La nouvelle ministre fédérale des Relations Couronne-Autochtones affirme qu'il est «essentiel» de construire des infrastructures pour les Premières Nations, mais que ces travaux ne seront pas admissibles aux efforts du gouvernement fédéral visant à accélérer ce qu'il appelle des projets «d'édification de la nation».
Le gouvernement fédéral élabore actuellement une loi visant à accélérer les travaux sur certains projets grâce à un processus d'approbation réglementaire simplifié, en remplacement des examens prévus par la Loi sur l'évaluation d'impact.
La ministre des Relations Couronne-Autochtones, Rebecca Alty, a déclaré lors d'une entrevue avec La Presse Canadienne que, bien qu'il soit important de combler le déficit d'infrastructures des Premières Nations, cette mesure n'est pas considérée comme une mesure d'édification de la nation et serait prise en dehors du projet de loi.
«Il s'agit de veiller à ce que cela ne concerne pas seulement une communauté ou une région», a expliqué la ministre à propos du projet de loi. «C'est un enjeu distinct et très important sur lequel nous devons nous concentrer.»
La cheffe nationale de l'Assemblée des Premières Nations (APN), Cindy Woodhouse Nepinak, a déclaré la semaine dernière que les infrastructures des Premières Nations devraient être considérées comme des projets d'édification nationale, car remédier au manque de routes praticables en toute saison et de connectivité Internet dans de nombreuses communautés stimulerait l'économie.
Lundi, lors d'une entrevue, elle a qualifié de «terrible» que la ministre ne considère pas ces projets comme des projets d'édification nationale, ajoutant qu'elle n'avait pas rencontré Mme Alty depuis son assermentation le mois dernier.
«Il s'agit du projet phare de tous les projets canadiens d'infrastructure et de réconciliation», a soutenu Mme Woodhouse Nepinak.
Elle a cité un rapport rédigé par le Conference Board du Canada pour l'APN, selon lequel combler le déficit d'infrastructures des Premières Nations pourrait générer 630 milliards $ de croissance économique et créer plus de 330 000 emplois.
«Je pense simplement que c'est une erreur de le dire d'emblée, car de nombreux enfants n'ont pas accès à des écoles convenables (…) Nous avons besoin de routes et d'infrastructures communautaires adéquates, d'eau potable, de logements de qualité et d'écoles modernes», a-t-elle ajouté.
La déclaration de la ministre Alty est intervenue alors que les premiers ministres provinciaux et le premier ministre Mark Carney se réunissaient à Saskatoon pour discuter d'une liste provisoire de projets «d'intérêt national». Les Premières Nations s'organisent contre la loi fédérale accélérée et contre les projets de loi provinciaux qui tentent d'atteindre un objectif similaire.
Mme Woodhouse Nepinak a répondu aux préoccupations des dirigeants des Premières Nations dans une lettre envoyée à M. Carney vendredi. La cheffe de l'APN y exprime sa crainte que le projet de loi ne viole les droits des Premières Nations et ne compromette les traités qu'ils ont signés avec la Couronne.
«Il est clair que les droits des Premières Nations en vertu du droit international et de la Constitution du Canada sont en jeu dans ce projet de loi», a-t-elle écrit dans sa lettre. «Le gouvernement dispose vraisemblablement d'une ébauche du projet de loi et un projet de consultation devrait être fourni immédiatement à toutes les Premières Nations.»
Le gouvernement fédéral a remis aux dirigeants des Premières Nations un court document d'information sur le projet de loi lundi dernier et leur a demandé de faire part de toute préoccupation concernant le projet d'ici la fin de la semaine.
Un chef régional de la Nation Anishinabek a déclaré à La Presse Canadienne qu'ils n'avaient été officiellement informés des plans d'Ottawa que quelques heures avant cette date limite.
«Il serait regrettable de laisser passer cette occasion de combler le déficit en matière d'infrastructures des Premières Nations. Le consentement libre, préalable et éclairé des Premières Nations doit d'abord être obtenu», a ajouté Cindy Woodhouse Nepinak dans sa lettre à Mark Carney.
«Sinon, cette législation, comme tant d’autres avant elle, sera entachée de conflits et de litiges prolongés, parce que les droits des Premières Nations auront une fois de plus été ignorés.»

