'il n'y avait aucun moyen pour moi de lui demander quelque souvenir que ce soit», a-t-il dit à propos de sa mère, qu'il voyait environ une fois par an jusqu'à sa mort dans les années 1980. « Elle passait du temps avec moi parce que j'étais son fils, mais il n'y avait rien sur elle en tant que personne que je puisse glaner. Elle n'était pas là.»
Landry est l'une des 60 familles qui participent à un procès contre le gouvernement canadien, le Centre de santé de l'Université McGill et l'Hôpital Royal Victoria au sujet du programme MK-Ultra.
Les plaignants affirment que les membres de leur famille ont été soumis à des expériences psychiatriques comprenant des médicaments puissants, des messages audio répétés, des comas provoqués et des traitements de choc qui les ont parfois réduits à l'état d'enfant.
L'avocat Alan Stein, qui représente le groupe, a affirmé qu'il espérait que le gouvernement et les hôpitaux accepteraient d'entamer des discussions sur l'indemnisation de ses clients, dont beaucoup sont âgés.
Au lieu de cela, les parties adverses ont déposé la semaine dernière devant la Cour supérieure du Québec des requêtes en irrecevabilité, arguant que l'action en justice est «infondée en droit et constitue un abus de procédure».
Le gouvernement et les hôpitaux soutiennent que les demandes sont prescrites - qu'elles auraient dû être déposées il y a des années, voire des décennies, lorsque les faits entourant l'affaire ont été révélés pour la première fois.
«En plus d'être prescrite, la demande introductive d'instance constitue un abus de procédure en ce qu'elle cherche à remettre en cause des questions déterminantes de fait et de droit que les tribunaux du Québec ont tranché il y a plus de vingt ans», peut-on lire dans l'une des motions.
Dans un courriel, un porte-parole du ministère canadien de la justice a avancé que le gouvernement «reconnaît le mal et la douleur infligés aux personnes touchées par ces traitements historiques», mais estime que les allégations sont infondées.
Le ministère a déclaré qu'un rapport de 1986 sur le travail de Cameron avait conclu que le gouvernement canadien n'avait pas de responsabilité légale ou morale pour les traitements, mais qu'il avait néanmoins décidé d'apporter une aide aux victimes dans les années 1990 pour des «raisons humanitaires».
Le Centre universitaire de santé McGill s'est refusé à tout commentaire.
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Lors d'un entretien téléphonique, M. Stein a expliqué que la requête en irrecevabilité était une manœuvre dilatoire de la part des avocats du gouvernement.
«Ils pensent que mes clients n'iront pas plus loin, qu'ils perdront confiance et qu'ils n'accepteront pas de poursuivre la procédure», a-t-il mentionné.
Il affirme que ses clients devraient toujours avoir le droit d'intenter une action en justice parce qu'ils ne savaient pas auparavant que c'était une option qui s'offrait à eux.
Si certaines victimes ont été indemnisées, l'argent, pour la plupart, n'a pas été versé aux membres de leur famille, a-t-il ajouté.
Le procès demande près d'un million de dollars par famille pour ce que M. Stein qualifie d'«erreur judiciaire totale».
M. Landry affirme que les victimes veulent également des excuses, soulignant que la façon dont l'affaire est traitée n'est pas sans rappeler l'internement des Canadiens d'origine japonaise pendant la Seconde Guerre mondiale.
Étant donné qu'un autre groupe de victimes présumées de Cameron et un avocat différent avaient déjà déposé une demande d'action collective, M. Stein a choisi de déposer une action directe, qui permet aux plaignants d'être mandatés par d'autres personnes se trouvant dans des circonstances similaires pour intenter une action en leur nom.
La Cour supérieure du Québec a ouvert la voie à un procès en 2022 en rejetant une demande du gouvernement et des hôpitaux de rejeter partiellement l'action en justice, mais la procédure a été retardée par un appel, qui a également échoué.
La proposition de recours collectif représentant les autres victimes avait tenté d'inclure le gouvernement des États-Unis comme défendeur, mais la Cour d'appel du Québec a statué plus tôt cette année que l'État américain ne pouvait être poursuivi au Canada pour son rôle présumé dans les expériences ; la Cour suprême du Canada a refusé d'examiner l'affaire.
Bien que les deux procès soient distincts, M. Stein estime qu'une victoire du gouvernement et des hôpitaux dans son procès rendrait très difficile l'avancement de l'autre action, puisqu'elle serait probablement visée par une requête similaire.
L'un des deux plaignants nommés dans le procès de M. Stein s'est déjà désisté. Marilyn Rappaport a déclaré dans une interview qu'elle s'était retirée après la mort de son mari.
Cette perte dévastatrice, combinée à son besoin permanent de soutenir ses frères et sœurs victimes des expériences, a rendu trop difficile la perspective de revivre ses terribles souvenirs d'enfance devant un tribunal, a-t-elle dit.
Mme Rappaport explique que sa sœur Evelyn, autrefois belle et artiste, a connu ce qu'elle décrit comme une «mort vivante» au cours des décennies qui se sont écoulées depuis qu'elle s'est rendue à l'hôpital pour y recevoir des traitements, notamment être endormie pendant «des mois d'affilée» et soumise à des messages audio répétés.
Aujourd'hui âgée de 80 ans, sa sœur est internée et sa mémoire a «totalement disparu», selon Mme Rappaport.
Bien qu'elle ne soit plus partie prenante au procès, Mme Rappaport espère toujours obtenir une victoire et est contrariée par le fait que le gouvernement continue de se battre.
«Je ne comprends pas pourquoi cela prend autant de temps», dit-elle.