L'ancien gardien de but du Canadien de Montréal Ken Dryden s’est éteint à l’âge de 78 ans, vendredi, à la suite d’un combat contre le cancer.
La direction du Canadien a annoncé la nouvelle peu après 0h30 samedi matin, dans un communiqué de presse.
Dryden a acquis la célébrité grâce à ses nombreux exploits avec l'équipe entre 1971 et 1979, mais aussi pour une fameuse pose: les bras croisés sur l'extrémité de son bâton, avec le bout de la lame reposant sur la glace, et le menton posé sur ses avant-bras pendant que le jeu se déplaçait vers la zone adverse.
Le propriétaire et président du Tricolore, Geoff Molson, a qualifié Dryden «d'athlète exceptionnel mais aussi d'homme d'exception».
«Derrière le masque, il était plus grand que nature», a déclaré Molson, dans le communiqué officiel de l'équipe.
«Nous pleurons aujourd'hui non seulement la perte d'un pilier de l'une des plus grandes dynasties du hockey, mais aussi celle d'un homme de famille, d'une personne attentionnée et d'un gentilhomme qui a profondément marqué nos vies et nos communautés à travers les générations», a aussi déclaré Molson.
Des débuts parfaits
Né le 8 août 1947 à Hamilton, en Ontario, Dryden a fait ses débuts dans la LNH avec le Tricolore en 1971, disputant six rencontres de saison régulière et remportant tous ses matchs. Sa première sortie a eu lieu le 14 mars, à Pittsburgh, et le Canadien l'avait emporté 5-1.
Six jours plus tard, dans un match au Forum de Montréal, Dryden affronte son frère aîné, Dave, gardien des Sabres de Buffalo. Jamais dans l'histoire de la LNH un tel moment avait eu lieu. Après la rencontre, Ken et Dave se sont donné une poignée de main au centre de la glace.
Choix surprise de l'entraîneur-chef Al MacNeil pour entamer les séries éliminatoires au printemps de 1971, au lieu des plus aguerris Rogatien Vachon et Philippe Myre, Dryden a mené les siens vers la coupe Stanley, remportant également au passage le trophée Conn-Smythe, remis au joueur le plus utile des séries éliminatoires.
Cette coupe Stanley, qui était alors la 17e de l'histoire du Canadien, a été aussi spectaculaire qu'inattendue.
Fortement négligé lors de sa série de première ronde, le Canadien a causé une vive surprise en éliminant en sept matchs les Bruins de Boston. Le Canadien remporte la rencontre ultime par la marque de 4-2 au Boston Garden, l'intimidant amphithéâtre des Bruins.
Lors du deuxième match, à Boston, le Canadien, mené par son capitaine Jean Béliveau, avait réalisé l'une des plus spectaculaires remontées de son histoire, marquant cinq buts sans riposte en troisième période en route vers un gain de 7-5.
Cette saison-là, les Bruins avaient édité des records du calendrier régulier pour le nombre de buts marqués (399), les victoires (57) et le nombre de points au classement (121) en 78 rencontres.
Cette édition des Bruins comptait sur les quatre meilleurs pointeurs de la LNH, soit le centre Phil Esposito (76-76-152), le défenseur Bobby Orr (37-102-139), l'ailier gauche Johnny Bucyk (51-65-116) et l'ailier droit Ken Hodge (43-62-105). Trois autres attaquants des Bruins complétaient le top-10 des meilleurs pointeurs du circuit.
Après un triomphe en six matchs contre les North Stars du Minnesota en demi-finale, Dryden et le Canadien ont défait les Black Hawks de Chicago en sept parties grâce à un gain de 3-2, une fois de plus en territoire ennemi, lors du duel décisif.
Lors de ce match, Henri Richard a inscrit les deux derniers buts du Tricolore et Dryden a préservé la mince avance, en troisième période, grâce à un arrêt spectaculaire avec sa jambière droite aux dépens de Jim Pappin.
La saison suivante, Dryden a gagné le trophée Calder, décerné à la recrue par excellence de la LNH.
«C'est presque incompréhensible de croire qu'il a accompli tout ça l'année avant de mériter le trophée Calder à titre de meilleure recrue dans la Ligue en 1971-72», a d'ailleurs noté le commissaire de la LNH, Gary Bettman, dans un communiqué de presse, en revenant sur les débuts de Dryden en 1971.
Dryden a ajouté cinq coupes Stanley à son palmarès, pour un total de six dans les années 1970.
«Il était de ces légendes qui ont façonné notre club pour en faire ce qu'il est aujourd'hui, a ajouté Molson. Ken représentait tout ce que le Canadien de Montréal se doit d'être, et son legs au sein de notre société transcende notre sport.»
