Un nouveau rapport de Statistique Canada comparant les tendances en matière de criminalité au Canada et aux États-Unis au cours des 25 dernières années révèle que, même si les États-Unis enregistrent toujours des niveaux plus élevés de crimes violents et d'homicides, l'écart entre les deux pays s'est progressivement réduit.
Publié mercredi, le rapport met en évidence des trajectoires opposées: une baisse des crimes violents aux États-Unis et une légère augmentation au Canada.
Ce texte est une traduction d'un article de CTV News.
En 2023, le taux de crimes violents signalés à la police au Canada s'élevait à 252 incidents pour 100 000 habitants, contre 334 aux États-Unis, soit une différence de 33%. Il y a quinze ans, l'écart était de 77%.
Les États-Unis ont connu une baisse de 37 % des crimes violents entre 1998 et 2023, tandis que le Canada a connu une augmentation de 9% depuis 2009, date à laquelle les méthodes de déclaration sont passées d'un comptage basé sur les victimes à un comptage basé sur les incidents.
Le rapport attribue principalement cette augmentation au Canada aux agressions graves, qui comprennent les tentatives de meurtre et les agressions de niveau 2 et 3. Le niveau 2 couvre les agressions avec une arme mortelle ou causant des lésions corporelles, tandis que le niveau 3 est également connu sous le nom d'agression aggravée.
En 2023, les agressions de niveau 2 représentaient 94% de tous les incidents graves et étaient 1,6 fois plus fréquentes qu'il y a dix ans.
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Mais selon la criminologue Laura Huey, ces changements ne se produisent pas de manière isolée, mais reflètent l'impact des décisions de politique publique et des tendances en matière de maintien de l'ordre au cours de la dernière décennie.
Dans une entrevue accordée à CTVNews.ca, Mme Huey cite une réunion entre les autorités fédérales et provinciales en 2012 comme un tournant. À l'époque, les gouvernements considéraient le maintien de l'ordre comme un fardeau financier croissant plutôt que comme un besoin croissant en matière de sécurité publique.
Bien que quelques régions aient apporté des changements modestes, Mme Huey a noté que la plupart ont cherché à maintenir des budgets serrés, estimant que les coûts liés aux services de police sont trop élevés. Elle ajoute qu'en conséquence, les effectifs policiers sont restés largement stagnants, voire ont diminué dans une grande partie du pays.
«On constate que certains des changements dans les crimes violents se reflètent dans les politiques publiques du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux.»
Parallèlement, les changements apportés au système de mise en liberté sous caution au Canada ont facilité la libération des personnes accusées avant leur procès. Selon elle, ces facteurs combinés ont créé «un espace dans lequel il est plus facile de travailler (au Canada) en tant que criminel».
Par ailleurs, le taux d'agressions graves aux États-Unis a chuté de près de 27% depuis la fin des années 1990. Le taux de vols qualifiés a également fortement baissé aux États-Unis (60% depuis 1998), contribuant à réduire l'écart historique en matière de criminalité.
Au Canada, 23 561 vols qualifiés ont été signalés en 2023, soit un taux de 59 incidents pour 100 000 habitants. Sur une période de 25 ans, le taux de vols qualifiés au Canada a diminué de 46% entre 1998 et 2023.
Les armes à feu continuent de marquer une différence importante. En 2023, 36% des vols qualifiés aux États-Unis impliquaient une arme à feu, contre 13% au Canada.
Renversement de tendance en matière de crimes contre les biens
Pour la première fois depuis des décennies, le taux de crimes contre les biens au Canada dépasse désormais légèrement celui des États-Unis. En 2023, le Canada a enregistré 1 995 incidents pour 100 000 habitants, contre 1 906 aux États-Unis.
Les deux pays ont connu une baisse spectaculaire des cambriolages, des vols et des vols de véhicules depuis le début des années 2000, mais le rythme de cette baisse a été plus marqué au sud de la frontière.
