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«Les gens vont être vraiment choqués par les prix. [...] Ça sera un désastre.»
D’une crèmerie en Californie à une entreprise de fournitures médicales en Caroline du Nord en passant par un vendeur de chandails à l’extérieur de Detroit, les entreprises américaines se préparent à subir les conséquences des tarifs imposés samedi par le président américain Donald Trump sur les importations en provenance du Canada, du Mexique et de Chine – les trois plus grands partenaires commerciaux des États-Unis.
Ces tarifs – 25 % sur les produits canadiens et mexicains et 10 % sur les produits chinois – entreront en vigueur mardi. L’énergie canadienne, notamment le pétrole, le gaz naturel et l’électricité, sera taxée à un taux de 10 %.
Le président du Mexique a immédiatement ordonné des droits de douane en représailles et le premier ministre du Canada a déclaré que le pays imposerait des tarifs douaniers équivalents de 25 % sur jusqu’à 125 milliards $ d’importations américaines. La Chine n’a pas immédiatement réagi à l’action de M. Trump.
Le laboratoire budgétaire de l’université Yale estime que les tarifs de M. Trump coûteraient au ménage américain moyen entre 1000 $ et 1200 $ par an en pouvoir d’achat.
Gregory Daco, économiste en chef du cabinet de conseil et de fiscalité EY, calcule que les droits de douane augmenteraient l’inflation, qui atteignait un taux annuel de 2,9 % en décembre, de 0,4 point de pourcentage cette année. M. Daco prévoit également que l’économie américaine, qui a progressé de 2,8 % l’année dernière, chuterait de 1,5 % cette année et de 2,1 % en 2026 «car la hausse des coûts d’importation freine les dépenses de consommation et les investissements des entreprises».
La crèmerie Penny Ice à Santa Cruz, en Californie, a dû augmenter les prix de ses crèmes glacées à plusieurs reprises ces dernières années, car une poussée inflationniste a fait augmenter le coût de ses commandes.
«Je me sens mal de devoir toujours augmenter les prix», a déclaré le copropriétaire Zach Davis. «Nous nous attendions à une baisse de l’inflation et à une stabilisation de l’économie en 2025 (…) Maintenant, avec les tarifs douaniers, on pourrait y revenir.»
Les tarifs douaniers de M. Trump, a déclaré M. Davis, menacent de faire grimper le coût des réfrigérateurs, congélateurs et mixeurs – principalement fabriqués en Chine – dont il aura besoin si la crèmerie poursuit ses projets d'agrandissement de ses six boutiques. Il a encore des souvenirs douloureux des coûts d’équipement supplémentaires que l’entreprise a dû absorber lorsque le président Trump a imposé des tarifs massifs à la Chine pendant son premier mandat.
Les nouveaux tarifs augmenteront également le prix d’un produit favori des clients : les bonbons à saupoudrer. La crèmerie les importe d’une entreprise de Whitby, en Ontario. Ajouter une taxe d’importation de 25 % même sur quelque chose d’aussi petit que cela peut nuire à une petite entreprise comme la sienne.
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«Les marges sont si minces, a-t-il expliqué. Être en mesure d’offrir ce supplément peut peut-être générer 10 cents supplémentaires de profit par boule. Si un tarif douanier élimine tout cela, cela peut vraiment faire la différence entre être rentable et être à la limite, ou même dans le rouge d'ici la fin de l’année.»
À Asheville, en Caroline du Nord, Casey Hite, directeur d’Aeroflow Health, s’attend à être touché, car sa société obtient plus de la moitié de ses produits – y compris les tire-lait – auprès de fabricants chinois, les fournissant aux patients américains par le biais de régimes d’assurance. Aeroflow Health est payée par les assureurs à des tarifs prénégociés, mis en place avant que M. Trump ne décide de ses tarifs.
Mme Hite a déclaré que la taxe sur les importations chinoises affecterait les finances de l’entreprise, la forçant soit à acheter des produits moins chers et de moindre qualité, soit à répercuter les coûts plus élevés via des primes d’assurance maladie plus élevées. Cela pourrait prendre deux ans à se concrétiser, a déclaré Mme Hite, mais à terme, cela affecterait le budget des consommateurs.
«Cela aura un impact sur les patients», a-t-elle déclaré. «Avec le temps, les patients paieront plus pour les produits.»
Même les serviettes absorbantes pour incontinence fabriquées aux États-Unis qu’achète Aeroflow Health ne sont pas à l’abri des tarifs. Selon Aeroflow Health, ces mesures pourraient toucher la pâte à papier provenant du Canada en plus des plastiques et des emballages en provenance de Chine.