Dryden a partagé le filet avec Tony Esposito lors de la Série du siècle de 1972 – un affrontement entre le Canada et l'Union soviétique qui est devenu une métaphore de la lutte de l'Occident contre le communisme au plus fort de la Guerre froide.
Après avoir perdu le premier match au Forum de Montréal et le quatrième match à Vancouver, Dryden a rebondi pour s'imposer 3-2 lors d'un sixième match à Moscou, un duel que le Canada devait absolument gagner.
Le Canada a ensuite battu les Soviétiques 4-3 lors du septième match avec Esposito. Dryden était de retour devant le filet pour le huitième match lorsque Paul Henderson a marqué avec 34 secondes au cadran pour sceller la mémorable victoire de 6-5.
Dryden a remporté le trophée Vézina à titre de meilleur gardien de la LNH à cinq reprises : en 1972-1973 ainsi que lors de quatre saisons consécutives entre 1975-1976 et 1978-1979.
En 397 rencontres dans la LNH, il a obtenu 258 victoires, 57 défaites et 74 matchs nuls. Il a montré une moyenne de buts alloués de 2,24 et un taux d'efficacité de ,922.
La carrière de Dryden a aussi été marquée par une année sabbatique, lors de la saison 1973-74, en raison d'une dispute contractuelle avec le Canadien. En lieu et place, il a travaillé pour un cabinet d'avocats de Toronto.
Dryden est revenu au jeu la saison suivante, mais le parcours du Canadien en séries éliminatoires a pris fin en demi-finale contre les Sabres de Buffalo.
Dryden et le Canadien allaient rebondir en 1976 avec la première de quatre coupes Stanley consécutives, grâce à un balayage de la série finale quatre de sept contre les Flyers de Philadelphie, doubles champions en titre.
Dryden a annoncé sa retraite définitive en 1979 et a été admis au Temple de la renommée du hockey en 1983. Il a ensuite vu son célèbre numéro 29 être retiré dans les hauteurs du Centre Bell, le 29 janvier 2007.
«L'image que vous retenez de moi, c'est lorsque je m'appuyais sur mon bâton en regardant le match, ne faisant rien. C'était ça, l'époque des années 1970 avec le Canadien, ça et beaucoup de coupes Stanley. Si je faisais un arrêt, mes coéquipiers répondaient avec un but», avait déclaré Dryden lors de la cérémonie de retrait de son chandail, à laquelle avait participé le légendaire gardien de but soviétique Vladislav Tretiak, rival de Dryden lors de la Série du siècle de 1972.
Avocat, auteur, homme politique et dirigeant de la LNH, il a laissé une marque indélébile dans de larges pans de la société canadienne.
Auteur du livre «The Game», publié en 1983, Dryden a ensuite écrit plusieurs autres livres, dont une biographie de son ancien entraîneur-chef Scotty Bowman.
Dryden a été président des Maple Leafs de Toronto de 1997 à 2004 — une période marquée par des participations à la finale de l'Est en 1999 et 2002 — avant de démissionner pour se lancer en politique.
L'après-carrière de Dryden l'a aussi mené à être analyste des matchs de hockey des Jeux olympiques de 1980 à Lake Placid au réseau ABC en compagnie du descripteur Al Michaels, incluant la miraculeuse victoire des États-Unis contre l'équipe nationale de l'URSS.
Saut en politique fédérale
Lorsqu'il a tourné la page sur le volet sportif de sa vie, Ken Dryden a fait le saut en politique fédérale. Il s'est présenté sous la bannière du Parti libéral du Canada en 2004 et a été nommé ministre du Développement social au sein du cabinet du premier ministre Paul Martin, un poste qu'il a occupé jusqu'en février 2006.
Dryden, qui a également enseigné dans diverses universités canadiennes, a conservé son siège dans la circonscription de York-Centre à Toronto en 2006, lorsque les libéraux étaient au pouvoir. Il a perdu ses élections en 2011 et a reçu l’Ordre du Canada en 2012.
Le premier ministre canadien Mark Carney a déclaré sur les réseaux sociaux qu'il était «profondément attristé d'apprendre le décès de l'honorable Ken Dryden, légende du hockey canadien, membre du Temple de la renommée, fonctionnaire et source d'inspiration», qu'il a aussi qualifié de «parlementaire dévoué».
«Son retour à l'université au moment où il était au sommet de sa carrière sportive nous a enseigné l'importance de l'équilibre dans la vie. Sa carrière après le hockey a démontré l’importance du service public», a souligné le premier ministre Carney.
«Ken Dryden incarnait le Canada dans toute sa grandeur. Il incarnait aussi le Canada dans ce qu’il a de mieux à offrir. Qu’il repose en paix», a écrit Mark Carney
Ken Dryden laisse dans le deuil son épouse Lynda et leurs deux enfants.
