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L'UE envisage d'expulser des migrants vers des pays qui leur sont étrangers mais sûrs

Les groupes de défense affirment que les projets de «tiers pays sûrs», dévoilés mardi, sont contraires aux valeurs de l'UE et pèseront sur les pays les plus pauvres.

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a895d0de51fb970765ffb5f75f536507196c7bd41239491ac6b776c4dde2a5be.jpg L'Union européenne (UE) envisage d'expulser des migrants vers des pays avec lesquels ils n'ont aucun lien évident, dans le but d'expulser davantage de personnes non autorisées à rester. Des migrants se rassemblent près de la frontière entre la Libye et la Tunisie, tandis que les forces de sécurité libyennes et la Croix-Rouge libyenne leur distribuent de l'aide alimentaire, le dimanche 23 juillet 2023. (Photo AP/Yousef Murad, archives)

L'Union européenne (UE) envisage d'expulser des migrants vers des pays avec lesquels ils n'ont aucun lien évident, dans le but d'expulser davantage de personnes n'étant pas autorisées à rester.

Les groupes de défense affirment que les projets de «tiers pays sûrs», dévoilés mardi, sont contraires aux valeurs de l'UE et pèseront sur les pays les plus pauvres. Selon les règles de l'Union, des personnes peuvent être envoyées vers des pays considérés comme sûrs, mais pas vers ceux où elles risquent d'être victimes de violences physiques ou de persécutions.

«Nous pouvons nous attendre à voir des familles séparées et des personnes expulsées sans contrôle judiciaire approprié vers des lieux qu'elles ne connaissent même pas», a prévenu Silvia Carta, chargée de plaidoyer chez PICUM, un collectif d'organisations de défense des droits des migrants.

La Commission européenne, l'organe exécutif de l'UE, a proposé que les 27 pays membres ne se sentent plus tenus de garantir que les migrants aient un lien avec un lieu où ils pourraient être envoyés. 

La Commission, qui propose la législation européenne et veille à son respect, a déclaré que les migrants sans papiers pourraient également être considérés comme ayant un lien avec un pays s'ils l'ont traversé en toute sécurité pour rejoindre l'Europe. Cette disposition ne s'appliquerait pas aux enfants voyageant seuls.

Dans le cadre de ce projet, des personnes pourraient être conduites de force vers l'un de ces pays avant que leur cas ne soit examiné, même en cas de recours.

Le nouveau projet de règles, qui doit être approuvé par les pays de l'UE et le Parlement européen pour entrer en vigueur, a été dévoilé alors que plusieurs pays, dont le Royaume-Uni et l'Italie, cherchent à créer des «centres de retour» dans des pays tiers où les demandeurs d'asile déboutés pourraient être retenus jusqu'à leur expulsion.

La Commission a déclaré que son projet accélérerait les procédures d'asile et allégerait la pression sur les administrations et les structures européennes. Le droit européen exige actuellement des autorités qu'elles prouvent l'existence d'un lien entre les demandeurs et le pays tiers sûr vers lequel ils pourraient être envoyés.

«Au lieu de consacrer un temps et des ressources incalculables à se décharger de ses responsabilités sur d'autres pays, l'UE devrait investir dans ses propres systèmes d'asile», a pointé Olivia Sundberg Diez, défenseuse de la migration et du droit d'asile à Amnesty International. 

«Envoyer des personnes vers des pays avec lesquels elles n'ont aucun lien, aucun soutien et aucune perspective, ou n'ont transité que brièvement est non seulement chaotique et arbitraire, mais aussi dévastateur sur le plan humain», a soutenu Mme Diez.

Plus d'un million de personnes sont arrivées en Europe il y a dix ans, déclenchant une crise politique quant à leur prise en charge. Les tensions entre voisins européens restent palpables. Depuis, les lois sur l'immigration n'ont cessé de se durcir.

Le mois dernier, la Commission européenne a déclaré que sept pays – le Bangladesh, la Colombie, l'Égypte, l'Inde, le Kosovo, le Maroc et la Tunisie – devraient être désignés comme «tiers pays sûrs».

Elle a précisé que les migrants originaires de ces pays ont peu de chances d'obtenir l'asile en Europe et que leur demande devrait être traitée en trois mois, au lieu des six mois habituels, afin de pouvoir être renvoyés chez eux plus rapidement.

Les demandes d'asile des personnes originaires de pays candidats à l'adhésion à l'UE – Albanie, Bosnie-Herzégovine, Géorgie, Moldavie, Monténégro, Macédoine du Nord, Serbie et Turquie – bénéficieraient également d'une procédure accélérée.