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Le Kazakhstan est actuellement secoué par ses pires violences populaires depuis qu'il a accédé à l'indépendance il y a trente ans.
L'instabilité inquiète grandement ses deux puissantes voisines, la Chine et la Russie. Le Kazakhstan vend l’essentiel de son pétrole à la Chine et est un important allié stratégique de Moscou.
Le Kazakhstan vend l’essentiel de son pétrole à la Chine et est un important allié stratégique de Moscou.
Une poussée soudaine du prix du carburant au début de l’année a donné lieu aux premières manifestations dans une lointaine ville pétrolière de l’ouest du pays. Des dizaines de milliers de personnes sont maintenant descendues dans les rues d’une dizaine de villes.
Le président Kassym-Jomart Tokaïev semble de plus en plus isolé. Il a tout d’abord tenté de calmer les foules en renvoyant la totalité du gouvernement mercredi. Puis, quelques heures plus tard, il a changé de ton en qualifiant les manifestants de terroristes. Il a ensuite lancé un appel à l’aide à une alliance militaire russe, l’Organisation du traité de sécurité collective, qui a accepté d’envoyer un nombre indéterminé d’hommes pour rétablir l’ordre.
Des cinq républiques d’Asie centrale qui sont devenues indépendantes après l’implosion de l’Union soviétique, le Kazakhstan est de loin la plus grande et la plus riche. Son territoire est aussi vaste que celui de l’Europe occidentale, et le pays dispose de réserves colossales de pétrole, de gaz naturel, d’uranium et de métaux précieux.
Mais si la richesse naturelle du Kazakhstan a permis l’émergence d’une classe moyenne bien nantie, et d’un club sélect d’individus ultra-riches, le salaire national moyen est de seulement 600 $ US par mois. Le système bancaire a été matraqué par des prêts mal avisés. Et comme partout ailleurs dans la région, la corruption est endémique.
La manifestation qui a mis le feu aux poudres a eu lieu à Zhanaozen, une ville pétrolière désertique de l’ouest du pays. Le ressentiment gronde depuis longtemps dans une région dont la population considère qu’elle ne profite pas équitablement de ses richesses énergétiques. Au moins quinze personnes y ont perdu la vie en 2011 quand les policiers ont tiré sur une foule qui manifestait en appui à des grévistes qui avaient été renvoyés.
La colère a éclaté quand le prix du gaz naturel liquéfié que la plupart des gens utilisent dans leur voiture a doublé en fin de semaine. Les habitants de villes voisines ont rapidement rejoint le mouvement, et en quelques jours le mécontentement s’était propagé au reste du pays.
L’opposition est muselée depuis longtemps au Kazakhstan. Tous ceux qui pourraient tenir tête au gouvernement ont été réduits au silence. Donc, même si quelque 10 000 personnes ont parfois participé aux manifestations (un nombre élevé pour le pays), aucun leader n’a encore fait surface.
Le pouvoir a longtemps appartenu au président Noursoultan Nazarbaïev. L’homme, qui a maintenant 81 ans, a démissionné en 2019 au profit de son fidèle lieutenant, M. Tokaïev. Mais en tant que président du conseil de sécurité qui supervise l’armée et les forces de l’ordre, M. Nazarbaïev conserve une influence importante. M. Tokaïev a annoncé mercredi qu’il remplacerait M. Nazarbaïev à la tête du conseil.
L’essentiel de la colère des derniers jours ne cible pas vraiment M. Tokaïev, mais plutôt M. Nazarbaïev qui est toujours perçu comme le véritable chef du pays. Le slogan "Shal ket!" (Vieil homme va-t’en!) est devenu très populaire.
Une dirigeante de la police d’Almaty, la plus grande ville du pays et son ancienne capitale, a dit jeudi que des dizaines de manifestants ont été tués quand ils ont attaqué des édifices gouvernementaux. Une dizaine de policiers auraient aussi perdu la vie, dont un qui aurait été décapité.
Les manifestants auraient attaqué l’édifice gouvernemental après avoir capturé et incendié la mairie.
Les forces de l’ordre ont réagi de la manière habituelle à la grogne populaire, en déployant la police et la garde nationale dans les rues. La foule qui s’est rendue jusqu’à la mairie d’Almaty, mercredi, était attendue par des centaines de policiers antiémeute et des blindés. Si les rassemblements sont habituellement dispersés assez aisément, cette fois la foule était trop nombreuse.
Des édifices gouvernementaux ont été attaqués dans plusieurs villes. M. Tokaïev a demandé l’aide de l’Organisation du traité de sécurité collective, une alliance militaire dirigée par Moscou. Il a justifié cette demande d’une intervention externe en prétextant que les manifestants sont à la solde de groupes terroristes étrangers. Il n’a pas fourni plus de précisions.
Nous sommes en terrain inconnu au Kazakhstan. Le pays a déjà connu de grandes démonstrations, mais rien de comparable à ce qui se produit actuellement.
Mercredi, M. Tokaïev a promis de poursuivre les réformes et entrouvert la porte à une libéralisation politique. Mais quelques heures plus tard, ses propos laissaient plutôt croire à une intensification de la répression.
Mais puisque les manifestations populaires sont un peu désorganisées, du moins pour le moment, il est difficile de prédire ce qui pourrait arriver. Des changements importants pourraient survenir même si le gouvernement ne tombe pas. Les détails restent à voir.