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Les pédiatres manifestent contre la loi sur la rémunération des médecins

Les manifestants estiment que la loi met en péril l’accès aux soins pour les enfants, en plus de nuire à la recherche.

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La manifestation des médecins devant le CHU Sainte-Justine le 16 novembre 2025. (CTV News Montreal)

Des manifestations se sont déroulées dimanche aux quatre centres hospitaliers universitaires de pédiatrie de la province, en opposition au projet de loi 2, qui vise entre autres à lier la rémunération des médecins à des indicateurs de performance.

Les manifestants estiment que la loi met en péril l’accès aux soins pour les enfants, en plus de nuire à la recherche.

Devant l’hôpital Sainte Justine, à Montréal, pédiatres, médecins spécialistes et enfants portaient des carrés bleus sur leur manteau et faisaient voler des ballons de la même couleur, symbole de soutiens à la lutte des médecins. Des manifestations avaient aussi lieu devant l'hôpital de Montréal pour enfant, le centre mère-enfant Soleil à Québec et l'hôpital Fleurimont de Sherbrooke.

Le président du Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens, Michel Lallier, a tenu un discours revendicateur dans le hall de l'hôpital. «On travaille beaucoup avec des cancers, et nous, qu'est-ce qu'on fait quand il y a un cancer? On l'enlève. Quand une loi n'est pas bonne et que c'est un cancer pour le système de santé, on l'enlève», a-t-il déclaré sous les applaudissements de la foule. 

Le Dr Lallier a affirmé que les médecins ne baisseraient pas les bras et continueraient de lutter même si la loi est adoptée. Il a affirmé qu'avec «au minimum, 12, 14, 15, 16 ans d'université», les médecins sont plus que capables de comprendre les conséquences qu'apporterait la loi 2. 

Parmi ces conséquences: une baisse des rendez-vous médicaux pour les enfants. «Les critères de vulnérabilités de la loi 2 sont complètement inappropriés» pour les enfants et les femmes enceintes, soutient la pédiatre Marie-Joëlle Doré Bergeron.

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La loi prévoit que les enfants naissant en santé soient d'office classé «vert», ce qui, selon la loi, les place au bas de l'échelle de priorité des médecins. Cependant, la Dre Doré Bergeron affirme que les enfants sont «par définition une population vulnérable», en raison des retards de développement et de croissance qu'ils peuvent encourir.

À cela s'ajoutent également les problèmes de santé mentale chez les adolescents «comme de l'anxiété, des idées suicidaires et des troubles alimentaires», souligne la médecin.

Les médecins de famille qui ne respecteront pas l'ordre de priorité établie par le gouvernement risquent des sanctions monétaires, affirme la Dre Doré Bergeron.

Le ministère de la Santé affirme qu'en pédiatrie, les cibles ne concernent que les plans de couverture et les délais d'accès au Centre de répartition des demandes de service.

«Or, 97 % des demandes sont déjà traitées dans les délais, et nous visons 99 % d’ici l’été 2026. Les pédiatres devraient donc conserver l’entièreté de leur rémunération collective», a développé la directrice des communications du ministère, Catherine Barbeau, dans un échange de courriel avec la Presse Canadienne.

Au delà des soins, la loi 2 menace également la recherche en santé, selon la pédiatre immunologue et clinicienne chercheuse Hélène Decaluwe.

«Quand je dirige mon équipe de recherche, que je vais sur des comités nationaux, que je présente dans les congrès, je ne suis pas performante [aux yeux de la loi]», affirme-t-elle.

Lors de la manifestation, la Dre Decaluwe a raconté le cas d'une enfant avec un cas de maladie rare qui a pu être soignée grâce aux fruits de la recherche menée par l'hôpital Sainte-Justine.

La chercheuse craint que des cas semblables ne puissent pas avoir lieu si l'efficacité médicale se concentre sur le nombre d'actes effectués par les médecins, en réduisant l'importance de la recherche.

Mme Barbeau a pour sa part assuré que «la loi 2 ne change rien à la capacité d'offrir les soins nécessaires ni au temps qu'ils doivent consacrer à des suivis complexes».

Alexis Drapeau-Bordage

Alexis Drapeau-Bordage

Journaliste