Économie

Le Canada est le pays qui compte le plus grand nombre de vieux avions à réaction

Le Venezuela arrive en deuxième position, avec six avions dans le top 30. Les États-Unis en comptent trois.

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27a7527484be307997347ac79675e318c2021af2b664053704a02a90fdc237dc.jpg Un mécanicien s'approche d'un Boeing 737-200 âgé de 42 ans qui se trouve sur le tarmac de Nolinor Aviation à Mirabel, au Québec, le 17 mai 2025. Le Canada est le pays qui compte le plus grand nombre de vieux avions à réaction. LA PRESSE CANADIENNE/Christinne Muschi

Chaque matin, des voyageurs et des marchandises décollent de l’aéroport international Montréal-Trudeau pour un vol de 1600 kilomètres à destination de Puvirnituq, dans le nord du Québec, à bord d'un avion d'Air Inuit vieux de près de 50 ans.

Ce Boeing 737 a déjà sillonné le ciel de l'Europe et de l'Afrique centrale pour des compagnies aériennes aujourd'hui disparues en France, au Gabon et au Congo. Mais ses vols sont désormais entièrement canadiens, transportant des passagers, de la nourriture et des matériaux de construction entre la deuxième plus grande ville du pays et le village de 2100 habitants.

Cet avion vieillissant n'est pas un cas isolé au Canada, qui compte plus de vieux avions à réaction déployés pour le transport de passagers que tout autre pays. Leur âge peut poser des problèmes d'entretien et de consommation de carburant, tandis que d'autres remettent en question la sécurité des avions de transport d'occasion, mais les exploitants affirment qu'ils sont parfaitement adaptés aux vols commerciaux vers des destinations éloignées.

Treize des 30 plus anciens avions à réaction du monde transportant des voyageurs sur des lignes régulières ou nolisées sont en service au Canada, selon les chiffres de ch-aviation, un fournisseur de données sectorielles. Les 13 appareils sont des Boeing 737-200 âgés de 42 à 52 ans.

Le Venezuela arrive en deuxième position, avec six avions dans le top 30. Les États-Unis en comptent trois.

Paradoxalement, l'immensité géographique du Canada, ses conditions climatiques difficiles et ses pistes d'atterrissage accidentées expliquent pourquoi il y a davantage de vieux avions au pays qu'ailleurs dans le monde.

«Si Air Inuit continue d'exploiter la série 200, ce n'est pas par choix, mais par obligation», a déclaré Christian Busch, PDG d'Air Inuit, dont la flotte de 36 avions comprend quatre appareils à fuselage étroit classiques. Trois d'entre eux, tous parmi les 30 plus anciens au monde, transportent les passagers à l'arrière et le fret à l'avant.

Air Inuit exploite des avions sur des pistes en gravier, et le 737-200 est l'un des rares avions à réaction autorisés à atterrir sur de telles surfaces.

Cela s'explique par le fait que l'imposant Boeing, entré en service en 1968 et dont la production a cessé 20 ans plus tard, a été conçu pour être équipé d'un kit de gravier.

Cette modification comprend un déflecteur sur la roue avant qui protège le ventre de l'avion des fragments de roches volantes. Il souffle également de l'air comprimé devant chaque moteur pour empêcher les débris de pénétrer dans les turbosoufflantes, qui pourraient être endommagées et s'arrêter.

Les 117 «aéroports nordiques éloignés» du Canada, sauf sept, ne sont pas asphaltés, selon un rapport de 2017 du vérificateur général sur l'infrastructure de l'aviation dans le Nord.

«Nous avons un 737-800 dans notre flotte. J'aimerais beaucoup piloter cet avion dans le Nord, mais où puis-je le faire atterrir?» a demandé Marco Prud'homme, président de la compagnie aérienne Nolinor Aviation.

«En fait, ce sont toutes des pistes non asphaltées.» Si certains de ses Boeing d'époque desservent des villages, environ la moitié des vols de Nolinor atterrissent sur une demi-douzaine de mines isolées, transportant travailleurs, provisions et fournitures par 737-200 vers un projet d'exploitation à ciel ouvert au Nunavut et d'autres sites d'exploitation du Nord.

