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Opposant politique de longue date de Sheikh Hasina, Muhammad Yunus devrait bientôt revenir de Paris.
Le lauréat du prix Nobel de la paix Muhammad Yunus, père du «microcrédit», dirigera le gouvernement intérimaire au Bangladesh à la suite de la démission de l'ancienne première ministre Sheikh Hasina et sa fuite du pays, au milieu d'un soulèvement contre son régime.
M. Yunus a été choisi lors d'une réunion à laquelle participaient des chefs militaires, des dirigeants des manifestations étudiantes qui ont contribué à évincer Mme Hasina, d'éminents dirigeants d'entreprises et des membres de la société civile.
La décision a été annoncée tôt mercredi par Joynal Abedin, secrétaire de presse du président Mohammed Shahabuddin, figure de proue du pays, qui s'est entretenu par téléphone avec l'Associated Press.
Opposant politique de longue date de Mme Hasina, Muhammad Yunus devrait bientôt revenir de Paris, où il conseille les organisateurs olympiques, selon les médias locaux. Les dirigeants étudiants avaient déclaré plus tôt que M. Yunus avait accepté de diriger un gouvernement intérimaire.
Économiste et banquier, Muhammad Yunus avait reçu le prix Nobel de la paix en 2006 pour son travail de développement des marchés du «microcrédit» par l'intermédiaire de la Grameen Bank, qu'il a fondée en 1983. Il a été salué pour avoir sorti des milliers de personnes de la pauvreté en accordant de petits prêts à des entrepreneurs qui n'avaient pas autrement accès aux prêts bancaires.
M. Abedin a déclaré que les autres membres du nouveau gouvernement seraient désignés prochainement, après des discussions avec les partis politiques et d'autres interlocuteurs et acteurs du pays. Le président avait dissous le Parlement mardi, ouvrant la voie à une administration intérimaire et à de nouvelles élections.
Le président Shahabuddin a également ordonné que la cheffe de l'opposition, Khaleda Zia, soit libérée de son assignation à résidence. Mme Zia, rivale de longue date de la première ministre déchue, avait été reconnue coupable de corruption par le gouvernement en 2018.
Mardi, certains postes de haut rang dans l'armée ont été remaniés. Les étudiants manifestants ont rappelé qu’ils n'accepteraient aucun gouvernement soutenu par l’armée.
Les rues de Dacca semblaient plus calmes mardi, alors que des manifestants en liesse se rassemblaient devant la résidence de la dirigeante déchue. Certains manifestants se sont pris en photo avec les soldats qui gardent le bâtiment où, la veille, des manifestants en colère avaient volé des meubles, des tableaux, des pots de fleurs et des poules.
Le principal aéroport de Dacca a repris ses activités après huit heures d'interruption.
L'Association de la police du Bangladesh a déclenché une grève en raison du manque de sécurité, alors que de nombreux postes de police ont été attaqués lundi et que «plusieurs» policiers auraient été tués. L'association n'a toutefois pas spécifié le nombre de policiers qui ont perdu la vie.
Elle a présenté ses excuses pour les violentes attaques policières contre les étudiants, affirmant que les policiers avaient été «forcés d’ouvrir le feu».
Muhammad Yunus, à Paris, a qualifié la démission d’Hasina de «deuxième jour de libération du pays». Il n'a pas pu être joint dans l'immédiat pour commenter, mais un organisateur clé des manifestations, Nahid Islam, a déclaré que M. Yunus avait accepté de diriger l'administration intérimaire.
M. Islam a déclaré que les manifestants proposeraient davantage de noms pour le gouvernement et a suggéré qu'il serait difficile pour ceux au pouvoir d'ignorer leurs souhaits.
Mme Hasina a fui vers l'Inde en hélicoptère lundi alors que des manifestants défiaient le couvre-feu militaire pour marcher dans la capitale. Des milliers de manifestants ont finalement pris d'assaut sa résidence officielle, de même que d'autres bâtiments associés à son parti et à sa famille.
