La charte royale qui a donné naissance à la Compagnie de la Baie d’Hudson il y a environ 355 ans pourrait bientôt avoir un nouveau foyer.
Le Musée canadien de l’histoire a annoncé mercredi que la famille Weston, célèbre pour sa société Loblaw, souhaite acheter le document et en faire don à l’institution située à Gatineau.
La charte a été signée par le roi Charles II en 1670. Elle a conféré à la Compagnie des droits sur une vaste étendue de territoire couvrant la majeure partie du Canada et un pouvoir extraordinaire sur le commerce et les relations avec les Autochtones pendant des décennies.
Le musée précise que l’acquisition doit encore être approuvée par le tribunal, mais que, si cette autorisation est obtenue, les Weston feront don du document immédiatement et de manière permanente.
«À l’heure où le Canada traverse des défis profonds et cherche à renouer avec l’unité, il est plus important que jamais que nous restions fidèles aux symboles et aux récits qui nous définissent en tant que nation», explique Galen Weston dans une déclaration.
«La Charte royale est un artefact important dans l’histoire complexe du Canada. Notre objectif est de veiller à ce qu’elle soit préservée avec soin, partagée avec intégrité et rendue accessible à tous les Canadiens, en particulier ceux dont l’histoire est profondément liée à son héritage.»
Sa famille a bâti sa fortune grâce à des chaînes de magasins au Canada, telles que Loblaw et Holt Renfrew, ainsi qu’à plusieurs grands magasins européens.
Dans le cadre de son projet d’achat de la charte, le musée indique que la famille avait proposé un financement supplémentaire de 1 million $ pour soutenir «un processus de consultation significatif» avec les peuples autochtones sur la manière dont la Charte royale «peut être partagée, interprétée et contextualisée d’une manière qui respecte leurs perspectives et expériences historiques».
Ce financement aidera le musée à explorer les moyens de partager la charte avec d’autres musées et à travers des expositions publiques.
Caroline Dromaguet, présidente-directrice générale du musée, souligne que ce don revêt «une importance capitale pour toute la population canadienne» et «servira de catalyseur pour un dialogue national, pour l’éducation et pour la réconciliation, et ce, pour des générations à venir».
Les Weston ont manifesté leur intérêt pour l’achat de la charte après que La Baie a déposé une demande de protection contre ses créanciers en mars, sous le poids d’une dette de 1,1 milliard $. Ils ont fait une offre officielle en juin.
La Baie a été séduite par l’offre de 12,5 millions $, car elle dépassait « considérablement » la valeur attribuée à la charte lors d’une évaluation d’assurance réalisée en 2022, indique Adam Zalev, cofondateur du cabinet de conseil financier Reflect Advisors, dans un document judiciaire déposé mercredi.
La Baie a également été sensible à l’offre en raison du financement supplémentaire destiné à garantir l’accès à la charte aux communautés autochtones et aux institutions.
La charte devait initialement être cédée lors d’une future vente aux enchères que La Baie s’apprêtait à organiser avec la Galerie Heffel afin de vendre 2700 artefacts et 1700 œuvres d’art appartenant au détaillant. Une requête déposée mercredi devant le tribunal demande à un juge d’approuver le retrait de la charte de toute vente aux enchères éventuelle.
Lorsque La Baie a lancé l’idée d’organiser une vente aux enchères pour se débarrasser de ses trésors, cela a suscité l’inquiétude des institutions d’archives, des gouvernements et des groupes autochtones, notamment de l’Assemblée des chefs du Manitoba. Ils craignaient que cela ne permette à des pièces de l’histoire canadienne et autochtone de finir entre des mains privées et hors de la vue du public.
Pour apaiser leurs inquiétudes, La Baie a commencé à autoriser les groupes à consulter l’inventaire de la collection à condition qu’ils signent des accords de confidentialité.
Une source proche de la collection de La Baie, qui n’était pas autorisée à s’exprimer publiquement, a précédemment déclaré à La Presse Canadienne que des peintures, des couvertures à points, des documents papier et même des poupées Barbie de collection faisaient partie du trésor.
Les historiens estiment que la charte est probablement l’objet le plus convoité que possédait le détaillant.
«C’est sans aucun doute leur joyau le plus précieux», affirmait Cody Groat, historien spécialiste de l’histoire canadienne et autochtone et président du Comité consultatif pour la Mémoire du monde de l’UNESCO, lors d’une entrevue accordée en avril.
«Il ne fait aucun doute qu’il s’agit du document le plus important auquel la Compagnie de la Baie d’Hudson a accès ou qu’elle ait jamais produit.»
Thomas Caldwell, chef de la direction de la société de gestion d’investissements Urbana établie à Toronto, partage cet avis. Il rapportait au printemps à La Presse Canadienne qu’il était intéressé par l’achat et le don du document en parchemin portant un sceau royal en cire à un musée.
À l’époque, il avait déclaré que le don de cette pièce serait «plus logique» pour celui qui l’achèterait, car «c’est très compliqué d’avoir un objet historique comme celui-ci dans un bureau ou à la maison». Il avait estimé qu’il faudrait l’assurer, le surveiller en permanence et probablement le conserver à une température précise pour le préserver.
Pendant de nombreuses années, la Compagnie de la Baie de Hudson a conservé la charte royale à son siège social à Toronto, bien qu’elle ait été temporairement prêtée au Musée du Manitoba en 2020.
Ce musée et les Archives du Manitoba détiennent la majeure partie des artefacts de la Compagnie de la Baie de Hudson. L’entreprise les a donnés à ces organisations dans les années 1990, et beaucoup pensaient donc qu’ils seraient les hôtes naturels de la charte.
«Nous savons exactement où elle doit se trouver dans notre système», affirmait Kathleen Epp, conservatrice des archives de la Compagnie de la Baie d’Hudson du Manitoba, à La Presse Canadienne en avril.
«Nous considérons déjà (la charte) comme faisant partie de nos archives, car (…) nous avons le reste de l’histoire et nous pensons donc qu’il est logique que la charte se trouve ici et soit accessible au public comme n’importe quel autre document.»
