Société

Les Québécois, champions de la grève: qu'est-ce qui se passe?

«Tout le monde en arrache», répond une experte.

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Des ouvriers travaillent sur le toit d'un immeuble résidentiel à Lévis, au Québec, le mardi 20 mai 2025. Des ouvriers travaillent sur le toit d'un immeuble résidentiel à Lévis, au Québec, le mardi 20 mai 2025. (La Presse canadienne)

Qu’ont en commun Urgences-santé, Hydro-Québec, la construction résidentielle, la Société de transport de Montréal (STM), la Sépaq, les traversiers ou encore la Société des alcools du Québec (SAQ)?

Toutes ces organisations et secteurs ont été marqués par des grèves ou lock-out de leurs travailleurs au Québec dans les dernières années.

Le Québec est-il devenu le champion des conflits de travail au Canada?

Selon les calculs de l’Institut économique de Montréal (IEDM) à partir des données de Statistique Canada, la province a battu en 2023 son record de nombre de grèves et lock-out datant de 1974.

Et dès 2024, les travailleurs québécois ont immédiatement établi un autre record. Et cette année, soit en 2025, on pourrait fracasser le record provincial pour une troisième fois d’affilée.

Voici les chiffres:

Nombre d’arrêts de travail (grèves et lock-out) au Québec par année en 1974 et depuis 2016

  • 1974: 384

...

  • 2016: 136
  • 2017: 77
  • 2018: 56
  • 2019: 59
  • 2020*: 26
  • 2021: 122
  • 2022: 101
  • 2023: 691
  • 2024: 759
  • 2025**: 378

*Déclaration de pandémie de COVID-19

**Après deux mois

Source: IEDM

Mais que se passe-t-il?

«Tout le monde en arrache»

En 1974, le syndicalisme québécois battait son plein, les revendications sociales galvanisaient les foules, rappelle la professeure en relations industrielles de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) Diane Gagné dans un entretien avec Noovo Info.

Aujourd’hui toutefois, on ne parle plus seulement de causes militantes portées à bout de bras dans les rues. On parle d’un recours devenu presque systématique: faire la grève pour se faire entendre et Mme Gagné tourne principalement les projecteurs vers le coût de la vie pour expliquer le phénomène.

«Ça suit vraiment les cycles économiques», dit la professeure. «Grosse inflation en 2022, 2023; peu de reconnaissance des sacrifices pandémiques… Maintenant, les gens veulent récupérer leur pouvoir d’achat qui a été perdu.»

«Tout le monde en arrache, tout le monde est pris dans ce contexte inflationniste, tout le monde vit les conséquences des mauvais choix de société qui ont été faits par nos gouvernements.»
- Diane Gagné, professeure en relations industrielles de l’UQTR

La réponse politique

Le gouvernement Legault a récemment agi pour tenter de freiner ce qui a les allures d’une hémorragie statistique avec sa réponse politique, l’adoption du projet de loi 89: la Loi visant à considérer davantage les besoins de la population en cas de grève ou de lock-out.

Ce texte limite le droit de grève et élargit les services essentiels, malgré l’opposition farouche et unanime du milieu syndical pendant que 91 % des arrêts de travail au pays sont dans la Belle Province.

«Le PL 89, ce n’est pas pour rien», souligne la professeure Diane Gagné. «C’est du jamais-vu depuis 50 ans, les pouvoirs du monde syndical.»

De la commission Cliche à aujourd’hui

Force est de constater que, depuis le temps de la commission Cliche, la commission d'enquête sur l'exercice de la liberté syndicale dans l'industrie de la construction tenue en 1975, le mouvement syndical semble s’être enraciné au Québec, après le passé de batailles historiques ayant mené à des acquis sociaux majeurs: régime d’assurance maladie, conditions de travail dans le secteur public, salaire minimum, congés parentaux, etc.

En 2025, assiste-ton à une nouvelle révolution?

«La pénurie de main-d’œuvre, l’inflation combinée à un ras-le-bol collectif… C’est très complexe ce qui se passe», constate Diane Gagné, qui avance que les jeunes travailleurs sont désormais «beaucoup plus formés et informés».

-Avec la collaboration de Guillaume Théroux pour Noovo Info et de l'information de La Presse canadienne.

Lila Mouch

Lila Mouch

Journaliste