Approche-t-on la parité salariale entre les hommes et les femmes au Québec? Ce jour n'est pas arrivé, mais on sait désormais que l'écart salarial entre les mères et les pères rétrécit et est plus petit ici que dans les autres provinces du Canada, selon les dernières données de l'Institut de la statistique du Québec (ISQ).
Dans le rapport Les conditions de travail des parents - Évolution de 2008 à 2023, l'ISQ révèle que les mères québécoises dont le plus jeune enfant avait moins de 6 ans gagnaient en moyenne environ 34,17$ de l'heure en 2023, soit une augmentation d'environ 59% par rapport à 2008 où leur salaire moyen était de 21,50$ de l'heure.
Et les pères? La rémunération des pères atteignait environ 38,13$ de l'heure en 2023, ce qui correspond à une croissance d'environ 53 % entre 2008 et 2023.
En d'autres mots, un peu moins de 4 $ séparent le salaire moyen des mères de celui des pères pour 2023.
L’écart de rémunération hebdomadaire entre les mères et les pères du Québec dont le plus jeune enfant a moins de 6 ans a aussi diminué; le ratio est passé de 76 % en 2008 à 81 % en 2023. Une amélioration est aussi constatée chez les parents d’enfants plus âgés : chez ceux d’enfants de 6 à 12 ans, le ratio est passé de 70 % à 76 %, et chez ceux d’enfants de 13 à 24 ans, de 68 % à 79 %.
Mieux au Québec qu'ailleurs au Canada
L'Institut de la statistique du Québec indique aussi qu'en 2023, le ratio de rémunération horaire mères/pères des parents d'enfants en bas âge était plus élevé au Québec (90 %) qu'en Ontario (82 %), en Alberta (83 %) et en Colombie-Britannique (80 %).
«Les mères québécoises ont une meilleure situation comparative en termes de rémunération horaire que dans les autres provinces, en partie grâce à leur moindre présence dans les emplois à bas salaire et une meilleure adéquation de leur scolarité universitaire avec les emplois exigeant une formation universitaire.»
Autres données comparant les mères du Québec à celles des autres provinces: chez les mères dont le plus jeune enfant a moins de 6 ans, le temps partiel (moins de 30 heures) est plus fréquent en Alberta et en Colombie-Britannique qu’au Québec. Les horaires de travail à temps plein (35-40 heures) sont toutefois un peu plus fréquents en Ontario (70 %) qu’au Québec (66 %).
Les mères plus souvent à la maison
Même si les mères de famille ont pris d'assaut le marché du travail depuis belle lurette, il reste que les mères sont plus nombreuses en proportion que les pères à avoir un emploi propice au télétravail - et ainsi pouvoir s'occuper de la marmaille au besoin.
Selon l'ISQ, en 2023, une majorité de mères d'enfants de moins de 25 ans avaient un emploi qui permettait le télétravail.
«De 55 % à 62 % des mères occupaient un emploi propice au télétravail comparativement à de 39 % à 44 % des pères», indique l'Institut de la statistique du Québec dans sa publication Les conditions de travail des parents - Évolution de 2008 à 2023.
La même situation est observée chez les femmes sans enfant de moins de 25 ans.
«En général, les industries dans lesquelles les mères travaillent et les emplois qu'elles occupent sont plus propices que les autres au télétravail, ce qui a une incidence positive pour elles sur la conciliation travail-famille», précise-t-on.
«Au Québec, environ 52 % des mères d'enfant de moins de 6 ans ressentent un stress en raison de leur charge émotionnelle au travail, comparativement à 38 % des pères. Toutefois, l'influence de la charge émotionnelle sur le stress au travail est moins forte chez les parents québécois que chez ceux des autres provinces.»
Par ailleurs, toujours selon l'ISQ, les mères de jeunes enfants demeurent plus nombreuses en proportion que les pères à travailler moins de 35 heures par semaine (30 % contre 9 % ).
Autres faits saillants du rapport Les conditions de travail des parents - Évolution de 2008 à 2023
- La part des mères d'enfants âgés de moins de 25 ans qui occupent un emploi dans le secteur public est passée de 34 % à 44 %.
- Entre 2008 et 2023, le taux de couverture syndicale des mères d'enfants en bas âge a augmenté (41 % à 48 %), comme celui des pères (40 % à 44 %).
- 72 % des mères dont le plus jeune enfant est âgé de moins de 6 ans ont indiqué avoir des possibilités d'avancement professionnel, ce qui se compare à la part observée chez les hommes.
- Environ 59 % des mères d'enfants de moins de 6 ans estiment recevoir une rémunération appropriée comparativement à 71 % des mères d'enfants de 13 à 24 ans.
Des «mesures structurantes», propres au Québec
Si l’équité entre les mères et les pères est plus importante au Québec que dans les autres provinces, c’est que des «mesures structurantes qui visaient spécifiquement à réduire les inégalités entre les hommes et les femmes» ont été mises en place dans les dernières décennies, a expliqué la chercheuse Anne Plourde, de l'Université York et de l'Institut de recherche et d'informations socio-économiques (IRIS).
