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Les nations ratifient un traité mondial pour protéger les eaux internationales

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403f8fa3f57de66fcbd32a969bf222616fe53503e6ca591b4253c63361c0cb3e.jpg Une tortue verte du Pacifique nage dans les eaux au large de l'île Wolf, en Équateur, dans les Galápagos, le 10 juin 2024. (The Associated Press)

Le premier traité visant à protéger la biodiversité marine dans les eaux internationales entrera en vigueur au début de l'année prochaine, le Maroc étant devenu vendredi le 60e pays à le ratifier.

Ce traité sur la haute mer constitue le premier cadre juridique visant à protéger la biodiversité marine dans les eaux internationales, celles qui se situent au-delà de la juridiction d'un seul pays. 

Les eaux internationales représentent près des deux tiers des océans et près de la moitié de la surface terrestre et sont vulnérables à des menaces, telles que la surpêche, le changement climatique et l'exploitation minière en eaux profondes.

«La haute mer est le plus grand théâtre de crimes au monde: elle est non gérée, non appliquée, et un cadre juridique réglementaire est absolument nécessaire», a indiqué Johan Bergenas, vice-président senior des océans au Fonds mondial pour la nature (WWF).

Pourtant, la solidité du pacte est incertaine, car certains des plus grands acteurs mondiaux — les États-Unis, la Chine, la Russie et le Japon — ne l'ont pas encore ratifié. Les États-Unis et la Chine ont signé, témoignant de leur intention de s'aligner sur les objectifs du traité sans créer d'obligations juridiques, tandis que le Japon et la Russie ont activement participé aux négociations préparatoires.

La ratification déclenche un compte à rebours de 120 jours avant l'entrée en vigueur du traité, mais il reste encore beaucoup à faire pour préciser ses modalités de mise en œuvre, de financement et d'application.

«Il faut des bateaux plus grands, plus de carburant, davantage de formation et un système réglementaire différent, a mentionné M. Bergenas. Le traité est fondamental; il faut maintenant commencer le travail.»

La haute mer abrite une vie marine diversifiée et joue un rôle crucial dans la régulation du climat terrestre: elle absorbe la chaleur et le dioxyde de carbone et produit la moitié de l'oxygène que nous respirons. Le traité est également essentiel à la réalisation de l'objectif dit «30x30», un engagement international visant à protéger 30 % des terres et des mers de la planète d'ici 2030.

Le traité crée un processus juridique permettant aux pays d'établir des aires marines protégées dans ces eaux, incluant des règles pour les activités potentiellement destructrices, comme l'exploitation minière en eaux profondes et les projets de géo-ingénierie. Il établit également un cadre pour le partage des technologies, les mécanismes de financement et la collaboration scientifique entre les pays.

Il est crucial que les décisions prises dans le cadre du traité soient prises multilatéralement, lors de conférences des parties, plutôt que par des pays agissant individuellement.

Dans l'année suivant l'entrée en vigueur du traité, les pays se réuniront pour prendre des décisions concernant sa mise en œuvre, son financement et son contrôle, et seuls les pays ayant ratifié avant cette date auront le droit de vote.

Inquiétudes quant à son application

Certains experts avertissent que l'impact du traité pourrait être atténué si les acteurs les plus puissants de la haute mer restent en dehors de son champ d'application.

«Si de grandes nations de pêche, comme la Chine, la Russie et le Japon n'adhèrent pas, elles pourraient compromettre les aires protégées, a expliqué Guillermo Crespo, expert en haute mer auprès de la Commission de l'Union internationale pour la conservation de la nature. Il sera intéressant de voir comment la mise en œuvre du traité fonctionnera sans ceux qui ont historiquement le plus exploité les ressources de la haute mer.»

Le traité ne crée pas d'organisme d'application punitif. Il repose principalement sur les pays pour réglementer leurs propres navires et entreprises. Si un navire battant pavillon allemand enfreint les règles, par exemple, il est de la responsabilité de l'Allemagne d'agir, selon Torsten Thiele, fondateur du Global Ocean Trust et conseiller en gouvernance des océans et en finance bleue. C'est pourquoi une ratification universelle est essentielle, a-t-il ajouté.

«Si quelqu'un n'a pas signé, il dira qu'il n'est pas lié», a-t-il précisé.

Enric Sala, fondateur du projet de réserve marine Pristine Seas de National Geographic, a averti que certains pays pourraient désormais invoquer le traité pour retarder ou éviter les efforts de conservation dans leurs propres eaux.

«Certains pays utilisent ce processus pour justifier leur inaction nationale», a-t-il déclaré.

Sans protection adéquate, les écosystèmes marins risquent des dommages irréversibles.

Lisa Speer, directrice du programme international sur les océans du Natural Resources Defense Council, a souligné que l'absence de protection de la haute mer pourrait endommager les eaux de n'importe quel pays.

«La vie marine ne respecte pas les frontières politiques. Les poissons migrent donc à travers l'océan, a expliqué Mme Speer. Il en va de même pour les tortues, les oiseaux de mer et toute une série d'autres espèces marines. Ce qui se passe en haute mer peut donc avoir de réelles répercussions sur la santé et la résilience des océans relevant de la juridiction nationale, dans nos eaux côtières.»

Sylvia Earle, pionnière de l'exploration océanique, a salué la ratification, mais a exhorté les dirigeants à ne pas la considérer comme une ligne d'arrivée.

«Il s'agit d'une étape, et non d'un point final, a-t-elle déclaré. Si nous continuons à exploiter l'océan à l'échelle actuelle et à l'utiliser comme dépotoir, nous mettons certes en danger les poissons, les baleines et le krill de l'Antarctique et de la haute mer, mais surtout, nous nous mettons nous-mêmes en danger.»

Pour les petites nations insulaires, comme le Vanuatu, le traité marque une étape majeure vers une participation à des décisions qui leur ont longtemps échappé.

«Tout ce qui affecte l'océan nous affecte», a affirmé Ralph Regenvanu, ministre du Changement climatique du Vanuatu.