Début du contenu principal.
Par une belle journée d'hiver, les ouvriers d'une centrale thermique ukrainienne réparent leurs équipements fortement endommagés tandis que des gouttes d'eau provenant de la fonte des neiges s'infiltrent à travers les grands trous de son toit détruit.
Plusieurs semaines plus tôt, l'installation avait été ciblée par une attaque aérienne russe qui a laissé des traces de brûlure, des marques d'éclats d'obus sur les murs et des fragments de missiles éparpillés sur le milieu de production.
«C'est notre vie maintenant. Les ouvriers d'une centrale thermique censée produire de l'électricité marchent sur des sols gelés et utilisent du bois de chauffage pour se réchauffer», a ironisé Oleksandr, 52 ans, chef du département de gestion de la production, à l'Associated Press. Il a parlé à condition que seul son prénom soit utilisé, invoquant des questions de sécurité.
Les frappes russes répétées sur les infrastructures ont gravement affecté le secteur énergétique ukrainien, entraînant souvent des pannes de courant à travers le pays. Jeudi, Moscou a lancé une autre attaque aérienne d'envergure. Les autorités ukrainiennes ont affirmé que près de 200 drones et missiles ont ciblé ses infrastructures, perturbant l'alimentation électrique de plus d'un million de personnes.
À voir aussi : «Je souffre»: 1000 jours de guerre entre l'Ukraine et la Russie
L'ampleur des travaux en cours pour réparer le secteur est énorme. Depuis le début de l’invasion Russe en 2022, le G7 et d’autres pays alliés ont alloué plus de 4 milliards $US d’aide énergétique à l’Ukraine, a noté en septembre le secrétaire d’État américain Antony Blinken.
Oleksandr travaille pour une centrale électrique exploitée par la plus grande entreprise énergétique privée d’Ukraine, DTEK. Il affirme que, depuis la première attaque de la centrale en novembre 2022, elle n’a pas pu revenir au maximum de sa capacité en raison de frappes continues qui ont laissé des équipements essentiels en ruine. L’emplacement exact de la centrale visitée par l’AP, les détails sur les dégâts et même les noms de famille des travailleurs ne peuvent être divulgués de peur que ces informations n’aident la Russie à coordonner de futures attaques.
DTEK exploitait environ 20 % de la production d’électricité en Ukraine avant la guerre, mais ce chiffre est tombé à 12 % depuis le début des hostilités. L'entreprise affirme que ses installations ont été attaquées par la Russie près de 200 fois depuis 2022. Elle affirme également que près de 90 % des infrastructures de l'entreprise ont été détruites ou ont subi des dommages, et ce, avant que la Russie ne lance son attaque à grande échelle le 17 novembre.
Oleksandr dit s'attendre à ce que les réparations de la centrale se poursuivent tout au long de l'hiver jusqu'à l'année prochaine, et potentiellement bien au-delà. Les efforts de réparation de la centrale sont encore compliqués par le fait que certains des éléments essentiels de celle-ci ont été fabriqués en Union soviétique et qu'il est désormais difficile de trouver des pièces. Pour atténuer ce problème, certains anciens pays soviétiques qui sont désormais des alliés de l'Ukraine ont contribué à fournir des équipements.
«Les pays occidentaux pourraient potentiellement nous aider en matière d'équipements, mais leurs réseaux électriques ont des caractéristiques différentes», a noté Oleksandr.
La capacité de production de DTEK n'a été restaurée qu'à moitié depuis les premières attaques sur ses centrales en novembre 2022. En début de semaine, la Commission européenne et le gouvernement américain ont annoncé un don de 112 millions $US en équipements et matériaux de construction pour aider DTEK à se préparer à l’hiver.
La guerre étant dans sa troisième année, le personnel de l’usine de DTEK s’est adapté à la dure réalité de son quotidien. Ils connaissent les protocoles par cœur. Tout le monde ne peut pas se mettre à l’abri pendant une alerte aérienne. Une équipe minimale doit rester dans la salle de contrôle pour superviser les opérations, s’exposant ainsi au risque d’une frappe directe.
«Il faut s’asseoir et attendre tout en surveillant les trajectoires des projectiles qui ont été tirés, mais les groupes électrogènes continuent de fonctionner, nous ne pouvons donc pas simplement partir, nous restons dans la salle de contrôle», a expliqué Dmytro, 41 ans, opérateur de groupe électrogène à la centrale.
À voir aussi : Un ambulancier de Québec en Ukraine pour apporter «un élan de solidarité»
Malgré les défis, Dmytro et ses collègues continuent de travailler, poussés par la mission de maintenir les lumières allumées dans leurs villes et leurs régions pendant les mois d’hiver.
«Qui le fera, sinon nous? J’ai aussi de la famille qui m’attend à la maison, mais, si nous partons tous et que les équipements tombent en panne, la responsabilité retombera sur nos épaules, toute la ville sera privée d’électricité et de chauffage», a-t-il déclaré.
«Certains risquent (leur vie) en première ligne, alors qu’ici nous avons notre propre front énergétique.»