Les cambriolages ont diminué de 183% aux États-Unis et de 62% au Canada depuis 2011.
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Quant aux vols de véhicules à moteur, ils ont fortement diminué dans les deux pays, Statistique Canada suggérant que la baisse au Canada est en partie liée à l'installation obligatoire d'immobilisateurs électroniques dans les véhicules neufs après 2007.
Les vols non liés aux véhicules ont diminué de 44% au Canada et de 51% aux États-Unis depuis 1998.
Malgré ces améliorations, le taux de vol au Canada en 2023 s'élevait à 1 373 incidents pour 100 000 habitants, dépassant désormais légèrement celui des États-Unis (1 340 pour 100 000). Environ un quart de ces incidents concernent des vols à l'étalage (28% au Canada et 26% aux États-Unis).
Les homicides restent un fossé profond
La différence la plus persistante entre les deux pays réside dans les taux d'homicides.
En 2023, les États-Unis ont enregistré 5,7 homicides pour 100 000 habitants, soit trois fois plus que le taux canadien de 1,9 pour 100 000. Ce ratio est resté relativement stable depuis 25 ans.
Au Canada, Mme Huey soutient que les réseaux du crime organisé, en particulier ceux liés au vol de voitures, au trafic de drogue et à la traite des êtres humains, ont profité de ce qu'elle appelle de «bonnes conditions d'exploitation».
«Regardez l'augmentation des réseaux de vol de voitures au Canada», dit-elle. «C'est un commerce, et lorsque les conditions d'exploitation des commerces illégaux sont bonnes, ils en profitent.»
Les armes à feu expliquent en grande partie cet écart. En 2023, 76% des homicides commis aux États-Unis impliquaient une arme à feu, contre 38% au Canada. Si l'on exclut les homicides commis à l'aide d'une arme à feu, les taux des deux pays sont presque identiques : 1,24 pour 100 000 aux États-Unis contre 1,18 au Canada.
Les armes de poing sont le type d'arme le plus courant dans les deux pays, représentant plus de la moitié des homicides commis avec une arme à feu – 57% au Canada et 53% aux États-Unis.
Les tendances démographiques étaient également similaires : les hommes représentaient environ les trois quarts des victimes, tandis que les jeunes de moins de 40 ans étaient touchés de manière disproportionnée, avec 59% au Canada et 66% aux États-Unis.
Limites
Le rapport souligne que les comparaisons entre les deux pays en matière de criminalité sont intrinsèquement complexes en raison des différences dans la collecte des données. Le système canadien de déclaration uniforme des crimes recense plus de 100 types d'infractions, tandis que le système américain en recense environ 50.
Les changements apportés à la déclaration des données aux États-Unis en 2021 ont créé des écarts temporaires dans la comparabilité, ce qui a conduit Statistique Canada à exclure cette année de l'analyse des tendances à long terme.
Yvon Dandurand, professeur émérite de criminologie à l'Université de la vallée du Fraser, a expliqué dans une entrevue avec CTVNews.ca que le rapport comparatif de Statistique Canada n'était pas utile.
«Je ne tirerais pas trop de conclusions de cette comparaison statistique, si ce n'est l'idée générale que le Canada n'est pas confronté au même problème de criminalité que son voisin du sud», dit-il par courriel.
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«La comparaison revient en fait à comparer des pommes et des oranges, car il existe des différences significatives dans les données statistiques policières recueillies dans les deux pays», ajoute-t-il.
Selon Yvon Dandurand, les données portent sur les crimes signalés à la police, alors qu'il existe des différences culturelles, sociales et démographiques qui influencent le comportement des victimes en matière de signalement, notamment leur confiance dans la police.
Laura Huey voit les choses différemment.
«Je n'ai jamais vu d'étude montrant que le signalement des victimes est différent entre le Canada et les États-Unis», précise-t-elle. «Si tant est, on s'attendrait à constater une sous-déclaration dans les deux cas.»