«Cela va-t-il affecter notre activité? Bien sûr que oui», a déclaré Linda Schlesinger-Wagner, propriétaire de skinnytees, une entreprise de vêtements pour femmes à Birmingham, dans le Michigan, qui importe des vêtements de Chine. Elle a déclaré que le tarif de 10 % augmenterait ses coûts, bien qu’elle envisage d’absorber les dépenses supplémentaires au lieu de les répercuter sur les clients.
«Je n’aime pas ce qui se passe», a-t-elle dit, faisant référence à l’impact plus large des tarifs. «Et je pense que les gens vont être vraiment choqués par les prix qu’ils vont voir sur les voitures, sur le bois, sur les vêtements, sur la nourriture. Ce sera un désastre».
William Reinsch, ancien responsable du commerce américain qui travaille maintenant au Centre d’études stratégiques et internationales, indique que «de nombreuses entreprises ont fait des réserves de marchandises importées à l’avance pour éviter les droits de douane. Elles pourront puiser dans leurs réserves accumulées pendant des semaines ou quelques mois, ce qui retardera les souffrances de leurs clients.»
George Carrillo, directeur du Hispanic Construction Council, un groupe de défense de l’industrie, a déclaré que les entreprises de construction avaient accumulé des matériaux en prévision des actions de M. Trump, mais il s’inquiète de la possibilité d’une flambée de l’inflation dans trois à six mois.
«Une fois que les stocks commenceront à baisser, nous allons commencer à en ressentir les effets», a déclaré M. Carillo lors d’une entrevue téléphonique samedi, avant l’annonce. «Les promoteurs et les entrepreneurs doivent suivre le rythme et ils vont commencer à acheter plus de produits et à un prix plus élevé.» Tout cela sera exacerbé par une répression de l’immigration qui menace déjà le bassin de main-d’œuvre du secteur de la construction, a-t-il noté.
«Si vous imposez des droits de douane et que vous augmentez l’instabilité de la main-d’œuvre, cela va créer des retards majeurs dans les projets. Cela va créer une augmentation des prix en raison du manque de disponibilité».
Il y a ensuite les industries qui n’ont pas le luxe de faire des réserves, notamment les supermarchés dont les produits agricoles vont simplement pourrir. L’impact des tarifs se fera donc sentir sur les étagères des épiceries en quelques jours.
«Vous n'entreposez pas d’avocats, a déclaré M. Reinsch. Vous n'entreposez pas de fleurs coupées. Vous n'entreposez pas de bananes.»
Depuis la plaque tournante du commerce de tomates de Nogales, en Arizona, le vendeur de fruits et légumes Rod Sbragia, qui a suivi son père dans le secteur il y a près de quatre décennies, craint que les taxes à l’importation ne forcent certaines sociétés de distribution à fermer leurs portes et «nuisent au consommateur américain, aux choix qu’il a dans les supermarchés». M. Sbragia a voté pour le président Trump lors des trois dernières élections et se qualifie lui-même de «républicain convaincu». Le président, a-t-il dit, n’a sûrement pas été correctement informé sur la question.
«Alors que nous nous inquiétons du coût pour les consommateurs, des pressions inflationnistes et de la santé générale de notre population, pourquoi allons-nous rendre plus difficile l’accès aux fruits et légumes frais ?», a-t-il demandé.
Les agriculteurs américains risquent également de se retrouver pris dans le bras de fer commercial de M. Trump avec le Canada, la Chine et le Mexique. Les partisans du président dans l’Amérique rurale sont une cible tentante pour les droits de douane de rétorsion. C’est ce qui s’est passé lors du premier mandat de M. Trump, lorsque d’autres pays, notamment la Chine, ont riposté aux droits de douane du président en imposant leurs propres taxes sur des produits comme le soja et le porc. En réponse, le président Trump a dépensé des milliards de dollars de l’argent des contribuables pour les compenser pour les pertes de ventes et la baisse des prix.
De nombreux agriculteurs comptent désormais sur le président pour les protéger des représailles.
«L’administration Trump a fourni un filet de sécurité», a assuré Lee Wicker, ancien producteur de tabac et directeur adjoint de la North Carolina Growers Association, un regroupement de 700 fermes qui fait venir légalement des travailleurs temporaires étrangers pour travailler dans les champs grâce à un programme de visa fédéral. De nombreux agriculteurs de l’association «lui font confiance pour s’occuper de tous ceux qui sont touchés par les tarifs douaniers, et c’est vraiment tout ce que nous pouvons demander».