La présidente du Mexique, Claudia Sheinbaum, a déclaré que les visas de travail de courte durée et l'expansion des routes commerciales maritimes entre le Canada et le Mexique étaient au cœur de son ordre du jour avant sa rencontre de jeudi avec Mark Carney.
Le premier ministre canadien est arrivé à Mexico jeudi matin pour une rencontre avec Mme Sheinbaum alors que les deux dirigeants abordent les défis commerciaux mondiaux liés au programme tarifaire du président américain Donald Trump.
Lors de sa conférence de presse matinale, juste avant l'arrivée de M. Carney, Mme Sheinbaum a affirmé que les trois pays signataires de l'Accord commercial Canada-États-Unis-Mexique souhaitent le renforcer.
Elle a ajouté que la visite de M. Carney offre l'occasion de consolider les relations bilatérales entre le Canada et le Mexique.
Mme Sheinbaum a indiqué que le Mexique propose d'augmenter le nombre de visas de travail spéciaux permettant aux Mexicains de travailler au Canada, soulignant que le Canada étudie déjà la question.
Mme Sheinbaum a fait savoir qu’elle discuterait également avec M. Carney de propositions visant à accroître les échanges commerciaux entre le Mexique et le Canada par l’entremise des ports des côtes Pacifique et Atlantique.
Les deux dirigeants devaient signer un accord de partenariat stratégique lors de la visite de M. Carney au Mexique. Selon des représentants du gouvernement canadien, cet accord couvrirait les infrastructures, le commerce, la santé, l'agriculture, la préparation aux situations d'urgence et la sécurité.
Le Canada souhaite accroître ses échanges commerciaux avec le Mexique en réponse à la guerre commerciale menée par les États-Unis et alors que les deux pays se préparent à la renégociation de l'accord commercial continental liant les trois économies.
La ministre des Affaires étrangères, Anita Anand, et le ministre des Finances, François-Philippe Champagne, se sont rendus au Mexique en août pour discuter de croissance économique, de sécurité et de commerce. Ils étaient accompagnés d'une délégation de chefs d'entreprise canadiens et mexicains.
M. Carney et Mme Sheinbaum devaient s'entretenir en tête-à-tête jeudi après-midi, suivi d'un déjeuner de travail avec Mme Anand, le ministre du Commerce canado-américain, Dominic LeBlanc, et la secrétaire parlementaire de M. Carney, Rachel Bendayan.
Cette réunion devait porter sur la combinaison des efforts visant à lutter contre le trafic de drogue et d'armes à feu, ainsi que d'autres activités liées au crime organisé. M. Carney et Mme Sheinbaum devaient également discuter de la coopération en matière de sécurité afin d'établir une communication et une collaboration régulières entre les deux pays.
Concurrents ou amis?
Solange Márquez, experte en diplomatie et en gouvernance mondiale, est professeure à l'Université nationale autonome du Mexique et à l'Université de Toronto. Elle a avancé que le Mexique et le Canada étaient désireux de reconstruire leurs relations avec les États-Unis et qu'ils avaient récemment manifesté peu d'intérêt pour leur relation bilatérale.
«Nous nous considérons davantage comme des concurrents que comme des amis. Les deux pays cherchent à pénétrer le marché américain et à nouer des relations plus amicales avec la Maison-Blanche», a-t-elle indiqué.
Cela est particulièrement vrai pour le secteur automobile, qui joue un rôle important dans l'économie des deux pays, a-t-elle ajouté. L'administration du président américain Donald Trump tente d'attirer davantage de production automobile aux États-Unis en imposant des droits de douane sur le Canada et le Mexique.
Le Mexique a également pris note des propos virulents tenus par le Canada après que Donald Trump a accusé les deux pays d'avoir fermé les yeux sur le trafic de fentanyl l'année dernière.
Le premier ministre de l'Ontario, Doug Ford, avait affirmé en novembre dernier que «nous comparer au Mexique est la chose la plus insultante que j'aie jamais entendue», tandis que le premier ministre de l'époque, Justin Trudeau, avait exprimé ses inquiétudes concernant les investissements chinois dans les chaînes d'approvisionnement mexicaines.
