La cheffe nationale de l'Assemblée des Premières Nations (APN) a appelé les sénateurs à ralentir la course d'Ottawa pour l'adoption cette semaine du projet de loi C-5 sur les projets d'«intérêt national».
Cindy Woodhouse Nepinak, a déclaré mercredi qu'elle espérait que le Sénat «prenne la bonne décision cette semaine» et accorde plus de temps pour étudier le projet de loi et proposer des amendements. Un appel resté largement sans réponse lorsqu'elle l'a présenté aux députés.
Le projet de loi C-5 était présenté en première lecture à la chambre haute mercredi. Il a déjà été adopté en procédure accélérée à la Chambre des communes, en plus d'avoir fait l'objet d'un examen préalable exceptionnel par le Sénat.
Une motion de programmation adoptée par la chambre haute fixe un échéancier strict pour le cheminement du projet de loi. Le vote final doit avoir lieu avant la fin de la journée de vendredi.
Ce projet de loi, à forte connotation politique, a suscité la colère de groupes autochtones et environnementaux, qui critiquent le gouvernement pour sa précipitation à s'octroyer de nouveaux pouvoirs étendus afin d'accélérer l'obtention des permis de projets.
Le premier ministre Mark Carney a fait valoir que le Canada est confronté au spectre d'une crise économique causée par la guerre commerciale avec les États-Unis. Selon lui, le pays a un besoin urgent d'approuver de nouveaux projets qui sont jugés d'intérêt national.
Le débat au Sénat sur le projet de loi a été suspendu pendant environ une demi-heure par la présidente Raymonde Gagné après que le sénateur québécois Patrick Brazeau s'est effondré au sol, alors qu'il s'était levé pour prendre la parole. Un porte-parole du Sénat a déclaré que le sénateur québécois semblait se rétablir.
Avant de s'effondrer, M. Brazeau a remis en question l'intérêt du gouvernement à tenir des consultations avec les organisations autochtones nationales après l'adoption du projet de loi, étant donné qu'elles reçoivent toutes du financement d'Ottawa. Il a ajouté qu'elles sont généralement perçues comme ne s'exprimant pas au nom des personnes et des communautés détentrices de droits.
«Ce sont des groupes de pression politiques, a mentionné M. Brazeau. Est-ce que cela contribue réellement au processus pour les véritables Premières Nations de ce pays ?»
Le projet de loi a reçu un large soutien à la Chambre des communes, où les conservateurs ont voté avec les libéraux pour l'adopter en troisième lecture à 306 voix contre 31 la semaine dernière. Un député libéral a voté contre.
Le projet progresse trop rapidement, selon un sénateur
Le sénateur Paul Prosper a déclaré mardi soir, lors d'une entrevue, que le projet de loi progressait trop rapidement au Parlement et qu'il devait mieux tenir compte des préoccupations soulevées par les groupes autochtones qui craignent que l'approbation des projets ne porte atteinte à leurs droits.
Il s'est engagé à tenter d'amender le projet de loi, mais n'était pas prêt à préciser comment.
«L'objectif général du projet de loi, je suis sûr que beaucoup de gens l'approuvent et en voient la nécessité, a déclaré M. Prosper. Mais est-il nécessaire de respecter ce délai prescrit et raccourci, alors que l'on ne suit pas le processus démocratique habituel, pour envisager une telle mesure?»
«Certaines dispositions générales autorisent le gouvernement à suspendre des lois et des textes législatifs existants, ce qui constitue un pouvoir extraordinaire à cet égard. Il pourrait donc s'avérer nécessaire d'établir certains paramètres à ce sujet, afin de garantir que certaines considérations relatives à l'environnement et qui font partie intégrante de la prise en compte des questions autochtones soient respectées.»
Le leader conservateur au Sénat, Leo Housakos, a souligné que le projet de loi était crucial pour le potentiel économique du Canada, mais a ajouté que le gouvernement n'avait pas fourni suffisamment de détails pour en mesurer l'impact économique.
Par ailleurs, Mme Gagné a rejeté la demande de la sénatrice Marilou McPhedran de scinder le projet de loi en votes distincts, ce qui aurait théoriquement permis aux sénateurs d'adopter certaines parties du projet de loi et d'en rejeter d'autres. La présidente a indiqué que cela ne correspondait pas au protocole du Sénat pour les votes finaux sur un projet de loi.
Mme Woodhouse Nepinak a souligné que le concept de «consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause» – une condition de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, approuvée par le Canada – n'est pas mentionné dans le projet de loi lui-même, malgré l'engagement de M. Carney et de ses ministres à consulter les peuples autochtones.
Elle s'est également dite préoccupée par le Comité consultatif autochtone que le gouvernement souhaite intégrer au processus d'approbation des projets. Elle a ajouté que le gouvernement ne peut pas utiliser cet organisme pour prétendre avoir consulté les Premières Nations, car cette consultation ne tiendrait pas compte des positions variées des dirigeants du pays.
«Un comité consultatif nommé par le gouvernement ne sera pas redevable devant les Premières Nations et n'aura aucun pouvoir réel pour garantir leur participation au projet», a-t-elle déclaré.
La sénatrice conservatrice Mary Jane McCallum, du nord du Manitoba, a soutenu que le projet de loi n'était pas nécessaire.
«Les industries d'extraction des ressources ont déjà reçu le pouvoir de continuer à causer des dommages catastrophiques, à polluer et à détruire, a-t-elle affirmé. En tant que Premières Nations, nous avons été sacrifiés pour le bien commun toute notre vie.»
— Avec des informations de Dylan Robertson


