Le ministère de la Justice et le FBI peinent à contenir les répercussions et à satisfaire les exigences des personnalités conservatrices d'extrême droite et des membres influents de l'entourage du président Donald Trump après la décision de l'administration cette semaine de ne pas divulguer des documents de l'enquête sur le trafic sexuel de Jeffrey Epstein.
Cette décision, qui incluait le fait d'affirmer l'inexistence d'un document recherché, a déclenché une conversation houleuse entre la procureure générale Pam Bondi et le directeur adjoint du FBI, Dan Bongino, à la Maison-Blanche en début de semaine. Cet échange a menacé de briser définitivement les relations entre les deux responsables. Il était notamment centré sur un article de presse décrivant les divisions entre le FBI et le ministère de la Justice.
La déception et l'incrédulité suscitées par le refus de divulguer des documents supplémentaires de la très médiatisée enquête Epstein révèlent les difficultés des dirigeants du FBI et du ministère de la Justice à démystifier les théories du complot et les attentes qu'ils avaient eux-mêmes amplifiées par des allégations de dissimulation et de preuves cachées. Exaspérés par l'incapacité des autorités à percer, comme promis, les secrets du soi-disant «État profond», les partisans plus radicaux de Donald Trump sont devenus nerveux, exigeant même un changement au sommet.
Les tensions, qui couvaient depuis des mois, ont éclaté lundi lorsque le ministère de la Justice et le FBI ont publié un communiqué de deux pages affirmant avoir conclu qu'Epstein ne possédait pas de «liste de clients», bien que Mme Bondi ait laissé entendre en février qu'un tel document se trouvait sur son bureau. Le communiqué précisait également qu'ils avaient décidé de ne pas divulguer d'autres documents de l'enquête.
Le ministère a bien publié une vidéo censée prouver qu'Epstein s'est suicidé en prison, mais même cette vidéo a attisé les suspicions des théoriciens du complot en raison d'une minute manquante dans l'enregistrement.
Plusieurs insatisfactions
Ce n'était pas la première fois que les responsables de l'administration Trump manquaient à leur promesse de fournir les preuves attendues.
En février, des influenceurs conservateurs ont été invités à la Maison-Blanche et ont reçu des classeurs intitulés «Les dossiers Epstein : Phase 1» et «Déclassifiés», contenant des documents en grande partie déjà tombés dans le domaine public.
Après l'échec de la première publication, Mme Bondi a déclaré que les responsables étudiaient une multitude de preuves précédemment dissimulées, transmises, selon elle, par le FBI.
Mais après un examen de plusieurs mois des preuves en possession du gouvernement, le ministère de la Justice a conclu lundi, dans une note de service, qu'aucune «divulgation supplémentaire ne serait appropriée ou justifiée», selon la note. Le ministère a souligné qu'une grande partie des documents avaient été placés sous scellés par un tribunal afin de protéger les victimes, et que «seule une fraction» de ces documents «aurait été rendue publique si Epstein avait été jugé».
L'administration Trump espérait que cette déclaration mettrait fin à cette saga, le président a d'ailleurs réprimandé un journaliste qui avait interrogé Mme Bondi sur l'affaire Epstein lors d'une réunion du Cabinet mardi.
Mais Pam Bondi et Dan Bongino ont eu un échange houleux le lendemain à la Maison-Blanche, selon une personne proche du dossier qui a requis l'anonymat pour évoquer une conversation privée.
L'affrontement portait en partie sur un article du média NewsNation, citant une «source proche de la Maison-Blanche», affirmant que le FBI aurait publié les dossiers Epstein il y a des mois s'il avait pu le faire lui-même. L'article incluait des déclarations de Mme Bondi, du procureur général adjoint Todd Blanche et du directeur du FBI Kash Patel réfutant cette hypothèse, mais pas de M. Bongino.
Le média Axios a été le premier à décrire la conversation.
M. Blanche a tenté d'enrayer la situation vendredi en publiant sur les réseaux sociaux un message dans lequel il affirmait avoir travaillé en étroite collaboration avec MM. Patel et Bongino sur l'affaire Epstein et la note conjointe.
«Nous avons tous approuvé le contenu du mémo et ses conclusions. Toute affirmation selon laquelle le FBI et les dirigeants du ministère de la Justice auraient pu s'entendre sur la rédaction et la publication de ce mémo est manifestement fausse», a-t-il écrit sur X.
Vendredi également, la militante d'extrême droite Laura Loomer, proche de Donald Trump, a publié sur X qu'on lui avait dit que M. Bongino «envisageait sérieusement de démissionner» et avait pris une journée de congé pour réfléchir à son avenir. Dan Bongino, habituellement très présent sur les réseaux sociaux, est resté silencieux depuis mercredi.
Le FBI n'a pas répondu à une demande de commentaires et la Maison-Blanche a cherché à apaiser les tensions dans un communiqué.
«Le président Trump a réuni une équipe hautement qualifiée et expérimentée chargée de la loi et de l'ordre, qui se consacre à la protection des Américains, à la poursuite des criminels et à la justice pour les victimes, a déclaré son porte-parole, Harrison Fields. Ce travail est mené de manière harmonieuse et unie. Toute tentative de semer la division au sein de cette équipe est infondée et détourne l'attention des progrès réels réalisés pour rétablir la sécurité publique et garantir la justice pour tous.»
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Michelle L. Price, journaliste à l'Associated Press à Washington, a contribué à ce reportage.