Depuis plusieurs semaines, des manifestants se sont rassemblés dans les rues du pays pour s'opposer au système de quotas pour les emplois gouvernementaux qui, selon ses opposants, favorisait les personnes ayant des liens avec le parti au pouvoir. Ces manifestations se sont transformées en une contestation plus large du règne de 15 ans de Mme Hasina, marqué par des violations des droits de la personne, de la corruption et des allégations d'élections truquées.
Hasina, 76 ans, a été élue pour un quatrième mandat consécutif lors d'élections de janvier boycottées par ses principaux opposants. Des milliers de membres de l’opposition ont été emprisonnés avant le vote, et les États-Unis et le Royaume-Uni ont dénoncé le résultat, bien que le gouvernement l’ait défendu.
La répression des manifestations a conduit à des affrontements qui ont fait des dizaines de morts et n’ont fait qu’alimenter le mouvement d'opposition au gouvernement Hasina.
Le chef militaire du Bangladesh, le général Waker-uz-Zamam, a déclaré qu’il prenait le contrôle temporaire du pays après la démission de Mme Hasina et en attendant la formation d'un gouvernement intérimaire. Il a ajouté que l'armée enquêterait sur tous les meurtres et punirait les responsables, cédant ainsi aux demandes des manifestants formulées il y a plusieurs semaines.
Or, le chaos laissé par l’éviction de Mme Hasina a créé un vide et il est difficile de savoir comment celui-ci sera comblé, alors que cette nation d’Asie du Sud a une histoire de régime militaire et de politique désordonnée qui, dans le passé, a plongé le pays dans de nombreuses crises. Beaucoup craignent que le départ de Mme Hasina n'entraîne encore plus d'instabilité dans ce pays densément peuplé, déjà confronté à un chômage élevé, à la corruption et au changement climatique.
L'armée exerce une influence politique importante au Bangladesh, qui a été confronté à plus de 20 coups d'État ou tentatives de coup d'État depuis son indépendance du Pakistan en 1971.
Le pays n'a pas encore de bilan officiel des semaines de violence qui ont produit l’un des pires bains de sang depuis la guerre d’indépendance de 1971. Les violences survenues juste avant et après la démission de la première ministre ont fait au moins 109 morts, dont 14 policiers, et des centaines d'autres blessés, selon les informations des médias qui n'ont pu être confirmées de manière indépendante.
La minorité hindoue du pays, qui a été la cible de troubles politiques dans le passé et qui a longtemps été considérée comme pro-Hasina, craint de plus en plus qu’elle ne soit à nouveau victime d’agressions. Les informations locales faisaient état de violences contre des dirigeants hindous et d'autres minorités, mais elles n'ont pas pu être confirmées de manière indépendante.
«Les hindous ont très peur», a déploré Charu Chandra Das Brahmachari, chef de la branche bangladaise d'un mouvement hindou, au service de presse IANS. Selon lui, «chaque fois que le gouvernement tombe», les minorités en paient le prix.
L'ambassadeur de l'Union européenne au Bangladesh, Charles Whitley, a indiqué sur la plateforme X que les diplomates européens étaient «très préoccupés» par les informations faisant état de violences anti-minorités.
Les politiciens de l'opposition ont publiquement appelé la population à ne pas attaquer les groupes minoritaires, tandis que les dirigeants étudiants ont demandé à leurs partisans de protéger les temples hindous et autres lieux de culte.
Le principal parti d'opposition, le Parti nationaliste du Bangladesh, a exhorté mardi la population à faire preuve de retenue dans ce qu'il considère comme un «moment de transition sur notre voie démocratique».
«Si les gens décidaient de faire justice eux-mêmes sans procédure régulière, cela irait à l'encontre de l'esprit de la révolution qui a renversé le régime illégitime et autocratique de Cheikh Hasina», a écrit Tarique Rahman, président par intérim du parti, sur X.