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L'ambassadrice du Canada en Chine affirme que la relation «complexe» d'Ottawa avec Pékin signifie que certaines facettes de la relation s'accélèrent tandis que d'autres sont en marche arrière.
«L'analogie que j'utilise constamment lorsque je conseille des entreprises canadiennes qui cherchent à faire des affaires en Chine est celle de la lumière jaune», a expliqué Jennifer May, dans un discours en français cette semaine.
Mme May a indiqué au Conseil des relations internationales de Montréal que le Canada n'a plus le feu vert du «business as usual» avec la Chine, mais qu'il a également dépassé ce qu'elle a appelé le scénario du feu rouge de 2018, lorsque la Chine a arrêté les citoyens canadiens Michael Kovrig et Michael Spavor.
Pékin a emprisonné les deux hommes pendant 1019 jours après l'arrestation et la détention de Meng Wanzhou, cadre de Huawei, à Vancouver, à la demande des États-Unis. Depuis lors, les Canadiens continuent de dire dans les sondages qu'ils craignent d'être arrêtés arbitrairement en Chine.
Fin 2022, Ottawa a publié sa stratégie indopacifique, qui affirmait que la Chine «est une puissance mondiale de plus en plus perturbatrice».
Dans son discours de lundi, Mme May a soutenu que cela ne signifie pas que le Canada ne peut pas travailler avec Pékin.
«Le Canada ne considère pas la Chine comme un adversaire», a-t-elle expliqué. «C'est plutôt un pays qui présente à la fois des défis et des possibilités, ce qui exige une gestion prudente et une pensée stratégique.»
L'ambassadrice a raconté que les entreprises énergétiques canadiennes font des percées en Chine, tandis que d'autres dans des secteurs comme l'agriculture se trouvent bloquées par ce qu'elle a appelé les mesures arbitraires de Pékin. Elle a noté que des restrictions durent depuis plus de deux ans sur les importations de certains types de bœuf canadien et d'aliments pour animaux contenant du poulet.
Ce mois-ci, la Chine a déposé une plainte auprès de l'Organisation mondiale du commerce et a lancé sa propre enquête antidumping sur les importations de canola canadien. Cela était en réponse à la décision du Canada en août d'augmenter les tarifs sur les véhicules électriques fabriqués en Chine. Ottawa envisage maintenant d'autres tarifs sur les produits énergétiques comme les batteries.
Mme May a fait remarquer que la querelle «met en évidence les risques auxquels sont confrontées les entreprises canadiennes opérant en Chine» et la nécessité de diversifier les exportations vers d'autres pays. Ottawa affirme que ses propres restrictions visent à protéger le Canada des subventions qui nuisent à la production nationale et qu'elles s'alignent sur celles des pays pairs.
L'ambassadrice a noté que la Chine «protège farouchement» ses intérêts avec des restrictions commerciales promulguées pour des raisons de sécurité nationale. «La différence, c'est que nous sommes transparents», a-t-elle insisté. «Nous faisons en sorte que les intervenants canadiens et chinois sachent où se trouve la ligne.»
Elle a raconté que les responsables chinois sont irrités par l'enquête en cours sur l'ingérence étrangère, qui, selon elle, vise à répondre à des préoccupations extrêmement importantes pour les Canadiens.
«Dans mes discussions avec les autorités chinoises, ainsi que dans mes interventions publiques, j'ai clairement indiqué que ces audiences continueront d'être une source d'inconfort pour le gouvernement chinois», a-t-elle déclaré.
Les audiences et la décision d'empêcher certaines institutions chinoises de collaborer avec des universitaires canadiens «ne visaient pas la confrontation, mais à cherchaient à défendre les principes qui soutiennent notre société démocratique», a continué l'ambassadrice.
Le Canada ne peut pas nier les désaccords réels sur les valeurs et les mesures économiques, a-t-elle enchainé, «mais nous ne devrions pas toujours mettre cela au premier plan». De même, les récents tarifs douaniers sont une source de tension, mais «nous ne devrions pas dire que cela va nuire à l’ensemble des relations», a-t-elle ajouté.
Ses remarques ressemblent à une demande répétée par de hauts responsables chinois depuis janvier, pour que le Canada «ne laisse pas les différences dominer les relations bilatérales», mais se concentre plutôt sur une «coopération gagnant-gagnant».
Mme May a fait valoir que le Canada avait plus à gagner en s’engageant «de manière pragmatique» avec la Chine qu’en coupant les liens.
«Notre approche vise à trouver des terrains communs dans la mesure du possible, tout en restant ferme sur les questions qui comptent pour les Canadiens», a-t-elle indiqué.
Elle a raconté que son séjour en Chine lui avait permis de visiter la région du Xinjiang, où les Nations unies ont constaté en 2022 que la Chine avait commis de graves violations des droits de l’homme contre les Ouïghours et d’autres minorités musulmanes qui «peuvent constituer des crimes internationaux, en particulier des crimes contre l’humanité». Pékin conteste avec véhémence ces allégations, mais Mme May a affirmé qu’elle avait pu soulever directement ses préoccupations en matière de droits de la personne auprès des responsables chinois.
Elle a aussi dit qu’elle pouvait également dénoncer le soutien de la Chine au complexe militaro-industriel russe, qui a alimenté son invasion de l’Ukraine.
La Chine est donc «un partenaire de danse compliqué» pour le Canada, les deux pays avançant, reculant et tournant en rond «ce qui nous mène à nous marcher sur les pieds de temps en temps».
Elle a souligné la collaboration avec la Chine sur des questions comme l’environnement, les deux pays co-organisant un sommet sur la biodiversité à Montréal en 2022.
Mme May a également révélé qu’une réunion entre la ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly et son homologue Wang Yi à Pékin en juillet dernier avait duré cinq heures.
«La visite récente de la ministre Joly a démontré que nous sommes déterminés à travailler avec la Chine pour développer des relations bilatérales saines et stables qui font progresser de manière pragmatique nos intérêts, contribuent à la sécurité et à la stabilité et améliorent nos liens interpersonnels profonds et historiques», a-t-elle fait valoir.
«Le ministre Wang Yi s’est montré ouvert à plusieurs reprises sur de nombreuses questions dont nous avons discuté.»
Elle a déclaré qu’il s’agissait notamment de questions délicates comme les questions consulaires canadiennes, le flux de composants de médicaments toxiques et les droits de la personne.
Les autorités chinoises ont pris le temps d’examiner quel est l’état actuel de nos relations, quels sont les intérêts des deux parties et où et comment nous pouvons aller de l’avant, a-t-elle affirmé.
Mme May a noté que la Chine change rapidement. Elle a décrit Pékin comme passant de capitale enfumée à capitale avec de l'air pur et des arbres verts, et un passage rapide du paiement en espèces au paiement mobile. Dans le même temps, le contrôle de la liberté d'expression et des lois sur la sécurité nationale s'est considérablement étendu, a-t-elle expliqué.
Ce rythme de changement peut être observé dans le récent ralentissement économique de la Chine, qui, selon elle, est plus préoccupant pour son ambassade que l'état des relations bilatérales.