Les pêcheurs de homard du Canada atlantique virent au rouge devant les prix qu'ils obtiennent pour leurs prises, mais les experts affirment que le récent ralentissement n'est pas surprenant, en raison de l'incertitude qui plane sur l'industrie.
Les prix chutent généralement en mai, lorsque la saison printanière du homard bat son plein et que les acheteurs anticipent une augmentation de l'offre. Mais cette saison est différente, explique Bernie Berry, conseiller principal en pêches pour la Coldwater Lobster Association, établie en Nouvelle-Écosse.
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«Le problème majeur en ce moment, c'est la confusion autour des droits de douane, qu'ils soient en vigueur ou non», a-t-il pointé en entrevue. «Tout le monde est très nerveux.»
L'association représente les pêcheurs de homard, principalement du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse. Cette région abrite les zones de pêche au homard les plus lucratives du Canada, qui ouvrent généralement en novembre et ferment en juin.
Alors que la dernière saison touchait à sa fin il y a un mois, les homards vivants au quai se vendaient à un prix avantageux de 15 $ la livre. Depuis, le prix a chuté à 8 $ la livre le long de la côte atlantique de la Nouvelle-Écosse, et jusqu'à 6,50 $ la livre dans le golfe du Saint-Laurent et à Terre-Neuve, ce qui a suscité la colère de nombreux pêcheurs.
«Non seulement cette offre est déraisonnable et met en péril nos entreprises de pêche, mais elle constitue également une insulte à nos pêcheurs», a fait valoir récemment l'Union des pêcheurs des Maritimes, qui représente 1300 pêcheurs côtiers du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse.
Aux prix actuels, les pêcheurs comptent sur de grosses prises pour couvrir leurs coûts. Mais les prises jusqu'à présent ce printemps ont été plus faibles qu'espéré, principalement en raison des températures océaniques froides.
«Huit dollars la livre peuvent sembler un prix raisonnable, mais, compte tenu du faible volume, cela ne fonctionne pas», a soutenu Bernie Berry. «Le marché pourrait probablement supporter un prix plus élevé, mais des spéculations circulent sur ce qui se passera une fois le homard débarqué».
Ces spéculations sont alimentées par la crise économique déclenchée par le président américain, Donald Trump, et les difficultés commerciales persistantes entre le Canada et la Chine.
Le 10 mars, la Chine a annoncé l'imposition de droits de douane de 25 % sur les produits de la mer canadiens en guise de représailles aux droits imposés l'automne dernier par le Canada sur les véhicules électriques, l'acier et l'aluminium fabriqués en Chine. Ces droits de douane chinois passent à 41 % lorsqu'une taxe sur la valeur ajoutée est imposée.
Ces nouveaux droits ont mis fin aux échanges commerciaux de produits de la mer entre le Canada et la Chine, qui représentent 1,3 milliard $. La Chine constitue le deuxième marché du Canada pour le homard vivant.
Le 2 avril, cependant, M. Trump a annoncé que le Canada serait épargné par certains nouveaux droits de douane, notamment une menace de droits de 25 % sur les produits de la mer.
Plus tôt cette semaine, les autorités américaines et chinoises ont réduit la plupart de leurs récents droits de douane, ce qui a été une mauvaise nouvelle pour le secteur canadien du homard. Grâce à ce changement, les exportateurs américains de homard bénéficient désormais d'un avantage d'environ 15 % sur leurs concurrents canadiens lorsqu'ils vendent du homard sur les marchés chinois.
L'exportateur de homard Stewart Lamont a déclaré que le prix de 8 $ le long de la côte atlantique de la Nouvelle-Écosse semblait raisonnable, compte tenu du climat économique difficile.
«Nous évoluons dans le contexte le plus incertain – hormis la COVID – de la dernière décennie», a expliqué M. Lamont, directeur général de la Tangier Lobster Company de Nouvelle-Écosse. «Les facteurs géopolitiques ont un impact plus important sur les prix que les enjeux liés aux produits de la mer.»
«Ce n'est pas un prix exceptionnel si l'on s'est habitué à 15 $», a continué M. Lamont, dont l'entreprise compte des clients au Canada et dans 21 pays à travers le monde. «Mais c'est un prix exceptionnel compte tenu de tout ce qui s'est passé dans le monde.»
Le Canada exporte environ 40 % de ses homards vivants vers les États-Unis et 40 % vers la Chine, le reste étant destiné à l'Europe, à d'autres régions d'Asie et au Moyen-Orient, a détaillé Kris Vascotto, directeur général de la Nova Scotia Seafood Alliance.
«Avec cette instabilité et ces vents contraires mondiaux qui pèsent sur l'économie, on ne peut pas risquer de vendre ces stocks (de homard) à un prix élevé», a-t-il soutenu. Le groupe de M. Vascotto représente des dizaines d'entreprises de fruits de mer en Nouvelle-Écosse.
«C'est une période très difficile pour tout le monde, des pêcheurs aux transformateurs, en passant par les détenteurs de homards vivants et les expéditeurs.»
