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Jeanne Mance, dont le 350e anniversaire de décès sera souligné en juin, a été officiellement reconnue comme cofondatrice de la ville de Montréal en 2012, au même titre que de Maisonneuve.
Responsable des finances, gestionnaire de marchandise et fondatrice d’un hôpital: ce sont certains des rôles qu’a occupés Jeanne Mance, reconnue il y a seulement quelques années comme cofondatrice de Montréal. Longtemps dépeinte comme «le second violon» dans la gestion de la colonie, ce personnage historique gagne aujourd’hui ses lettres de noblesse, selon des historiens.
«Très longtemps, il y a eu l’idée de l’âge de la Nouvelle-France, et surtout ces premières années-là autour de la fondation de Montréal, comme un âge héroïque. On cherchait des héros», affirme Jean-Philippe Garneau, professeur au département d’histoire de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Et le héros a été Paul de Chomedey de Maisonneuve pendant plusieurs années.
Jeanne Mance, dont le 350e anniversaire de décès sera souligné en juin, a été officiellement reconnue comme cofondatrice de la ville de Montréal en 2012, au même titre que de Maisonneuve. Selon M. Garneau, l’intérêt des historiens pour Jeanne Mance s’est accru au courant des 30 dernières années, puisque l’attrait pour l’histoire des femmes augmente.
«On cherchait des héros fondateurs, alors que ce sont des entreprises collectives. Je suis de cette génération d’historiens qui ne cherchent plus nécessairement de héros», souligne Jean-Philippe Garneau. Une affirmation à laquelle adhère Martin Pâquet, professeur au département des sciences historiques de l’Université Laval.
«Il y a un changement actuellement dans la manière dont on se rappelle le passé dans nos communautés. Auparavant, on insistait beaucoup sur un ou deux personnages importants, explique M. Pâquet. Désormais, on tient beaucoup plus compte des gens qui entourent Maisonneuve.»
L’évolution de la définition du héros historique a aussi contribué à laisser une plus grande place à Jeanne Mance dans le récit de la fondation de Montréal.
«L’héroïsme, c’est souvent quelque chose de masculin. C’est pour ça que la plupart de nos statues, ce sont des personnages masculins qui sont là, parce que ça correspond à des valeurs comme l’audace, l’entreprise, la virilité», traditionnellement dites comme masculines, souligne Martin Pâquet.
Les femmes ont donc été dépeintes «comme des gens qui sont dans des positions un peu secondaires, un peu subordonnées, en appui au travail des hommes en tant que tel», précise le professeur d’histoire. Jeanne Mance a longtemps été décrite comme occupant ce rôle de subordonnée, mais aujourd’hui, son agentivité et son initiative sont reconnues.
«Jeanne Mance, c’est un personnage qui a une résonance avec la période contemporaine, parce que contrairement à bien des personnages féminins, elle n’est pas religieuse à l’époque», ajoute M. Pâquet. Même si cette femme était croyante, elle ne s’est jamais mariée et n’a jamais fait partie d’une congrégation religieuse.
«Du point de vue des historiens auquel moi j’appartiens, qui ne cherchent pas nécessairement des héros […] c’est une femme exceptionnelle, mais pas unique», nuance toutefois Jean-Philippe Garneau. Le professeur à l'UQAM souligne que Jeanne Mance faisait partie «d’un groupe de privilégiés, de personnages puissants», qui teinte ses actions, même si sa contribution à l’histoire de la Nouvelle-France se démarque du lot.
«Elle n’est pas toute seule dans cette entreprise-là. Ça n’enlève rien à son action, à ce destin quand même hors de l’ordinaire, de cette femme volontaire, courageuse, entreprenante et hors du commun, ça je pense que tous les historiens s’entendent là-dessus», déclare M. Garneau.
Une histoire qui ne cesse de s’écrire
Jeanne Mance est principalement connue du grand public pour avoir fondé le premier hôpital de Montréal, l’Hôtel-Dieu, en 1642. Mais sa contribution à la fondation de Montréal, qui a d’ailleurs fêté ses 381 ans le 17 mai, est beaucoup plus importante.
«Au tout début, Jeanne Mance va mettre à la disposition de la nouvelle colonie une partie de l’argent de l’hôpital», affirme Paul Labonne, directeur général du Musée des Hospitalières de l'Hôtel-Dieu de Montréal. Il souligne que Jeanne Mance est arrivée en Nouvelle-France munie d’une dot de 22 000 livres, une somme considérable à l’époque, qu’une riche mécène, Madame de Bullion, lui avait octroyée pour fonder l’Hôtel-Dieu.
La femme gérait également les finances de la ville, en tant qu’économe de Montréal, explique M. Labonne. Elle s’occupait aussi de l’approvisionnement des divers biens nécessaires à la colonie. Elle a été l’administratrice de l’Hôtel-Dieu jusqu’à sa mort, en 1673.
«C’est fascinant de voir que non seulement l’Hôtel-Dieu permet de soigner la population […] et c’est aussi un élément structurant, parce que les premières maisons vont s’établir autour de l’Hôtel-Dieu», évoque Paul Labonne.
Le directeur général du Musée des Hospitalières souligne que les connaissances sur Jeanne Mance ne cessent de s'accumuler. Le musée, qui collabore avec l’Université de Montréal, a pu mettre la main sur 400 documents ayant récemment été localisés qui concernent Jeanne Mance. Il s’agit d’archives notariales et judiciaires.
«C’est un peu comme si l’histoire s’écrivait devant nous chaque fois qu’on trouve de nouveaux actes notariés qui concernent nos personnages», lance M. Labonne.
Le Musée des Hospitalières tient d’ailleurs une programmation spéciale pour souligner le 350e anniversaire du décès de Jeanne Mance jusqu’au 18 juin. Cette fin de semaine et la suivante, la crypte des Hospitalières, où se trouve la sépulture de Jeanne Mance, sera exceptionnellement ouverte au public. Des documentaires et une conférence concernant la cofondatrice de Montréal seront aussi présentés.