Le gouverneur de la Banque du Canada soutient que le pays a attendu trop longtemps pour diversifier son économie et ses relations commerciales au-delà des États-Unis.
Le gouverneur Tiff Macklem est à Saskatoon mardi pour prononcer un discours sur les perturbations du commerce mondial devant des chefs d’entreprise de la Saskatchewan.
Dans une allocution préparée, il affirme que la guerre tarifaire du président américain Donald Trump nuit aux industries canadiennes qui dépendent fortement du commerce avec les États-Unis.
Pour se libérer de la dépendance à l’économie américaine, M. Macklem soutient que le Canada doit développer de nouveaux marchés mondiaux pour ses produits et éliminer les barrières internes qui entravent la productivité du pays.
Il établit une comparaison avec la crise financière mondiale de 2008-2009 et les répercussions de l’effondrement des États-Unis sur le Canada.
«À l’époque, tout le monde parlait déjà de diversification. Mais il ne s’est pas passé grand-chose», souligne M. Macklem.
M. Macklem affirme aux journalistes après son discours que les entreprises canadiennes ont perdu leur «sens de l’urgence» lorsque la récession s’est estompée et que la demande américaine a repris.
Les États-Unis resteront probablement toujours le premier partenaire commercial du Canada, précise-t-il.
Cependant, M. Macklem ajoute également que le Canada et les États-Unis ne traversent pas cette fois-ci un «ralentissement cyclique» et qu’il n’y aura pas de reprise de la croissance à moins que les chefs d’entreprise et les décideurs politiques ne prennent des mesures pour restructurer certains secteurs de l’économie.
«Cette fois-ci, nous devons aller jusqu’au bout.»
Premières mesures
La Banque du Canada a abaissé son taux directeur d’un quart de point à 2,5 % la semaine dernière, les signes de faiblesse de l’économie ayant éloigné les risques d’une hausse de l’inflation.
Le produit intérieur brut réel a reculé au deuxième trimestre de 2025, les exportations canadiennes ayant chuté. Le marché du travail canadien présente également des signes de faiblesse, notamment dans les secteurs frappés par des droits de douane.
Les exemptions prévues par l’accord Canada–États-Unis–Mexique protègent la plupart des produits canadiens des droits de douane américains, bien que des droits sectoriels spécifiques sur l’acier, l’aluminium, l’automobile et le bois d’œuvre résineux nuisent à ces secteurs. M. Macklem note que les droits de douane imposés par la Chine sur le canola canadien constituent la perturbation commerciale la plus importante pour l’économie de la Saskatchewan.
L’impact des droits de douane américains a été jusqu’à présent plus faible qu’on ne le craignait initialement, rappelle M. Macklem, mais il avertit que les répercussions réelles restent à déterminer.
Il indique que le Canada a déjà commencé à prendre les premières mesures pour protéger l’économie contre de futures perturbations, mais soutient également que le travail acharné doit s’amorcer dès maintenant.
M. Macklem réclame de meilleurs corridors de transport est-ouest et des améliorations aux infrastructures portuaires pour faciliter l’acheminement des marchandises canadiennes vers les marchés étrangers. Ces efforts pourraient contribuer à réduire la dépendance du Canada envers les marchés américains et à optimiser l’utilisation des accords de libre-échange existants avec des pays du monde entier.
Il plaide également pour la suppression des barrières commerciales interprovinciales, l’harmonisation des cadres réglementaires entre les provinces et une réduction générale des délais d’approbation afin de stimuler la productivité canadienne.
Combinées, ces mesures pourraient contribuer à relancer la croissance économique du Canada et à dépasser la trajectoire observée avant les perturbations tarifaires américaines, selon M. Macklem.
«Les leaders du pays — chefs d’entreprise, responsables politiques et dirigeants économiques — doivent tracer une nouvelle voie. On aurait dû faire ces changements il y a 15 ans. Mais le deuxième meilleur moment, c’est maintenant», affirme-t-il.
Inquiétudes concernant la Fed
Le gouverneur de la banque centrale canadienne note également la persistance de M. Trump à influencer et remodeler la Réserve fédérale américaine (Fed) — l’équivalent de la Banque du Canada au sud de la frontière.
Le président Trump a ordonné la destitution de la gouverneure de la Fed Lisa Cook dans une affaire qui doit être tranchée par la Cour suprême des États-Unis, et aurait envisagé de licencier le président de la Réserve fédérale, Jerome Powell.
La Fed, à l’instar de la Banque du Canada, a réduit son taux directeur d’un quart de point la semaine dernière, bien que M. Trump ait fait pression pour un assouplissement plus rapide.
M. Macklem affirme dans son discours que les tentatives du président Trump d’influencer la Fed «soulèvent des questions quant au maintien de l’indépendance de la politique monétaire américaine».
«La leçon à tirer de l’histoire est claire: les banques centrales qui jouissent d’une indépendance opérationnelle en matière de politique monétaire sont plus efficaces pour assurer la stabilité des prix pour leurs citoyens», explique-t-il plus tard aux journalistes.
M. Macklem avertit également que les menaces pesant sur la stabilité financière aux États-Unis auront des répercussions ailleurs dans le monde et commencent déjà «à avoir des conséquences sur les marchés financiers».
Il ajoute également que son homologue américain, M. Powell, «fait un très bon travail dans des circonstances très difficiles et qu’il oriente la politique monétaire en se basant sur des preuves, et non sur la politique».
