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Des experts estiment que la rencontre entre le premier ministre Mark Carney et le président chinois, Xi Jinping, pourrait donner le ton à une évolution des relations bilatérales, tout en appelant à la prudence.
Les deux dirigeants ont mis en avant les résultats positifs de leur entretien de 40 minutes en marge du Sommet de la Coopération économique Asie-Pacifique (APEC) en Corée du Sud, vendredi.
Margaret McCuaig-Johnston, de l'Institut des risques stratégiques chinois, a affirmé que la rencontre entre M. Carney et M. Xi a été fructueuse et a donné le ton à un dialogue de haut niveau sans pour autant faire de concessions à Pékin.
Elle l'a opposée à la rencontre entre M. Xi et le président américain Donald Trump, au cours de laquelle, selon elle, Washington a fait de nombreuses concessions, notamment la levée des restrictions imposées à certaines entreprises chinoises.
«Trump est ressorti perdant, car il a donné plus qu'il n'était nécessaire ou qu'il n'aurait dû», a estimé Mme McCuaig-Johnston.
«Je ne considère pas la rencontre avec M. Trump comme une réussite. Je considère la rencontre avec M. Carney comme une réussite, car elle était de plus haut niveau. Elle a simplement lancé la discussion et a ouvert la porte à un éventail d'options concernant nos dossiers problématiques.»
La réunion de vendredi n'a pas mis fin aux droits de douane chinois sur le canola, les fruits de mer et le porc, imposés par Pékin en représailles aux droits de douane de 100 % qu'Ottawa avait imposés l'an dernier sur les véhicules électriques, les batteries et d'autres produits chinois.
L'ambassadeur de Chine à Ottawa a déclaré que Pékin lèverait ses droits de douane si Ottawa annulait les droits sur les véhicules électriques.
Mme McCuaig-Johnston a souligné que le Canada devrait maintenir ses restrictions sur les véhicules électriques chinois afin de protéger le secteur automobile du dumping et de prévenir les risques de sécurité liés à l'accès aux données. Elle a également indiqué que les technologies vertes présentent d'autres risques pour la coopération avec la Chine.
Elle a suggéré que, pour tenter d'obtenir de Pékin la levée de ses droits de douane agricoles, le Canada pourrait envisager de collaborer avec la Chine dans le domaine des énergies conventionnelles, «lui offrant ainsi une autre perspective de victoire, plutôt que de ruiner notre secteur automobile». Elle a dit que les grands projets du gouvernement incluent des avancées concernant le pétrole et le gaz naturel liquéfié.
Mme McCuaig-Johnston a également déclaré que les secteurs canadiens touchés par les droits de douane chinois doivent tirer des leçons de la pratique courante de Pékin en la matière et mettre fin à la dépendance qui les rend vulnérables.
«Les producteurs de canola devraient consacrer davantage de temps à diversifier leurs échanges commerciaux avec d'autres pays de la région, plutôt que de faire pression sur le gouvernement fédéral pour qu'il fasse des compromis avec un autre secteur afin de les sauver», a dit Mme McCuaig-Johnston, qui effectue des recherches en politique technologique chinoise à l'École des affaires internationales de l'Université d'Ottawa.
Le sénateur Clément Gignac, coprésident de l'Association législative Canada-Chine, s'est dit «ravi» que les deux pays réévaluent leurs relations.
«Si nous voulons (diversifier) nos partenaires commerciaux et doubler nos exportations hors États-Unis au cours de la prochaine décennie, nous n'avons d'autre choix que de rétablir nos relations commerciales avec la deuxième économie mondiale», a-t-il écrit.
Dennis Molinaro, chercheur en sécurité nationale à l'Université Ontario Tech, affirme que le Canada commet une grave erreur en se rapprochant de la Chine sans exprimer clairement ses préoccupations quant à l'ingérence étrangère.
«Le Canada devrait dialoguer avec la Chine, mais seulement après avoir démontré qu’il ne tolérera pas son ingérence. Ne rien faire revient à l’approuver tacitement», a-t-il écrit sur le réseau social X.
M. Molinaro a ajouté qu’Ottawa «va à contre-courant de l’Occident», notamment parce que Pékin limite les exportations de terres rares nécessaires aux grandes entreprises de technologies vertes et de défense.
Vina Nadjibulla, de la Fondation Asie-Pacifique du Canada, a écrit sur les médias sociaux que la rencontre avait envoyé des «signaux positifs pour un dialogue plus constructif après des années de tension et de silence», mais a insisté sur la nécessité de faire preuve de prudence quant à la manière de mener à bien le travail indispensable de dialogue avec la Chine.
«Rien n’indique que le comportement du Parti communiste chinois ait changé sur des questions fondamentales comme l’ingérence étrangère, la diplomatie coercitive ou les actions en mer de Chine méridionale, à Taïwan ou dans l’Arctique», a-t-elle écrit.
Mme Nadjibulla a suggéré de se prémunir contre toute dépendance envers la Chine et a conseillé de travailler en coordination avec les alliés «afin que cela ne compromette pas les positions de négociation du Canada avec les États-Unis ou d’autres partenaires de la région indo-pacifique».