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Cette vérification fait partie d’une série de rapports publiés aujourd’hui par le bureau de Karen Hogan.
Le coût estimé de la future flotte d'avions de combat furtifs du Canada a explosé de près de 50 % en quelques années seulement, a déclaré mardi la vérificatrice générale (VG), Karen Hogan, dans un nouveau rapport.
L'audit sur les avions de combat est l'un des huit rapports déposés à la Chambre des communes par Mme Hogan et le commissaire à l'environnement, Jerry DeMarco.
Une enquête de la vérificatrice générale a conclu que les coûts associés au programme d'avions de chasse F-35 dépassent de 8,7 milliards $ les estimations initiales.
Elle met en garde contre les retards et les lacunes majeures du programme, notamment en ce qui concerne le manque de pilotes qualifiés.
La Défense nationale a déclaré en 2022 que le prix de base des F-35 serait de 19 milliards $. À peine deux ans plus tard, ce chiffre a grimpé à 27,7 milliards $. Cette estimation n'inclut pas les chiffres relatifs à la modernisation de l'infrastructure ou à l'armement.
Le rapport indique que les estimations du ministère pour 2022 s'appuyaient sur des données obsolètes datant de 2019, malgré la disponibilité de meilleures estimations montrant «que les coûts de l'avion avaient déjà augmenté de manière substantielle».
L'audit indique que les problèmes liés à la pandémie mondiale, tels que l'emballement de la consommation d'eau et d'énergie, ne sont pas pris en compte.
Les députés de l'opposition ont utilisé les rapports de la VG comme des arguments politiques et ont lancé des attaques contre les ministres du précédent gouvernement.
Lors d'une conférence de presse à Ottawa mardi, le chef conservateur Pierre Poilievre a qualifié tout cela de preuve d'«incompétence» et de «gaspillage» des libéraux, attaquant le gouvernement précédent et l'actuel.
«Des ministres qui sont toujours dans le cabinet, qui ont gaspillé de l'argent et qui ont échoué dans leurs responsabilités envers les Canadiens avec des coûts et des conséquences sérieuses», a-t-il argué.
Le chef par intérim du Nouveau Parti démocratique (NPD), Don Davies, a quant à lui déclaré que l'audit des F-35 révèle un «gâchis» mal géré, et a ajouté qu'il était temps de reconsidérer les solutions de rechange.
«Le prix est double. Nous n'avons pas assez de pilotes. Nous n'avons pas d'espace de hangar pour les accueillir. Et cela risque de nous intégrer davantage à l'armée américaine, à un moment où le premier ministre Carney a fait campagne contre cette même idée», a-t-il souligné.
Le ministre de la Défense, David McGuinty, a déclaré que des dizaines d'autres alliés de l'OTAN avaient connu les mêmes problèmes liés à la flambée des coûts des avions, principalement due à l'impact de la pandémie sur les chaînes d'approvisionnement.
«De toute évidence, nous avons constaté une pression inflationniste sur les matériaux, les chaînes logistiques, les fournitures, la construction et l'ingénierie», a-t-il déclaré aux journalistes mardi. «Non seulement le Canada, tout comme les États-Unis, a été profondément touché par la pandémie, mais tous les partenaires de l'OTAN ont dû composer avec les effets de la pandémie sur l'acquisition et le développement du F-35», a-t-il ajouté.
La vérificatrice générale a reconnu qu'Ottawa avait peu de contrôle sur ce genre de facteurs.
Elle a toutefois précisé que d'autres facteurs qui font grimper les prix et empêchent la mise en service des avions étaient «bien sous le contrôle du gouvernement». Parmi ceux-ci figurent les retards dans la construction d'installations sécurisées pour abriter les avions et le manque de formation de pilotes, un problème contre lequel Mme Hogan avait mis en garde le gouvernement il y a plus de six ans.
«Il s'agit d'un projet de très longue haleine et, pour être prêt à recevoir ces avions, il faut trouver des solutions pour combler le manque de pilotes qualifiés et préparer les infrastructures, a insisté Karen Hogan lors d'une conférence de presse mardi. Pour l'instant, les mesures provisoires ne feront qu'engendrer des coûts supplémentaires.»
La construction de deux nouvelles installations pour les escadrons de chasse, à Cold Lake (Alberta) et à Bagotville (Québec), accuse un retard de trois ans. Le rapport indique que les installations ne seront pas prêtes avant au moins 2031, car le ministère doit «refaire des éléments importants» de leur conception.
