Les souverainistes québécois observent avec curiosité et une bonne dose de scepticisme les discussions sur un éventuel référendum sur l'avenir politique de l'Alberta.
Certains espèrent que l'essor du mouvement séparatisme dans la province de l'ouest va favoriser le mouvement indépendantiste au Québec.
Selon eux, le débat autour d'une éventuelle indépendance d'une autre province provoquera un éveil chez les Québécois qui réfléchiront plus sérieusement sur la souveraineté.
Le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, a applaudi la façon avec laquelle la première ministre de l'Alberta Danielle Smith défend les intérêts de sa province. Il a dressé un parallèle entre les deux provinces, disant que toutes les deux souhaitent être autonomes pour contrer «les abus de pouvoir» du gouvernement fédéral.
Il n'est pas le seul à croire que la poussée indépendantiste en Alberta pourrait profiter au mouvement souverainiste québécois. Pour Frédéric Lapointe, président du Mouvement national des Québécoises et Québécois, le débat en Alberta pourrait contribuer à normaliser l'idée d'indépendance.
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«Le fait qu'il y ait des discussions en dehors du Québec, ailleurs au Canada, ça peut être une forme de 'wake-up call' et là les gens vont se mettre à y réfléchir plus sérieusement», souligne-t-il.
Faisant valoir que le mouvement souverainiste était traditionnellement à gauche du spectre politique, M. Lapointe dit espérer que le mouvement albertain, mené par des éléments plus conservateurs, permettra d'étendre l'attrait de l'idée indépendantiste au Québec.
L'ancienne ministre péquiste Louise Harel croit que le mouvement séparatiste albertain peut alimenter le sentiment souverainiste au Québec, même si les deux groupes ne partagent pas grand-chose en commun. Le gouvernement fédéral pourrait offrir une branche d'olivier à l'Alberta en favorisant la construction d'un oléoduc au Québec. «Si cela advenait, le Québec pourrait déclencher un référendum et le gagner pour protester. C'est très intéressant», avance-t-elle.
D'autres voient des différences importantes entre les deux mouvements indépendantistes.
Ils disent que le Québec est une nation distincte par sa culture unique et sa langue tandis que le séparatisme albertain se nourrit de la frustration contre le gouvernement fédéral, notamment au sujet de l'exploitation des ressources pétrolières et gazières.
Mme Harel ne peut pas appuyer le mouvement indépendantiste albertain parce qu'elle croit que son objectif principal est de protéger les secteurs pétroliers et gaziers et saper les protections environnementales.
Danielle Smith, a présenté un projet de loi visant à réduire considérablement le nombre de pétitionnaires devant se réunir pour déclencher un référendum provincial.
Et si un référendum sur l'avenir politique de l'Alberta était déclenché, Mme Smith a promis d'en respecter les résultats.
Michael Wagner, un partisan de l'indépendance de l'Alberta ne croit pas que la province forme vraiment une nation distincte à l'instar du Québec. C'est la raison pour laquelle le mouvement indépendantiste y est plus fragile.
«La plupart des Albertains, même ceux qui appuient l'indépendance, n'en veulent pas réellement», reconnaît-il.
Il se souvient d'une assemblée indépendantiste où les participants avaient chanté le «Ô Canada». «Je ne pense pas qu'on aurait vu cela au Québec.»
Un sondage de la firme Angus Reid indiquait cette semaine que l'appui à l'indépendance de l'Alberta atteignait environ 36 %.
L'appui de la souveraineté du Québec a stagné à environ 35% depuis plusieurs années, mais il a chuté depuis le retour au pouvoir aux États-Unis de Donald Trump qui souhaite que le Canada devienne le 51e État de son pays.
La présidente de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, Marie-Anne Alepin, dit observer un mécontentement des Albertains devant les politiques centralisatrices du gouvernement fédéral. «C'est comme si [la menace de l'indépendance] devenait un outil, un levier pour des objectifs économiques», souligne-t-elle.
La grande différence, ajoute-t-elle, c'est l'Alberta «qui veut plus de place dans le Canada, nous, on veut s'en extraire».
Dans la version précédente de ce texte, des citations avaient été attribuées par erreur à Paul St-Pierre Plamondon alors qu'elles étaient de Frédéric Lapointe.