«Je pense notamment à la création des centres de la petite enfance (CPE) dans les années 90. On sait que cela a beaucoup favorisé l'entrée des femmes sur le marché du travail et une plus grande équité. On a aussi été précurseur dans l'adoption d'une loi sur l'équité salariale au Québec et on s’est créé un régime d’assurance parentale particulièrement généreux», a-t-elle énuméré.
Taux de couverture syndicale
Les taux de syndicalisation, plus élevés au Québec qu’ailleurs, seraient également responsables d’une meilleure équité.
«On sait que les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes sont moins grands dans les milieux qui sont syndiqués par rapport aux milieux non syndiqués», a indiqué Anne Plourde.
Les données de l’ISQ soulignent que les mères et pères du Québec ont un taux de couverture syndicale plus élevé que dans les autres provinces.
Celui des mères d’enfants de moins de 6 ans a augmenté, passant de 41 % à 48 %, tout comme celui des pères, de 40 % à 44 %, entre 2018 et 2023.
Pour les parents d’enfants de 6 à 12 ans, le taux de syndicalisation a toutefois diminué chez les pères, de 44 % à 41 %, mais il a pris de l’ampleur chez les mères, en grimpant de 42 % à 49 %.
«Aucun changement n’est observé du côté des femmes et des hommes sans enfant sur le plan syndical», souligne l’étude de l’Institut de la statistique du Québec.
Meilleure adéquation emploi et formation universitaire
Les mères qui ont un diplôme universitaire trouvent davantage de travail qui correspond à leur niveau de scolarité au Québec que dans les autres provinces.
«En 2023, environ 71 % des mères québécoises diplômées universitaires ayant un enfant de moins de 6 ans occupaient un emploi exigeant une telle formation, contre 62 % en Ontario, 56 % en Alberta et 59 % en Colombie-Britannique», peut-on lire dans le document de l’ISQ.
Cette meilleure adéquation entre l’emploi et la formation universitaire chez les mères au Québec est également vraie chez celles qui ont un enfant plus âgé.
L’ISQ écrit qu’entre 2008 et 2023, «la part de femmes ayant un emploi à bas salaire a diminué, notamment chez les mères québécoises dont le plus jeune enfant avait entre 6 et 12 ans (23 % à 12 %) et entre 13 et 24 ans (24 % à 13 %), mais aussi chez les femmes sans enfant».
Cette amélioration des conditions des mères s’explique par «une plus forte scolarisation universitaire» et une «présence accrue dans les emplois exigeant un tel niveau d’étude».
Une majorité de mères «satisfaites» de leur emploi
Environ 67 % des mères d’enfants de moins de 6 ans se déclarent très satisfaites de leur emploi.
Les mères du Québec sont, selon les données de l’ISQ, «généralement plus satisfaites de leur emploi que les mères ontariennes».
Diminution du taux d’emploi atypique
Le taux d’emploi atypique chez les mères, qui correspond à la part de l’emploi à temps partiel et temporaire et du travail autonome, a diminué entre 2008 et 2023, quel que soit l’âge de leur plus jeune enfant.
Pour les femmes dont le plus jeune enfant a moins de 6 ans, il est passé de 34 % à 27 %.
L’étude souligne toutefois que les mères de jeunes enfants restent «plus susceptibles que les autres d’occuper un emploi atypique, car elles sont plus nombreuses en proportion à occuper un emploi à temps partiel».
Les mères du Québec et de l’Ontario ont un taux d’emploi atypique semblable, environ 26 % en 2023, et plus bas que celui de l’Alberta, environ 34 %, et de la Colombie-Britannique, environ 37 %.
«La baisse du taux d’emploi atypique est plus marquée au Québec qu’ailleurs, ce qui pourrait laisser croire que la conciliation travail-famille est plus facile au Québec que dans les autres provinces», souligne le document.
Un écart qui persiste
Même si les données de l’ISQ montrent que l’écart entre le salaire des pères et celui des mères et entre leurs conditions de travail se réduit, la chercheuse Anne Plourde tient à apporter certains bémols.
«En termes de rémunération horaire, il y a une amélioration, mais c’est une réduction qui est très lente» et «il faut insister sur le fait que ces données-là concernent la rémunération horaire, donc pour chaque heure travaillée», a-t-elle réagi en précisant qu’il y a une plus grande proportion de femmes qui travaillent à temps partiel et que «les femmes restent les principales responsables du travail domestique, des soins aux enfants».
Les écarts de rémunération entre «les hommes et les femmes sont encore plus importants» que ce que les chiffres du rapport montrent «parce que, justement, les femmes travaillent un moins grand nombre d'heures que les hommes».
Mais la bonne nouvelle, selon la chercheuse, «c'est que le cas du Québec montre que, quand on prend des mesures pour réduire ces écarts-là, on parvient à obtenir des résultats».


