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Dans un pays de plus 332 millions de personnes, où l'on retrouve plus d'armes que d'individus, un professeur d'origine canadienne prêche le recours à la gestion de risque pour prévenir les tueries.
Dans un pays de plus 332 millions de personnes, où l'on retrouve plus d'armes que d'individus, un professeur d'origine canadienne prêche le recours à la gestion de risque pour prévenir les tueries.
Professeur de science informatique à l'Université de l'Illinois Urbana-Champaign, Sheldon Jacobson propose de s'inspirer de l'approche de la sécurité aérienne pour encadrer l'accès aux armes à feu. Les systèmes de sécurité dans le transport aérien ont pour but d'identifier les gens qui représentent le plus grand danger et de les exclure.
«Les gens croient que l'on peut réduire le nombre de tueries à zéro. Ça n'arrivera pas», affirme celui qui est né à Montréal avant d'émigrer aux États-Unis pour ses études en 1983.
«Ce que l'on peut faire, c'est réduire le risque, poursuit-il. Puis, comme on réduit le risque, on va réduire la résultante, ce qui veut dire moins d'actes de violence par arme à feu et ultimement, moins de victimes.»
Le propre travail de recherche du professeur Jacobson a servi à développer le système «PreCheck», utilisé par l'Administration américaine de la sécurité dans les transports pour préautoriser des voyageurs réguliers afin de leur permettre de franchir rapidement les contrôles de sécurité dans les aéroports aux États-Unis.
En échange de légers frais, les voyageurs réguliers sont soumis à une entrevue et à un processus de vérification des antécédents afin de leur permettre d'éviter les contrôles de sécurité dans les aéroports.
Cette même méthodologie est appliquée au programme Nexus, qui permet de préautoriser les voyageurs qui franchissent régulièrement la frontière canado-américaine afin de leur éviter une longue attente aux postes frontaliers.
«Amener les parties prenantes à la table pour que l'on commence rapidement à discuter de la possibilité de créer un niveau de vérification de sécurité approprié», demande l'expert.
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«Ce genre de réflexion ne devrait pas être la fin de la discussion, mais le début d'un échange pour asseoir les gens autour de la table et parler de cette possibilité», ajoute l'universitaire.
Cette idée risque cependant fort probablement d'affronter de puissants vents contraires en provenance de la Cour suprême conservatrice qui a annulé, le mois dernier, une loi new-yorkaise de 109 ans qui venait limiter le droit de porter une arme en public pour des motifs de protection personnelle.
Connue sous le nom d'arrêt Bruen, il vient bloquer les lois sur le port d'arme dissimulé, des lois qui sont responsables, selon les militants pour le contrôle des armes à feu, des plus faibles taux de violence par arme à feu aux États-Unis observés dans les États de New York, de Californie, d'Hawaï, du Maryland, du Massachusetts et du New Jersey.
«Une approche basée sur le risque, c'est-à-dire une approche basée sur des groupes, fonce directement dans l'arrêt Bruen», croit la professeure de science politique à l'Université de l'Illinois à Chicago, Alexandra Filindra, qui se spécialise dans les lois sur le contrôle des armes à feu.
La Cour a essentiellement déterminé que la loi new-yorkaise constituait un affront au deuxième amendement de la Constitution américaine qui protège «le droit des gens de détenir et de porter une arme».
Pour d'autres experts, les craintes portent davantage sur la possibilité que l'évaluation des aspirants propriétaires d'armes à feu ne discrimine injustement certaines communautés ou certaines tranches de la population, où l'on observe des taux plus élevés de criminalité et de récidive.
«Je soupçonne que bon nombre de ces algorithmes vont souffrir des mêmes maux que les autres algorithmes portant sur autres choses. Par exemple, les algorithmes sur l'imposition des sentences ont tendance à être très racistes», prévient le professeur de science politique à UIC, E.J. Fagan.
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Sheldon Jacobson reconnaît qu'il existe un risque de profilage, mais il dit croire que le système peut être calibré afin de minimiser un tel danger.
Il explique que si le système est conçu correctement, l'analyse ne portera pas nécessairement sur qui est le demandeur, mais plutôt sur ce qu'il entend faire avec son permis de posséder une arme.
Les tensions aux États-Unis devant le fléau des tueries de masse, les lois sur les armes à feu et la décision de la Cour suprême étaient mises bien en évidence, lundi à la Maison-Blanche, quand le président Joe Biden a signé ce que plusieurs qualifient de plus importante loi transpartisane sur le contrôle des armes en une génération.
Cette loi accorde notamment plus de fonds pour soutenir les États dans l'adoption de règles plus sévères en matière de «signaux d'alarme» pour éviter que des armes ne se retrouvent dans de mauvaises mains.
Mais même les défenseurs de la loi ont admis qu'elle n'allait pas assez loin.