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Malgré tout, l'industrie canadienne «reste forte et stable».
Le nombre d'entreprises de jeux vidéo en activité au Canada a chuté de 9% à la suite d'un boom alimenté par la pandémie, la majeure partie de cette baisse étant attribuable aux petites entreprises indépendantes comptant moins de 25 employés, selon un nouveau rapport.
Le rapport de l'Association canadienne du logiciel de divertissement indique que 821 entreprises de jeux vidéo étaient en activité en 2023-2024 au pays, soit 78 de moins que le sommet atteint en 2020-2021.
Selon le président et chef de la direction de l'association, Paul Fogolin, cette baisse était prévisible, puisque de nombreux studios ont bonifié leur main-d'œuvre pendant la pandémie en raison de la forte demande pour les jeux vidéo.
En entrevue, M. Fogolin a mentionné que le nombre de joueurs n'a pas beaucoup augmenté pendant la pandémie, mais que les joueurs ont passé beaucoup plus de temps devant leur écran.
«Après cette période, on savait qu'il y allait y avoir une légère baisse de l'engagement envers les jeux, et elle est arrivée en même temps que de nouvelles conditions macroéconomiques, des pressions inflationnistes et une baisse des dépenses de consommation», a-t-il noté.
Selon les rapports précédents de l'association, il y avait 573 entreprises de jeux vidéo au Canada en 2017 et 692 en 2019.
Malgré la baisse contenue dans le dernier rapport, l'industrie canadienne «reste forte et stable», croit M. Fogolin, et ce, en dépit d'une baisse de 3,5 % des emplois depuis 2021, où il y avait l'équivalent de 35 260 postes à temps plein. Le rapport indique qu'il y avait 1250 emplois à temps plein de moins en 2023-2024.
En parallèle, le rapport indique que le ratio de travail à temps plein a augmenté — passant de 81 % à 86 % — ce qui suggère que les entreprises ont réduit leurs embauches temporaires et se sont concentrées sur des projets à plus long terme. De plus, le salaire moyen a augmenté de 21 % pour atteindre 102 000 $ par an.
Le rapport, publié le 28 janvier et basé sur une enquête en ligne réalisée entre mai et juin 2024, attribue ces gains à une croissance de 3 % de l'impact économique du secteur. Le rapport évalue les retombées économiques de l'industrie à 5,1 milliards $.
Le rapport a également mis en évidence une disparité entre les entreprises locales et étrangères qui ont participé au sondage: alors que 76 % des entreprises interrogées étaient détenues par des Canadiens, les entreprises étrangères employaient 88 % de la main-d'œuvre.
L'industrie mondiale du jeu vidéo a connu des milliers de licenciements ces dernières années, reflétant les tendances du secteur technologique au sens large.
Au Canada, BioWare, à Edmonton, a licencié environ 50 personnes en août 2023 et un nombre non divulgué en janvier dernier, affirmant dans les deux cas qu'il souhaitait devenir un «studio plus agile et plus concentré».
Behaviour Interactive a pour sa part supprimé 95 emplois en juin dernier, la plupart à Montréal, dans un contexte de «concurrence sans précédent».
Mais une grande partie du secteur est portée par de grands acteurs ayant des avant-postes canadiens. Ubisoft a développé la plupart des titres Assassin's Creed au Québec, tandis qu'Electronic Arts a produit NHL 24 et EA Sports FC 24, successeur de la série FIFA, à Burnaby, en Colombie-Britannique.
Il y a aussi des succès locaux. Le chouchou des indépendants «Balatro», un jeu sur le thème du poker développé par un Canadien anonyme, s'est vendu à plus de cinq millions d'exemplaires depuis son lancement en février 2024.
Mais Michael Iantorno, doctorant au programme de communication de l'Université Concordia, a déclaré que cela devenait de plus en plus difficile pour les développeurs de jeux.
«Si vous êtes un petit développeur (…), vous vous battez en quelque sorte pour des miettes en termes de financement», a expliqué celui qui étudie l'histoire du jeu vidéo, le droit du travail et la propriété intellectuelle.
Il existe plusieurs sources de financement, notamment le Fonds des médias du Canada et des organismes provinciaux comme Ontario Creates, mais l'offre est plus petite que la demande.
«Nous devons financer davantage les arts et les petites entreprises, en particulier dans le secteur des jeux, a-t-il renchéri. C'est une bataille difficile. Ces organisations ont souvent stagné ou vu leur financement diminuer au fil des gouvernements successifs.»
Remy Siu, le développeur vancouvérois à l'origine du jeu vidéo «1000xResist», acclamé par la critique, a reconnu que le jeu n'existerait pas sans l'aide du Fonds des médias du Canada.
Le fondateur de Sunset Visitor a avoué qu'il faut «vraiment se démarquer» en tant que développeur indépendant. Il a attribué au fonds le mérite d'avoir permis certains types de risques artistiques.
Le studio a reçu un peu moins de 490 000 $, selon le site du fonds.
M. Siu a ajouté que les studios peuvent également demander des prêts bancaires ou une avance à un éditeur, mais son jeu narratif de science-fiction était «difficile à vendre» en raison de son sujet quelque peu niché.
M. Siu a aussi dit qu'un dollar canadien faible pourrait poser un défi si son studio voulait embaucher des talents américains à l'avenir. Le huard a récemment chuté à ses niveaux les plus faibles en plus de 20 ans. Mais les licenciements dans les grandes entreprises font en sorte qu'il n'y a aucun problème pour trouver des travailleurs.
«Nous voyons beaucoup de gens vraiment talentueux à la recherche d'un emploi en ce moment dans l'industrie du jeu, ce qui est regrettable», a-t-il souligné.
Une façon de soutenir et d'encourager les développeurs plus petits ou plus récents est de créer de nouvelles voies de financement, a soulevé M. Iantorno.
L'incubateur de jeux Baby Ghosts, qui offre des subventions et une formation aux studios émergents au Canada, en est un bon exemple.
«Si nous pouvons distribuer le financement de manière à ce qu'il parvienne à des gens qui n'en reçoivent généralement pas, nous pouvons à la fois favoriser l'industrie indépendante et raconter des histoires de partout au pays», a fait valoir M. Iantorno.
Paul Fogolin, de l'Association canadienne du logiciel de divertissement, se réjouit de voir de plus en plus de jeux acclamés par la critique être produits au pays, même dans un contexte de pressions inflationnistes.
«Nous sommes vraiment, vraiment bons pour créer des jeux vidéo au Canada, a-t-il déclaré. Et je pense que beaucoup de gens ne le savent pas.»
L'étude, menée pour l'association par Nordicity Group, a recueilli des données fondées sur les réponses de 150 entreprises de jeux vidéo.