Économie

Les règles de réparation sont «impossibles» à respecter, selon des commerçants québécois

«Doivent-ils apposer des autocollants sur plus de 10 000, 50 000 articles? C'est un fardeau considérable.»

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(CTV News)

À compter du 5 octobre, les commerçants et les fabricants du Québec seront tenus de fournir aux consommateurs des informations claires sur la réparation et l'entretien de leurs produits.

Ces changements découlent du projet de loi 29, une loi adoptée en 2023 visant à lutter contre l'obsolescence programmée et à encourager la durabilité, la réparabilité et l'entretien. Elles complètent la Loi sur la protection du consommateur de la province, qui prévoit depuis 1978 l'obligation de fournir des informations sur les pièces de rechange et les services de réparation.

Ce texte est une traduction d'un article de CTV News.

Si les défenseurs des consommateurs considèrent ces nouvelles règles comme un pas en avant, certains détaillants affirment qu'elles sont inapplicables.

«Il faut plus de temps»

Le Conseil canadien du commerce de détail (CCCD) a averti que cette mesure allait noyer les magasins sous la paperasse, chaque détaillant étant responsable de produire ses propres documents, tandis que les fabricants doivent également fournir des documents parallèles.

«Cela semble être un défi de taille. Doivent-ils apposer des autocollants sur plus de 10 000, 50 000 articles? C'est un fardeau considérable.»
-Francis Mailly, vice-président des affaires publiques du CCCD

M. Mailly a expliqué que les détaillants soutenaient l'objectif de prolonger la durée de vie des produits, mais a fait valoir que la réglementation était trop vague et qu'elle rendait «impossible pour les entreprises de s'y conformer entièrement et de s'assurer qu'elle fonctionne», tout en garantissant que «les consommateurs en tirent un avantage».

 

Il a appelé le gouvernement à prendre du recul et à donner aux détaillants, aux fabricants et aux législateurs plus de temps pour travailler ensemble à l'élaboration d'un plan qu'il juge réaliste. M. Mailly a fait valoir que la mise en œuvre adéquate d'un tel système pourrait prendre des années.

Les associations de consommateurs saluent ce changement

Pour Sara Eve Levac, avocate et analyste chez Option Consommateurs, ces changements étaient attendus depuis longtemps.

«Les commerçants et les fabricants savaient depuis deux ans que cette mesure allait entrer en vigueur», a-t-elle dit, ajoutant que ce délai aurait dû être mis à profit pour se préparer.

Mme Levac a souligné que les nouvelles obligations ajoutent principalement des exigences en matière d'information sur l'entretien et la réparation, en s'appuyant sur les lois existantes en matière de protection des consommateurs. Elle a déclaré que ces changements rendraient le processus de réparation plus transparent, compte tenu notamment des coûts élevés de réparation.

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«D'après ce que nous avons entendu, les coûts de réparation représentent 50%, voire 75% du prix du produit, ce qui dissuade les consommateurs de faire réparer leur produit», a-t-elle indiqué. «Mais à partir du 5 octobre, il sera plus facile de faire réparer vos biens.»

Elle a également souligné que les entreprises peuvent se prévaloir des exceptions prévues par la loi, en informant clairement les clients si elles ne peuvent pas fournir de pièces de rechange, de services de réparation ou d'informations sur l'entretien.

Toutefois, l'avocate et analyste chez Option Consommateurs a affirmé que des lacunes subsistent. Elle a fait valoir que le gouvernement aurait dû aller plus loin en précisant ce qui constitue un prix de réparation raisonnable.

Changement d'attitude

Au-delà de la réglementation, les partisans de cette mesure affirment que ces changements pourraient contribuer à faire évoluer la façon dont les Québécois perçoivent les réparations.

Des espaces tels que les Repair Cafés et les ateliers communautaires encouragent déjà les gens à réparer leurs biens cassés, des grille-pain aux aspirateurs, au lieu de les jeter.

Sara Eve Levac affirme que trop souvent, les consommateurs renoncent à faire réparer leurs biens parce qu'ils n'ont pas accès aux informations, aux pièces ou à l'équipement nécessaires. En normalisant ce que les entreprises doivent fournir, elle estime que la loi pourrait faire une réelle différence.

«Ces modifications apportent une forme de remède à ces problèmes», a-t-elle dit.

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Les enjeux pour les détaillants

Les détaillants qui ne se conforment pas à la loi s'exposent à de lourdes sanctions. Depuis janvier 2025, des amendes pouvant atteindre 3 500 dollars par jour peuvent être infligées en vertu de la loi sur la protection des consommateurs, en plus d'éventuelles amendes pénales pouvant atteindre 175 000$ par infraction.

Francis Mailly a précisé que les détaillants souhaitent se conformer à la loi, mais a averti que la façon dont celle-ci est rédigée rend cela presque impossible.

«Beaucoup d'entre eux sont inquiets et perplexes», a-t-il prévenu. «La [réglementation] peut être interprétée de différentes manières et ils ont besoin de directives claires pour s'assurer que son champ d'application est vraiment réaliste.»