La cheffe nationale de l'Assemblée des Premières Nations (APN) a réprimandé lundi le gouvernement fédéral pour ne pas avoir tenu sa promesse de présenter un projet de loi déclarant les services de police des Premières Nations comme un service essentiel.
Cindy Woodhouse Nepinak a expliqué aux députés du Comité des affaires autochtones de la Chambre des communes que l'incapacité des gouvernements à financer équitablement les services de police des Premières Nations crée un risque pour la sécurité des communautés, les privant de moyens de lutter contre la criminalité et de tenir les criminels responsables de leurs actes.
L'ancien premier ministre Justin Trudeau avait promis que son gouvernement présenterait une nouvelle loi sur les services de police des Premières Nations en 2020, mais celle-ci n'a pas encore été concrétisée.
«Les services de police des Premières Nations n'ont pas la gâchette facile, ils ne tuent pas nos citoyens. Ils s'efforcent de rester ancrés dans la communauté», a expliqué Mme Woodhouse Nepinak, assise devant une poignée de chefs de police des Premières Nations réunis pour la réunion à Ottawa.
«Nous savons ce dont nous avons besoin, grâce à des années de recherche, de plaidoyer et de mobilisation (…) ce dont nous avons besoin maintenant, bien sûr, c'est de votre volonté politique», a-t-elle dit aux députés.
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Sous la direction de Justin Trudeau, les ministres de la Sécurité publique ont répété à maintes reprises à l'APN que le dépôt d'un projet de loi sur les services de police des Premières Nations était imminent, mais aucun projet de loi n'a été déposé.
La Presse Canadienne a appris, grâce à un rapport d'accès à l'information publié en 2023, que l'un des points de friction entre l'organisme de défense des droits et Ottawa était de savoir s'il fallait reconnaître les services de police comme un domaine de compétence des Premières Nations — une pratique que le gouvernement a déjà adoptée en matière de services de protection de l'enfance.
Le gouvernement fédéral a blâmé l'APN pour les retards, affirmant que les «difficultés persistantes» avec l'organisme de défense des droits limitaient les «progrès rapides».
Mme Woodhouse Nepinak a rappelé les propos du premier ministre Mark Carney pendant la campagne électorale, lorsqu'il a déclaré que les services de police des Premières Nations étaient essentiels.
«Il a déclaré vouloir passer à des services de police autogérés des Premières Nations et en confier le contrôle à une série d'ententes de services de police autogérés et d'ententes tripartites communautaires», a rappelé Mme Woodhouse Nepinak, à propos d'une rencontre entre M. Carney et les chefs des Premières Nations.
«Il a déclaré que nous devons agir le plus rapidement possible pour assurer la prestation des services essentiels par les Premières Nations», a-t-elle ajouté.
La formule de financement décriée
Mais l'initiative progresse plus lentement que ne le souhaiteraient les dirigeants des Premières Nations. Parmi eux, le chef régional de l'Ontario, Abram Benedict, a déclaré au comité que les communautés des Premières Nations, en particulier celles du nord, sont victimes du crime organisé en raison de l'absence d'une présence policière constante capable de faire respecter la loi.
Les services de police des Premières Nations sont financés à la fois par la province et par le gouvernement fédéral, la première prenant en charge 48 % des coûts et Ottawa les 52 % restants.
Les chefs affirment que la formule de financement est inadéquate pour servir correctement les communautés, surtout si les provinces ne sont pas disposées à consolider leurs fonds.
La Cour suprême du Canada leur a donné raison, statuant l'an dernier que le Québec devait financer davantage un service de police des Premières Nations après avoir agi de manière déshonorante en refusant de négocier les modalités de financement.
Les chefs de l'Ontario ont intenté leur propre poursuite contre l'Ontario et Ottawa l'an dernier, affirmant qu'ils ne fournissaient pas l'égalité d'accès à la justice et à la primauté du droit à l'égard des autres Canadiens.
Une plainte pour atteinte aux droits de la personne
En 2023, les chefs des Premières Nations ont déposé une plainte pour atteinte aux droits de la personne contre ce qu'ils qualifiaient de sous-financement chronique de la sécurité des communautés des Premières Nations.
«Presque tous les services de police autogérés ont poursuivi le Canada en justice pour mauvaise gestion du programme et pratiques de financement discriminatoires. Trois de ces services ont été contraints de déposer une demande de réparation immédiate devant la Cour fédérale afin de s'assurer d'obtenir le financement nécessaire pour fournir des services de police à leurs communautés», a expliqué Mme Woodhouse Nepinak.
Le député conservateur Billy Morin, ancien chef de la Nation crie d'Enoch, a souligné ces poursuites, affirmant qu'ils n'auraient pas à comparaître devant les tribunaux si les gouvernements écoutaient les solutions proposées par les Premières Nations.
Et si ces solutions peuvent être uniques à chaque communauté, le manque de financement est un enjeu constant, a-t-il ajouté.
Les appels à une législation sur les services de police des Premières Nations se sont intensifiés en 2022 après que 11 personnes ont été tuées et 17 blessées dans la Nation crie de James Smith et la communauté voisine de Weldon, en Saskatchewan.
La Gendarmerie royale du Canada était le service de police compétent, son détachement le plus proche étant situé à près de 50 kilomètres. Cela a incité la communauté à réclamer des changements immédiats aux services d'urgence de la région, notamment des délais d'intervention plus rapides.
Ce mécontentement s'est amplifié l'année dernière après une série de décès de membres des Premières Nations liés à la police, que la cheffe Woodhouse Nepinak a décrit comme un exemple de discrimination systémique exigeant une responsabilisation et un changement structurel dans le fonctionnement des forces de l'ordre.
Elle a souligné qu'un appel des Premières Nations lancé en décembre dernier pour une enquête fédérale sur ces décès est resté sans réponse.
«L'injustice et la criminalité persistent», a affirmé Mme Woodhouse Nepinak.

