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L'approche d'Ottawa sur la reconnaissance de l'État palestinien est critiquée

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89001ec0e1ddde2723084a0d973c5997bff5efc8f1cfad9909f50c7fa1068c99.jpg Des Palestiniens déplacés fuient la ville de Gaza à pied et en voiture, transportant leurs biens le long de la route côtière vers le sud, le 18 septembre 2025. Des militants propalestiniens affirment que le Canada ne devrait pas imposer de conditions à la souveraineté palestinienne. (AP/Abdel Kareem Hana) (AP/Abdel Kareem Hana)

Alors qu'Ottawa prévient que sa reconnaissance symbolique de l'État palestinien ne mènera pas immédiatement à l'ouverture d'une ambassade à part entière, des militants propalestiniens affirment que les libéraux ne devraient pas imposer de conditions à la souveraineté palestinienne.

Le premier ministre Mark Carney a annoncé en juillet que le Canada reconnaîtrait l'État palestinien lors de l'Assemblée générale des Nations Unies, qui se tiendra la semaine prochaine.

À l'époque, il avait déclaré que la reconnaissance du Canada serait «conditionnelle» à l'engagement de l'Autorité palestinienne à «réformer en profondeur sa gouvernance» par des mesures anticorruption et la tenue d'élections générales en 2026 sans la participation du Hamas. L'État palestinien devrait également être démilitarisé, avait ajouté M. Carney.

La ministre des Affaires étrangères, Anita Anand, a affirmé au «Toronto Star» que l'Autorité palestinienne devait remplir ces conditions avant qu'Ottawa normalise pleinement ses relations et transforme sa délégation à Ottawa en ambassade à part entière.

L'Autorité palestinienne dispose d'une délégation diplomatique à Ottawa, composée d'un représentant ayant rang d'ambassadeur. À l'instar de Taïwan, la Palestine n'est pas reconnue comme État par Ottawa et n'entretient donc pas de relations diplomatiques complètes avec le Canada.

 

Les commentaires de Mme Anand laissent entendre que l'Autorité palestinienne doit satisfaire aux conditions d'Ottawa avant que sa délégation puisse être transformée en ambassade à part entière.

Ce développement survient alors qu'Ottawa exhorte Israël à mettre fin à sa nouvelle offensive terrestre majeure dans la ville de Gaza. Le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, insiste sur le fait que cette campagne vise à empêcher le Hamas d'attaquer Israël de nouveau, bien que la plupart des alliés d'Israël affirment que l'offensive aggravera la famine et le nombre de morts dans le territoire.

Cette semaine, des experts mandatés par le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies ont déclaré qu'Israël commettait un génocide à Gaza. Ottawa attend que la Cour internationale de justice statue sur la question. 

Tatiana Harker, du groupe montréalais Palestine Vivra, considère que les conditions imposées par Ottawa constituent du «chantage» et empêchent les Palestiniens d'exercer leur souveraineté.

«Cette reconnaissance est mort-née. Il s'agit d'une reconnaissance conditionnelle exigeant en échange la renonciation à leur droit inaliénable à l'autodétermination», a-t-elle déclaré jeudi lors d'une conférence de presse sur la Colline du Parlement.

Mme Harker a qualifié les conditions imposées par Ottawa de «coloniales» et a soutenu qu'elles revenaient à «priver les Palestiniens de la possibilité de choisir librement leurs représentants légitimes». Elle a ajouté que les Palestiniens doivent pouvoir se protéger des attaques israéliennes.

Elle s'est demandé s'il restera des gens à Gaza «lorsque cette machine bureaucratique sera en marche».

Ses inquiétudes s'inscrivent dans un contexte de famine généralisée dans le territoire et de ministres israéliens de haut rang qui préconisent l'émigration des Palestiniens. Mercredi, le ministre israélien des Finances, Bezalel Smotrich, a vanté l'imminence d'une «manne immobilière» dans la bande de Gaza.

L'ambassadeur du Canada auprès de l'ONU, Bob Rae, a rejeté cette idée jeudi. «Gaza n'est pas une transaction immobilière. C'est le foyer du peuple palestinien», a-t-il écrit sur le réseau social X.

Le Centre consultatif des relations juives et israéliennes (CIJA) estime que les commentaires d’Anita Anand démontrent que les préoccupations soulevées par Ottawa en juillet n'ont toujours pas été résolues. Les conditions du gouvernement portent toutefois sur des mesures à prendre au cours des prochains mois et des prochaines années.

Le CIJA croit que M. Carney devrait réfléchir à deux fois avant de se prononcer sur la création d'un État palestinien devant l'ONU la semaine prochaine.

«La reconnaissance de l'État palestinien récompense le Hamas, enhardit les extrémistes et sape les efforts visant à obtenir la libération des 48 otages israéliens toujours détenus à Gaza», a écrit le président du groupe, Noah Shack. 

Sur la Colline du Parlement, la porte-parole du NPD en matière d'affaires étrangères, Heather McPherson, a déclaré que Mme Anand devrait reconnaître «immédiatement» un État palestinien. 

«L'utilisation par le gouvernement de la reconnaissance de l'État de la Palestine comme monnaie d'échange est consternante», a-t-elle déploré, affirmant que la ministre Anand «tente de se dérober à ses responsabilités pour garantir que le Canada ne soit pas complice d'un génocide».

Nima Machouf, une ancienne candidate du NPD qui participera la semaine prochaine à une flottille entre l'Italie et Gaza, affirme que le Canada est à la traîne de ses alliés européens en matière de reconnaissance de l'État palestinien et que le gouvernement Carney impose des conditions «très irresponsables».

Lors d'une autre conférence de presse jeudi, un Montréalais membre de l’organisation Voix juives indépendantes a déclaré que le Canada doit sanctionner davantage le gouvernement israélien et suspendre les ventes d'armes.

«En tant que Juifs, nous nous souvenons très bien de l'Holocauste. Nous nous souvenons de ce que les nazis ont fait au ghetto de Varsovie. Il est à la fois bouleversant et révoltant de voir ces crimes de guerre se répéter aujourd'hui. C'est inacceptable», a décrié Scott Weinstein.