Le ministère a commencé à planifier les nouvelles installations en 2020, avant que le gouvernement n'ait retenu le F-35. Cet avion comporte d'importantes exigences en matière de sécurité des infrastructures.
«Les coûts liés à l'élaboration d'une solution provisoire pour soutenir les nouveaux avions à réaction augmenteront encore les dépenses d'infrastructure», prévient le rapport de la VG.
Le rapport indique que le programme F-35 ne comporte pas de mesures pour minimiser les risques et que le ministère n'a pas élaboré de plans d'urgence robustes. Il souligne aussi que le ministère a identifié les dépassements de coûts liés à l'inflation et aux fluctuations monétaires comme des risques à surveiller, mais que les plans de suivi de ces risques n'ont jamais été approuvés par les responsables.
Le Canada manque toujours de pilotes qualifiés pour piloter cet avion de pointe, malgré les avertissements reçus en 2018.
Le rapport est publié alors que le programme d'achat est étudié actuellement, à la demande du premier ministre Mark Carney, afin d'examiner d'éventuelles solutions de rechange au F-35 de fabrication américaine. Il a ordonné cet examen en réponse à la guerre commerciale du président américain, Donald Trump, avec le Canada.
Le ministre McGuinty a déclaré que son ministère avait clairement indiqué qu'il rendrait publics les résultats de son examen au cours de l'été.
Stephen Saideman, directeur du Réseau canadien sur la défense et la sécurité, a souligné que l'audit accentuait l'importance politique de l'examen du programme, mais qu'il était peu probable qu'il ait une incidence sur le résultat final.
«La publication de ces résultats va obliger le gouvernement à en faire toute une histoire, d'une manière ou d'une autre, mais je ne pense pas que la modification du prix changera quoi que ce soit à notre décision», a-t-il estimé.
«Si je devais me risquer à une supposition, ils opteront pour le F-35 malgré tout le reste, car c'est un pari sur le bon fonctionnement de la démocratie américaine et sur le remplacement éventuel de Donald Trump (…) par quelqu'un de moins hostile envers ses alliés.»
M. Saideman a mentionné que ce n'était pas nécessairement une mauvaise chose que les coûts du programme explosent au moment même où le Canada tente désespérément d'augmenter rapidement ses dépenses militaires pour apaiser ses alliés frustrés.
L'audit relève qu'à la fin du dernier exercice financier, en mars, la Défense nationale a affecté 935 millions $ au gouvernement américain pour les quatre premiers avions et les articles connexes nécessaires à la production de huit autres appareils. On indique qu'environ 197 millions $ ont déjà été versés.
De plus, la Défense nationale a dépensé 516 millions $ supplémentaires pour le projet, dont 270 millions $ en coûts d'infrastructure.
Le gouvernement libéral a annoncé en 2017 son intention d'acheter 88 nouveaux avions de chasse. Le Canada a signé un contrat avec Lockheed Martin pour les F-35 en 2023.
Ces avions modernes sont nécessaires pour remplacer la flotte vieillissante de CF-18 du Canada, qui approche de la fin de sa durée de vie utile.
Selon le rapport, le bureau du Programme d'avions de combat interarmées a mené diverses évaluations qui ont révélé des «problèmes importants», comme «l'insuffisance du personnel technique ministériel pour assurer l'entretien de l'équipement de soutien des CF-18 Hornet et des CF-35A pendant la transition».
Le ministère a élaboré un plan d'urgence pour exploiter l'avion à partir d'installations temporaires, mais ce plan s'est avéré insuffisant, car il était incomplet et ne proposait «aucune mesure ni estimation des coûts».
Dans sa déclaration, le ministre McGuinty a expliqué que le gouvernement continuera «de collaborer étroitement avec (ses) partenaires pour gérer activement les coûts pendant la durée du projet, dans le but de garantir que le meilleur rapport qualité-prix soit offert à la population canadienne».
«Il est primordial de noter que le Canada a besoin d’avions de chasse pour protéger la souveraineté de l’espace aérien nord-américain, ainsi que veiller à la sûreté et à la sécurité des Canadiens et Canadiennes.»
La livraison des avions de chasse est prévue entre 2026 et 2032. Au cours des deux prochaines années, les huit premiers seront envoyés à une base de l'armée de l'air américaine en Arizona, où des pilotes canadiens seront formés à leur pilotage. Les autres seront livrés au Canada à partir de 2028.