Les sociétés minières évitent de paver les pistes, notamment parce que l'asphalte et le béton sont plus difficiles à réhabiliter après la fermeture du site. Plus important encore, dans les régions nordiques, le pergélisol peut fondre en été, créant des fissures ou de larges ondulations sur la piste.

«Si vous pavez la piste, au bout d'un an, il faudra tout recommencer», a affirmé M. Prud'homme.

Si de nombreuses compagnies aériennes utilisent un mélange d'avions à turbopropulseurs – qui peuvent atterrir sur du gravier – et d'avions à réaction, les premiers sont beaucoup plus lents, et donc moins attrayants pour le transport de passagers.

«Si vous devez utiliser un avion à turbopropulseurs pour y arriver, cela va prendre une éternité», a souligné M. Prud’homme, dont la flotte de 14 appareils comprend neuf 737-200 «très appréciés», soit plus que tout autre transporteur, selon lui.

Huit d’entre eux figurent parmi les 50 plus anciens avions de transport de passagers au monde, selon ch-aviation. Les deux plus anciens ont 50 et 51 ans, ce qui les place respectivement troisième et quatrième au classement des avions les plus anciens au monde, juste derrière deux avions nolisés basés aux États-Unis, dont le plus ancien a été construit en 1971 pour la défunte compagnie aérienne Canadian Airlines.

Sécuritaires mais coûteux

Les vieux avions ont des problèmes: ils consomment plus de carburant et entraînent des problèmes de maintenance plus importants. «Ce n’est pas aussi simple que d’entretenir des avions neufs ou modernes», dont les composants sont peut-être plus facilement disponibles, a indiqué M. Busch.

Des éléments apparemment de base peuvent poser de gros problèmes. Trouver des pièces pour remplacer une serrure de toilettes cassée peut être plus difficile que de changer un démarreur, a-t-il déclaré.

M. Prud'homme affirme cependant que les composants sont moins chers que les pièces des avions plus récents et qu'ils sont faciles à trouver.

Si voler à bord d'un avion grinçant des années 1970 peut inquiéter certains passagers, il existe peu de preuves de problèmes de sécurité.

Une étude de 2014 du Centre international pour le transport aérien du Massachusetts Institute of Technology a révélé qu'il n'y avait aucun lien entre l'âge des avions et les taux d'accidents mortels en Amérique du Nord et en Europe.

Un entretien adéquat est bien plus important que la date de fabrication, a déclaré Pierre Clément, directeur de l'aviation à la mine Raglan de Glencore Canada, située au Nunavik.

Glencore, dont les deux 737-200 de 46 ans figurent parmi les 15 plus anciens avions de passagers du monde, emmène un mécanicien à chaque voyage et dispose de nombreuses pièces de rechange, a précisé M. Clément. Pour éviter les réparations imprévues, l'entreprise prend des mesures de précaution, comme changer les pneus après un moins grand nombre d'atterrissages que la plupart des transporteurs.

«Nous savons que, si un avion tombe en panne à la mine, sa réparation sur place sera très coûteuse», a-t-il ajouté.

Même s'il demeure un pilier du transport aérien en régions éloignées, le parc canadien de 787-200 haut de gamme pourrait diminuer à mesure que de nouvelles solutions apparaissent.

Glencore effectue des tests de température au sol tout au long de l'année pour déterminer si la diminution du pergélisol permettrait l'installation d'une piste en asphalte. Une piste d'atterrissage en planches d'aluminium est une autre option étudiée, mais elle est plus coûteuse.

Le gouvernement du Québec a annoncé l'an dernier qu'il consacrerait jusqu'à 50 millions $ au traitement de la piste en gravier de Puvirnituq avec un produit qui la rendra plus dure et moins sujette aux projections de débris, entre autres rénovations.

«Nous travaillons avec Transports Canada pour pouvoir faire voler un avion moderne sur un nouveau type de surface», a déclaré M. Busch. Il espère obtenir le feu vert pour que de nouveaux avions puissent décoller dès l’année prochaine.

Note aux lecteurs:Correction du 8e paragraphe en supprimant la citation qualifiant le Boeing de seul avion à réaction autorisé à atterrir sur des pistes en gravier, et ajout d'un paragraphe.