Mme Sheinbaum avait répliqué quelques jours plus tard, affirmant que son pays «doit être respecté, en particulier par ses partenaires commerciaux» et que le Canada «ne pourrait que souhaiter avoir la richesse culturelle du Mexique».
Selon Mme Márquez, le Mexique avait initialement été contrarié par ces déclarations, mais «c'est du passé». Elle a ajouté que M. Carney est perçu au Mexique comme un facteur de renforcement des relations et de respect du gouvernement de Mme Sheinbaum.
«Pour Mme Sheinbaum, la relation est complètement différente de celle qu'elle entretenait avec M. Trudeau, a souligné Mme Márquez. Ils se comprennent très bien.»
De hauts fonctionnaires du gouvernement ont acquiescé, affirmant que la relation est «positive» depuis l'arrivée de M. Carney au pouvoir. Ils ont également souligné l'objectif commun des deux chefs d'État: accroître la production nationale et renforcer la résilience de leurs économies.
Des objectifs clairs à définir
D'après Mme Márquez, les deux dirigeants doivent s'asseoir à la table des négociations avec des objectifs clairs, notamment garantir l'unité du Mexique et du Canada à l'approche de la renégociation de l'accord commercial Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM).
Donald Trump pourrait tenter de les diviser afin d'obtenir un meilleur accord pour son pays, a-t-elle rappelé.
Le chef conservateur Pierre Poilievre a accusé le mois dernier les libéraux de ne pas avoir réussi à conclure un accord commercial bilatéral avec le Mexique. Or, le gouvernement Carney affirme n'avoir jamais cherché à conclure un accord bilatéral avec le Mexique excluant les États-Unis.
Interrogé sur l'origine de l'idée de M. Poilievre, son cabinet a expliqué que Mme Sheinbaum avait été interrogée par les médias locaux sur sa volonté de conclure un accord bilatéral avec le Canada.
Lorsqu'on lui a demandé la semaine dernière si elle et M. Carney discuteraient de la renégociation imminente de l'accord commercial Canada-États-Unis-Mexique, Mme Sheinbaum a souligné que le Mexique et le Canada s'engagent dans de nombreux échanges commerciaux et investissements bilatéraux.
Elle a déclaré mercredi, lors d'une conférence de presse, que la visite de M. Carney ne visait pas à affaiblir l'alliance continentale.
«Les trois pays souhaitent maintenir (l'accord commercial), mais nous souhaitons renforcer les échanges commerciaux avec le Canada», a-t-elle expliqué. Elle a ajouté que le Mexique souhaite également que les sociétés minières canadiennes se conforment davantage à la réglementation environnementale mexicaine.
Ottawa affirme que les relations commerciales bilatérales se développent, évoquant près de 56 milliards $ d'échanges bilatéraux de marchandises en 2024 et 46,4 milliards $ d'investissements directs au Mexique.
Mme Márquez a indiqué que le premier ministre passerait beaucoup de temps au Palais national, ce qui laisse entendre qu'il prend le temps nécessaire pour négocier et comprendre la position du Mexique.
Mme Sheinbaum a fait savoir qu'elle comptait travailler avec M. Carney sur «divers thèmes», notamment «le renforcement des échanges commerciaux maritimes et portuaires».
Mme Sheinbaum tente également de gérer ses relations avec la Chine après avoir récemment annoncé des droits de douane sur les voitures et autres biens chinois en réponse aux pressions américaines. Des analystes ont noté que le Mexique n'avait pas immédiatement obtenu gain de cause auprès de Washington après l'annonce de cette mesure.
Le Canada, le Mexique et les États-Unis n'ont pas organisé de sommet des dirigeants nord-américains depuis celui de janvier 2023 à Mexico.
Ottawa devait accueillir l'événement — communément appelé le sommet des Trois Amigos — en 2024, mais il a été mis de côté par les élections aux États-Unis et au Mexique, ainsi que par les troubles politiques auxquels Justin Trudeau était confronté à l'époque.
De hauts fonctionnaires du gouvernement ont déclaré mercredi qu'ils ne prévoyaient pas d'organiser un autre sommet pour le moment, invoquant un manque d'intérêt de la part des trois pays.


