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Confrontés à un rouble qui s'effondre, à une explosion possible des prix et à la quasi-impossibilité de se rendre à l'étranger, les Russes se sont rués sur les banques et les guichets automatiques lundi dans un pays qui a traversé plus que sa part de crises financières depuis l'implosion de l'empire soviétique.
La devise russe a perdu environ le tiers de sa valeur face au dollar américain quand des puissances occidentales ont annoncé qu'elles bloquaient l'accès de certaines banques russes au système international de paiement SWIFT et qu'elles restreignaient la capacité de la Russie à dépenser ses immenses réserves de devises étrangères.
Le rouble s'est ensuite redressé, après une intervention robuste de la Banque centrale de Russie.
Mais l'étau économique s'est resserré encore un plus lundi, avec l'annonce par les États-Unis de nouvelles sanctions visant à geler les actifs de la banque centrale russe aux États-Unis ou détenus par des Américains. L'administration Biden calcule que cela pourrait toucher des «centaines de milliards de dollars» en financement russe.
L'administration a ajouté que l'Allemagne, la France, le Royaume-Uni, l'Italie, le Japon, l'Union européenne et d'autres pays cibleront aussi la banque centrale.
Des Russes inquiets de l'impact dévastateur que pourraient avoir les sanctions sur leur économie prennent d'assaut les banques et les guichets automatiques depuis plusieurs jours, et des informations qui circulent en ligne témoignent de longues files et de machines vides.
Les résidents de certains pays d'Europe centrale se sont aussi empressés de retirer leur argent des filiales de la banque étatique russe Sberbank, qui fait l'objet de sanctions.
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Le département du transport en commun de Moscou a prévenu les voyageurs, en fin de semaine, qu'ils pourraient peiner à utiliser Apple Pay, Google Pay et Samsung Pay pour régler leurs passages, puisque la banque qui gère les paiements par carte dans le transport en commun moscovite est elle aussi frappée par des sanctions.
Un effondrement de la valeur du rouble pourrait matraquer le niveau de vie du Russe moyen, ont prévenu des économistes et des analystes. Les Russes dépendent toujours d'une vaste gamme de produits importés dont le prix pourrait exploser. Les voyages à l'étranger pourraient aussi devenir plus dispendieux si le rouble achète moins de devises étrangères.
Une autre secousse économique pourrait survenir au cours des prochaines semaines si les chocs au niveau des prix et les problèmes d'approvisionnement provoquent une baisse de la demande qui entraînera la fermeture des usines russes.
«Ça va se propager à travers leur économie très rapidement, a dit l'économiste David Feldman, de l'université William & Mary en Virginie. Le prix de tout ce qui est importé va bondir en devises locales. La seule manière d'y mettre fin sera avec de lourdes subventions.»
La Russie produit plusieurs biens sur son territoire, dont l'essentiel de sa nourriture, afin de se protéger des sanctions, mais le prix de ce qui ne peut pas être produit en Russie devrait augmenter, qu'il s'agisse de certains fruits ou de produits électroniques comme les ordinateurs ou les téléphones portables.
Le gouvernement russe devra intervenir en appui aux industries, aux banques et à l'économie, mais sans accès à des devises comme le dollar américain et l'euro, il pourrait n'avoir d'autre choix que d'imprimer encore plus de roubles, ce qui l'engagerait sur la pente glissante de l'hyperinflation.
Le secteur automobile, un employeur de premier plan, «est frappé très rapidement avec l'interdiction d'importer des puces et d'autres pièces», a dit Chris Weafer, le patron de Macro-Advisory, une société-conseil spécialiste de l'Eurasie.
Tant que quelques banques seront toujours liées à SWIFT, a-t-il ajouté, la Russie pourra continuer à exporter, afficher une croissance modeste cette année et générer assez de revenus pour subventionner ou sauver les grandes entreprises ou les grands employeurs.
«Donc ça dépend énormément de si SWIFT reste ouvert ou si ce dernier canal est fermé», a dit M. Weafer.
Après que l'Occident ait puni la Russie pour avoir annexé la péninsule de la Crimée en 2014, la banque centrale russe a fait le ménage des banques plus faibles et s'est préparée en vue de sanctions encore plus sévères.
«On ne devrait pas craindre une crise ou un effondrement dans l'immédiat, a-t-il dit. C'est seulement si ces sanctions se resserrent ou se prolongent pendant plusieurs années; la situation se détériorerait clairement pendant cette période.»
La Banque centrale de Russie a annoncé qu'elle portait son taux directeur de 9,5 % à 20 %. Elle a aussi annoncé que la bourse de Moscou serait fermée lundi.
On ne sait pas exactement quelle portion des réserves de 640 milliards $ US amassées par la Russie, dont certaines pourraient se trouver à l'extérieur du pays, serait gelée, mais des responsables européens indiquent qu'au moins la moitié de la somme sera touchée.
Cela augmenterait dramatiquement la pression sur le rouble en minant la capacité des autorités financières de l'appuyer en utilisant ces réserves pour acheter des roubles.
Tout en admettant que les sanctions sont «lourdes», le porte-parole du Kremlin, Dimitri Peskov, a assuré lundi que la «Russie dispose du potentiel nécessaire pour compenser pour les dommages».
Les mesures prises en appui au rouble sont elles-mêmes douloureuses, puisqu’une hausse des taux d'intérêt peut freiner la croissance en augmentant le coût du crédit pour les entreprises. La décision de la banque centrale pourrait aussi frapper les Russes ordinaires ou les propriétaires d'entreprises qui ont emprunté de l'argent.
La banque centrale a ordonné d'autres mesures pour aider les banques à résister à la crise en injectant des fonds dans le système financier et en allégeant les restrictions sur les opérations bancaires. Au même moment, elle a temporairement interdit aux non-résidents de vendre des obligations gouvernementales pour alléger la pression sur le rouble exercée par des investisseurs inquiets qui essaient de liquider de tels investissements.
Avec la participation de David Mchugh et Ken Sweet.