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Loi 21: la motion bloquiste pressant Ottawa de cesser son intervention est rejetée

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0f7c50f97cd22e1b0daab36a8dbb86a0d035e6eff9bd8b014fa4274a147117a1.jpg Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, se levant mercredi pour prendre la parole durant la période des questions. (LA PRESSE CANADIENNE/Adrian Wyld)

La motion bloquiste demandant au gouvernement de Mark Carney de cesser d'être intervenant dans la contestation de la loi québécoise sur la laïcité de l'État, mieux connue comme l'ancien projet de loi 21, a été battue mercredi.

Libéraux et néo-démocrates s'y sont opposés, ce qui a permis que la proposition soit écartée.

Les conservateurs, qui étaient pressés, durant le débat sur la motion, de clarifier leur position tant par les libéraux que les bloquistes, ont appuyé le texte soumis par le Bloc québécois.

Le chef conservateur Pierre Poilievre n'a jamais caché son opposition à l'interdiction du port de signes religieux, inscrite dans la loi 21, qui vise notamment les enseignants et les juges. Or, la présente intervention du fédéral porte plutôt sur le recours, dans la législation, à la disposition de dérogation à plusieurs articles de la Charte canadienne des droits et libertés.

Durant la course au leadership qui lui a permis de remporter la chefferie du Parti conservateur du Canada, M. Poilievre signalait qu'il ne reviendrait pas, s'il devenait premier ministre, sur la décision déjà connue du gouvernement - alors dirigé par l'ex-chef libéral Justin Trudeau - d'intervenir dans la contestation de loi 21 lorsqu'elle se retrouverait entre les mains de la Cour suprême.

À ce moment-là, en 2022, il n'était toutefois pas encore clair de quelle façon le gouvernement fédéral allait articuler son argumentaire.

Dans son mémoire d'intervenant dans la contestation, déposé la semaine dernière, Ottawa a choisi d'éviter de se prononcer sur les fondements de la loi 21 et de plutôt s'attaquer à l'emploi de la disposition de dérogation, soit l'article 33 de la Charte.

Le gouvernement fédéral souhaite que le recours à cette clause soit circonscrit. Cette dernière, si elle est employée de façon répétée, équivaut à «modifier indirectement la Constitution», y fait valoir le procureur général du Canada et ministre de la Justice, Sean Fraser.

À son avis, la Cour devrait pouvoir statuer sur la question de savoir si un recours répété à ce qui est couramment appelé la «clause nonobstant» peut entraîner une «atteinte irréparable» aux droits des Canadiens.

«L’impossibilité prolongée d’exercer un droit ou une liberté visés par l’article 33 reviendrait, en pratique, à en nier l’existence même, ce qui ne peut se faire que par une modification constitutionnelle», peut-on lire dans le mémoire.

D'autres provinces, comme l'Alberta, se rangent du côté du gouvernement du Québec pour défendre le recours à la disposition de dérogation. Plus précisément, le Procureur général de la province soutient que la disposition de dérogation est un «compromis durement acquis» lors des négociations constitutionnelles et qu'elle préserve la souveraineté parlementaire des provinces.

Peu de temps avant le vote sur la motion défaite mercredi, le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a dénoncé certains passages du mémoire, notamment celui qui suggère que l'article 33 de la Charte, si son emploi n'est pas encadré, pourrait «autoriser l’exécution  arbitraire ou l’esclavage».

Il a demandé au premier ministre Mark Carney «pourquoi il permet de telles insultes», ce à quoi ce dernier n'a pas répondu directement, répétant que ce c'est «le job» du gouvernement fédéral de défendre la Charte canadienne des droits et libertés.

Quant aux néo-démocrates, leur opposition à la motion bloquiste était attendue. «Suspense!», avait ironisé leur député Alexandre Boulerice, dans une brève mêlée de presse, quant à savoir comment ils allaient se prononcer.

Quoi qu'il en soit, il estime que le gouvernement aurait pu choisi plus judicieusement ses mots dans son mémoire.

«Je trouve qu’il y a l'utilisation de certains mots qui sont là (...) abusifs, je pense, exagérés, mais je pense que poser la question sur les balises et l'encadrement de l'utilisation de la clause dérogatoire, c'est une bonne question à poser», a-t-il dit.

Émilie Bergeron

Émilie Bergeron

Journaliste