Sur les réseaux sociaux, les conseils nutritionnels pullulent. Une recette miracle par-ci, une cure détox par-là… Mais derrière ces vidéos virales, peu de professionnels qualifiés.
Selon une étude menée en 2024 par MyFitnessPal et l’Université de Dublin, seulement 2,1 % des contenus nutritionnels publiés sur TikTok respecteraient les directives de santé publique. Autrement dit: la majorité des conseils qu’on y trouve sont faux, partiellement vrais ou tout simplement douteux. Mais alors, où sont les véritables nutritionnistes sur TikTok? Présents, oui, mais limités.
Depuis peu, leur parole est encadrée par un nouveau code de déontologie mis en place par l’Ordre des diététistes-nutritionnistes du Québec (ODNQ). Un règlement qui ne fait pas l’unanimité. Ce que défend l’Ordre? La crédibilité de la profession.
La présidente de l’Ordre, Joëlle Emond, approuve cet encadrement qui, selon elle, vise à distinguer les nutritionnistes des influenceurs, souvent rémunérés pour recommander un produit plutôt qu’un autre. Car si les professionnels de la nutrition peuvent encore créer du contenu éducatif en ligne — y compris de façon rémunérée —, ils n’ont plus le droit de faire la promotion d’une marque spécifique, même s’il s’agit d’un simple panier de fruits.
«Ça reviendrait à dire qu’un tel produit est meilleur qu’un autre», explique à son tour une nutritionniste enregistrée à l’Ordre des diététistes-nutritionnistes du Québec.
Cette nutritionniste en faveur du nouveau Code de déontologie et qui souhaite protéger son identité affirme clairement: «Je suis nutritionniste et pas influenceuse».
En entrevue avec Noovo Info, la nutritionniste insiste sur le respect de cette nouvelle règle qui interdit aux nutritionnistes de promouvoir des produits spécifiques, afin de préserver leur impartialité.
« On n'a pas le droit de dire n’importe quoi», ajoute-t-elle, en plus d’affirmer que la transparence est de rigueur et que les partenariats «éducatif» doivent clairement être identifiés, sans que les entreprises n'influencent le contenu éditorial.
Une restriction peu populaire
Dans un groupe de plusieurs nutritionnistes, Noovo Info a eu accès à des messages, où plusieurs d’entre-elles se plaignent des nouvelles règles de déontologie.
Dans les conversations, les professionnelles s’insurgent contre «les menaces et le climat de peur» qui s’établit au sein de la profession. En effet, des plaintes ont été faites à l’encontre de nutritionnistes, une délation, pensent quelques professionnelles L’Ordre n’a pas été en mesure de nous donner le chiffre exact des plaintes reçues, concernant uniquement des nutritionnistes qui auraient fait des partenariats en ligne.
Elle comptabilise tout de même pour la mi-2024 à avril 2025, 42 demandes d’enquête pour non-respect des règles générales du Code de déontologie.
Alicia (prénom fictif), est nutritionniste depuis 12 ans. Elle s’est fait offrir plusieurs partenariats, dont des produits qui seraient intéressants à promouvoir selon ses dires.
Récemment, l’Ordre a refusé qu’elle fasse ces collaborations, «le syndic ne me l’autorise pas, je ne comprends pas alors que c’est des produits bons pour la santé et qui pourront être bénéfiques pour les gens», explique-t-elle.
«J’ai le droit de faire une collaboration avec une marque, mais il ne faut pas que je mentionne la marque, ni ne montre la marque à l’image. Autrement dit, je ne peux pas, puisque personne ne ferait un partenariat sans qu’on ne montre son produit.»
La posture de l’Ordre est jugée stricte par plusieurs diététistes-nutritionnistes et soulève un débat: faut-il interdire toute collaboration aux nutritionnistes au nom du professionnalisme, ou les autoriser à condition de rester et vérifier la teneur de leurs contenus?
Alicia croit au contraire qu’en permettant aux nutritionnistes de faire des collaborations, il y aura plus de contenus santé sur les réseaux sociaux, au lieu de laisser des influenceurs promouvoir de fausses informations.
Elle regrette que l’organisme de régulation ne leur fasse pas plus confiance et estime qu’elle - et d’autres nutritionnistes pourraient quitter l’Ordre pour cette simple raison.
«Je crains qu’il y en ait d’autres à l’avenir.»
Le Code de déontologie de l'Ordre des diététistes-nutritionnistes du Québec encadre strictement l'activité des membres sur les réseaux sociaux, mais pour Joëlle Emond, c’est un gage de professionnalisme.
«En tant que professionnel de la santé, nous avons les mêmes règles que les pharmaciens ou encore les ergothérapeutes.»

