Début du contenu principal.
«Près d’un enfant sur cinq est pris en charge par les services de protection de la jeunesse au Nunavik.»
Les enfants et les familles inuits ne reçoivent pas les services sociaux et de protection de la jeunesse auxquels ils ont droit, conclut la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) dans un bilan rendu public vendredi.
Même si des programmes et initiatives ont été instaurés dans les dernières années, la protection des enfants continue à ne pas être pleinement garantie et des actions immédiates et concertées du gouvernement, en collaboration avec les autorités inuites, sont nécessaires, selon la Commission.
Ce rapport, qui revient sur les recommandations formulées dans une enquête réalisée en 2007, identifie les problématiques qui persistent et celles qui s’aggravent ainsi que leurs effets dévastateurs sur les enfants. Il en ressort notamment l’urgence de repenser les services en fonction des besoins des enfants inuits et de leurs familles, de combler le manque de main-d’œuvre et d’augmenter le rythme de la construction résidentielle.
«Près d’un enfant sur cinq est pris en charge par les services de protection de la jeunesse au Nunavik. C’est inacceptable», a déclaré le président de la Commission, Philippe-André Tessier, dans un communiqué. C’est une proportion six fois plus élevée que celle observée à l’échelle du Québec.
«Nous constatons que plusieurs enjeux identifiés dans notre enquête de 2007 sont toujours d’actualité. L’efficacité des actions structurantes mises en place est limitée par d’importantes problématiques liées entre autres aux conditions de vie des enfants et des familles et à l’insuffisance des ressources humaines dans les services sociaux», a ajouté M. Tessier.
La Commission souligne que «tout doit être fait pour éviter que les enfants se retrouvent sous la responsabilité des directions de la protection de la jeunesse et, lorsque c’est le cas, les enfants et les familles doivent avoir pleinement accès aux services auxquels ils ont droit».
La vice-présidente de la Commission, Suzanne Arpin, souhaite que ce bilan serve «à alerter la population» à propos de la dure réalité des enfants au Nunavik.
«Ça fait plusieurs années qu’on espère que ça aille mieux. J’aimerais que la Commission ne soit pas obligée de faire une autre enquête systémique pour constater de nouveau que les choses n’ont pas avancé et qu’il y a même eu des reculs. J’espère que ce bilan servira à alerter la population sur ce qui se passe chez les enfants du Nunavik.
«Les conditions dans lesquelles vivent les enfants au Nunavik seraient totalement inacceptables pour des enfants qui seraient à Montréal, à Gaspé ou à Saguenay. Les gens déchireraient leurs chemises, mais c’est souvent le silence radio au Nunavik. On espère que le bilan va donner un petit coup d’impulsion pour qu’on regarde le Nunavik, qu’on le voit», a-t-elle indiqué en entrevue à La Presse Canadienne.
Selon elle, le nœud du problème est l’incompréhension des «gens du sud» à l’égard des habitants du Nord-du-Québec, ce qui «fait en sorte que beaucoup trop d’enfants sont pris en charge par le Directeur de la protection de la jeunesse».
«Ce qui ressort de nos différentes enquêtes au Nunavik, c’est une incompréhension de la culture inuite, de la structure sociale des Inuits et de leur façon de prendre soin des enfants. Les intervenants arrivent majoritairement du sud du Nunavik, ce sont des allochtones, et ils arrivent avec leur bagage du sud pour analyser des situations qui sont complètement différentes des référents qu’ils ont. Ils analysent avec des grilles d’analyse du sud, mais qui ne fonctionnent pas au Nunavik», a expliqué Mme Arpin.
Elle croit que les Inuits doivent décider eux-mêmes des solutions pour améliorer la situation.
«Il faut respecter leur autodétermination. On n’a pas besoin d’interférer dans la façon dont ils souhaitent protéger leurs enfants. Les Inuits sont à même de prendre soin de leurs enfants dans des structures qu’ils auront décidées.»
Elle soutient qu’il faut repenser collectivement tous les services en fonction des besoins des enfants et des familles inuits et non pas selon ce qui se fait ailleurs dans la province.
«Il est souhaitable que les Inuits prennent en charge les services sociaux et en première ligne, ils sont les mieux placés. Les problèmes partent beaucoup de là. On fait tout à leur place et après on se demande pourquoi ils ne sont pas satisfaits. Il faut d’abord leur demander ce dont ils ont besoin.»