Les électeurs de Terre-Neuve-et-Labrador ont confirmé qu'ils étaient prêts pour un grand changement, mardi, alors qu'ils ont évincé les libéraux au pouvoir depuis dix ans et accordé une faible majorité aux progressistes-conservateurs.
Lors du dépouillement des derniers bulletins de vote, les conservateurs de Tony Wakeham ont pris une légère avance, après une lutte serrée, puis ont lentement devancé les libéraux du premier ministre sortant, John Hogan.
Dans son discours de victoire, M. Wakeham s'en est pris aux experts qui avaient prédit une nouvelle victoire libérale. «J'ai passé plus de 30 ans de ma vie à entraîner des équipes de basketball, et on apprend que rien n'est moins important que le pointage à la mi-temps», a-t-il soutenu.
«Il y a seulement quelques mois, beaucoup de gens regardaient le pointage à la mi-temps et pensaient que cette élection était terminée. (…) Ce soir, nous le savons parce que nous le ressentons tous: rien ne vaut un retour en force.»
Trois heures après la fermeture des bureaux de vote, les progressistes-conservateurs avaient remporté 21 des 40 circonscriptions de l'Assemblée législative, soit un gain de sept sièges.
Les libéraux ont été élus dans 15 circonscriptions, soit une perte de six sièges. Les néo-démocrates, dirigés par Jim Dinn, ont doublé leur nombre de sièges pour en obtenir deux. Deux indépendants bien connus ont été réélus.
Les conservateurs ont aussi eu l'avantage au vote populaire, avec 44,37 % des suffrages exprimés contre 43,43 % pour les libéraux.
M. Wakeham a estimé avoir convaincu les électeurs en abordant régulièrement les questions relatives aux soins de santé, à la criminalité et au coût de la vie. Tout au long de la campagne, il a demandé aux électeurs s'ils étaient mieux lotis sous le gouvernement libéral, qui briguait un quatrième mandat consécutif.
L'entente avec le Québec
Le chef conservateur a également critiqué le choix de M. Hogan de soutenir un accord énergétique de plusieurs milliards de dollars avec le Québec qui, selon lui, n'est pas satisfaisant pour Terre-Neuve-et-Labrador.
L'ancien fonctionnaire du secteur de la santé s'est engagé à faire examiner l'accord provisoire par un tiers indépendant, rappelant les leçons tirées des échecs des précédents projets énergétiques de la province.
«J'exigerai un examen véritable et indépendant, dont les conclusions seront rendues publiques», a promis M. Wakeham mardi devant ses partisans.
«Je m'appuierai sur cet examen pour modifier cet accord ou en exiger un meilleur. Compte tenu des enjeux générationnels, je ne signerai aucun accord que les habitants de Terre-Neuve-et-Labrador n'approuveront pas par référendum.»
M. Hogan, un avocat de 47 ans, avait tranché que l'accord énergétique proposé avec le Québec était «l'enjeu électoral». Selon lui, le protocole d'accord entre Hydro-Québec et Newfoundland and Labrador Hydro pourrait injecter 225 milliards $ dans les caisses de la province sur 50 ans, apportant ainsi un salut économique à cette province financièrement fragile.
L'accord provisoire prévoit qu'Hydro-Québec paiera beaucoup plus cher l'électricité produite par la centrale de Churchill Falls, au Labrador, que le gouvernement québécois a aidé à construire à la fin des années 1960.
L'accord devrait également déboucher sur de nouveaux projets hydroélectriques le long du fleuve Churchill.
Il mettra aussi fin, 16 ans plus tôt que prévu, au contrat actuel de Churchill Falls, qui permet à Hydro-Québec d'acheter la majorité de l'électricité produite par la centrale à des prix défiant toute concurrence depuis des décennies.
Dans un discours prononcé devant ses partisans à Saint-Jean, M. Hogan a exhorté M. Wakeham à «maintenir le cap» dans le dossier de Churchill Falls.
«C'est la meilleure occasion d'assurer l'avenir de notre province, a-t-il argué. Écoutez donc les experts. Il n'y a pas de meilleur accord, mais il y a un meilleur avenir pour notre province.»
Tendance
L'une des autres priorités de M. Wakeham sera de s'attaquer à la dette galopante de la province, qui devrait atteindre près de 20 milliards $ l'année prochaine. Il s'agit de la dette provinciale par habitant la plus élevée du pays.
La victoire des conservateurs reflète une tendance qui a commencé au printemps, lorsque les conservateurs fédéraux dirigés par Pierre Poilievre ont remporté trois sièges ruraux à Terre-Neuve, soit un gain de deux sièges, malgré la victoire des libéraux fédéraux sous la direction du premier ministre Mark Carney.
Mardi, les progressistes-conservateurs provinciaux ont remporté des sièges dans les zones rurales de Terre-Neuve et dans tout le Labrador.
Quant aux libéraux, leur campagne a été partiellement entravée par la perte de plusieurs ministres qui ont décidé de ne pas se représenter, dont Siobhan Coady, John Haggie, Gerry Byrne, Andrew Parsons et Tom Osborne.
Le Nouveau Parti démocratique (NPD) ne devait pas être un concurrent dans cette élection, n'ayant jamais détenu plus de cinq sièges à l'Assemblée législative.
«C'est le NPD qui va présenter les idées qui profiteront à tous les habitants de cette province», a assuré M. Dinn, un ancien enseignant de 65 ans, à ses partisans mardi soir. Il a été réélu dans sa circonscription.
Avec des informations de Michael MacDonald à Halifax.

