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Ottawa dit qu’il pourrait avoir une mise à jour à partager d’ici l’été prochain, ce qui marquerait le quatrième anniversaire de l’invitation.
Le gouvernement libéral fédéral a déjà passé trois ans à délibérer sur une invitation à rejoindre un organisme mondial qui conçoit des vaccins pour protéger les plus pauvres du monde contre des maladies évitables.
Des documents examinés par La Presse Canadienne montrent que la Corée du Sud a encouragé le Canada à rejoindre l’Institut international de vaccins (IIV), une agence établie à Séoul que les Nations Unies ont aidé à lancer en 1997.
Cette agence mène des recherches sur les vaccins contre les maladies auxquelles les sociétés pharmaceutiques accordent moins d’attention et étudie les moyens de modifier les vaccins pour qu’ils soient plus efficaces dans des conditions comme celles des zones rurales des pays pauvres.
Depuis la pandémie de COVID-19, l’institut s’est attardé à aider les pays en développement à acquérir la capacité de fabriquer des vaccins.
«La seule façon de s’attaquer aux maladies infectieuses, qui sont mondiales, est d’établir des partenariats mondiaux», a indiqué Paul Hodgson, directeur des opérations de la Vaccine and Infectious Disease Organization (Organisation pour les vaccins et les maladies infectieuses) de l’Université de Saskatchewan, qui a travaillé avec l’institut.
Un document d’information interne obtenu en vertu de la loi sur l’accès à l’information précisait à la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, que son homologue sud-coréen, Park Jin, pourrait évoquer l’institut lors d’une réunion en septembre dernier.
D’autres documents fournis par l’institut montrent qu’il a d’abord invité le Canada à rejoindre près de 40 autres pays en tant que membre dans une lettre datée du 24 juillet 2020.
Cette lettre demandait au Canada d’envisager une contribution financière et suggérait qu'il pourrait utiliser son statut de membre pour plaider en faveur de la capacité de production des pays en développement.
D’autres documents fournis par l’organisation montrent que l’invitation a donné lieu à une série de réunions en Corée du Sud et à une correspondance entre l’agence et des représentants du gouvernement canadien à Ottawa et à Séoul.
Mais le Canada n’a toujours pas annoncé sa décision.
M. Hodgson a travaillé avec l’institut sur divers projets au cours des 20 dernières années, notamment sur l’amélioration des vaccins contre la coqueluche et le virus respiratoire syncytial.
Selon lui, l’agence joue un rôle clé dans la lutte contre la propagation de maladies mortelles en travaillant sur des vaccins qui n’ont pas l’ampleur ou le potentiel de profit requis par les entreprises privées.
Il faisait partie d’une délégation qui s’est rendue au siège de Séoul en octobre 2019 avec le premier ministre de la Saskatchewan, Scott Moe, pour lancer un programme d’échange scientifique. Le même mois, l’agence a accueilli une délégation du Conseil national de la recherche, une branche du gouvernement fédéral, pour discuter d’une éventuelle collaboration sur des vaccins non spécifiés.
Colin McCann, responsable des affaires internationales de l’institut, a déclaré qu’en janvier 2021, lors d’un appel avec le responsable des partenariats en matière de santé d’Affaires mondiales Canada, l’institut avait dû préciser qu’il menait des activités de recherche et de développement sur de nouveaux vaccins. Ottawa a généralement l’habitude de financer des organisations mondiales qui achètent des vaccins existants.
«Il n’avait jamais rejoint ou financé une organisation “en amont” comme l’IIV, ce qui a représenté un nouveau défi et une nouvelle opportunité pour Affaires mondiales Canada», a déclaré M. McCann dans une déclaration envoyée par courriel.
Dans sa propre réponse aux questions, le ministère n’a pas contesté les souvenirs de M. McCann.
Au printemps 2022, l’institut a fait ce qu’il a appelé un argumentaire de vente auprès des fonctionnaires canadiens, avec un diaporama qui soulignait que les contributions financières étaient volontaires. Seuls cinq pays financent l’institut, ce qui leur donne accès à des bourses d’études.
Le diaporama partagé par l’institut cite tous les éléments, du désir du Canada de resserrer ses liens avec l’Indo-Pacifique à ses engagements en matière d’aide aux femmes et aux filles. Il souligne le travail de l’agence dans la recherche d’un vaccin contre le streptocoque du groupe A, qui est très répandu chez les Premières Nations du nord-ouest de l’Ontario.
«L’adhésion à l’IIV offrirait au Canada de nombreux avantages dans le paysage de la santé mondiale», a déclaré Youngmi Cho, porte-parole de l’institut, dans une récente déclaration envoyée par courriel.
«En participant, le Canada peut collaborer activement à la résolution des problèmes de santé publique, en particulier dans le domaine des vaccins, tout en apportant son expertise et ses ressources pour améliorer la recherche, le développement et la distribution des vaccins dans le monde entier.»
L’ambassade de Corée du Sud à Ottawa a déclaré qu’elle soutenait le travail de l’organisation et l’augmentation du nombre de ses membres. Elle a refusé de communiquer les détails des discussions entre Mme Joly et M. Jin.
Selon M. McCann, Mme Joly devait annoncer l’adhésion du Canada à l’agence lors d’une visite à Séoul en octobre dernier, «mais la visite et l’annonce ont été reportées en raison des délais de procédure liés à l’examen parlementaire du traité de l’IIV».
Ottawa dit qu’il pourrait avoir une mise à jour à partager d’ici l’été prochain, ce qui marquerait le quatrième anniversaire de l’invitation.
«Affaires mondiales Canada s’attend à avoir des nouvelles de la participation du Canada à l’IIV au cours des 12 prochains mois», a écrit la porte-parole Geneviève Tremblay.
Elle a souligné que la signature du traité nécessiterait un vote du Parlement et que certaines des étapes impliquées sont confidentielles, car elles concernent les affaires du cabinet fédéral.
Au plus fort de la pandémie, le Canada a fait l’objet d’une surveillance mondiale pour avoir été l’un des pays ayant acheté le plus de vaccins COVID-19 par habitant, tout en tardant à fournir les doses inutilisées à d’autres pays.
Le mois dernier, un article du British Medical Journal a qualifié Ottawa de «l’un des plus grands accumulateurs de la réserve mondiale limitée de vaccins COVID-19».
Selon cet article, le Canada fait partie des quelques pays qui ont financé de manière adéquate l’initiative de partage des vaccins COVAX, mais il a sapé l’ensemble du projet en conservant des doses et en ne faisant pas grand-chose pour aider les pays en développement à fabriquer leurs propres vaccins.
Selon M. Hodgson, le Canada est un candidat évident pour l’institut, qui cherche à renforcer les capacités des pays en développement.
Les chercheurs canadiens ont joué un rôle central dans l’invention d’un vaccin contre Ebola et dans la lutte contre la polio, il y a plusieurs décennies, grâce aux recherches menées dans les laboratoires Connaught de Toronto, aujourd’hui disparus.
La stratégie libérale en matière de biofabrication et de sciences de la vie prévoit de s’appuyer sur ces compétences et de faire du Canada l’une des principales sources d’innovation en matière de vaccins.
«Nous nous sommes surpassés de manière disproportionnée dans le domaine des vaccins au Canada, et je pense que nous pouvons continuer à le faire», a ajouté M. Hodgson.
«Cela ne peut pas se produire dans une bulle. La seule façon de progresser dans ce domaine est de collaborer.»