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En 1998, quand des journaux canadiens ont été confrontés à un nouveau type de concurrence avec l'arrivée du National Post, qui a placé les entreprises médiatiques dans une concurrence acharnée pour gagner le plus de lecteurs, d'annonceurs et de primeurs, le Globe and Mail a embauché Phillip Crawley.
Vétéran de la presse originaire de Northumberland, dans le nord-est de l’Angleterre, M. Crawley est débarqué à Toronto prêt à se battre dans la guerre des journaux à venir. Après près de six décennies de carrière dans le journalisme, dont 25 ans en tant que PDG et éditeur du Globe, M. Crawley, 79 ans, a complété jeudi son dernier jour à la tête du journal.
Celui-ci passe le flambeau à l'ancien directeur des ventes Andrew Saunders, qui, selon lui, est bien placé pour relever les défis auxquels le journal sera confronté dans les années à venir. Il a attribué à M. Saunders le mérite d'avoir négocié des ententes ces dernières années avec des entreprises technologiques telles que Apple, Google et la société mère de Facebook, Meta, tout comme plusieurs organes de presse ces dernières années, dont La Presse Canadienne.
M. Crawley estime que l'expérience sera essentielle alors que le journal devra faire face à une situation critique et inédite : l'impasse en cours entre le gouvernement fédéral et Meta et Google au sujet de sa loi sur les informations en ligne.
La législation appelle ces entreprises à rémunérer les médias pour les liens apparaissant sur leurs plateformes. Meta a bloqué les informations canadiennes en réponse et Google pourrait faire de même.
«La question de la réglementation gouvernementale est certainement l'un des problèmes les plus importants auxquels notre industrie est confrontée, croit M. Crawley. Si cela fait en sorte que Google et Facebook se détournent de l'information, alors notre industrie dans son ensemble aura un très gros problème.»
L'adaptation aux défis et aux nouvelles occasions suscitées par les progrès technologiques caractérise en grande partie le mandat de direction de M. Crawley.
Il a travaillé pour le Times Supplements et le Daily Telegraph à Londres, le South China Morning Post à Hong Kong et le New Zealand Herald avant d'arriver au Canada en 1998.
«J'ai été amené ici par les Thomson pour être le nouvel éditeur et PDG parce qu'ils voulaient quelqu'un qui avait l'expérience des marchés concurrentiels… pour défendre la franchise, le Globe and Mail face à l'arrivée du Post, relate-t-il. C'était une guerre de journaux.»
Crawley a qualifié la bataille journalistique du début des années 2000 de «travail très mouvementé» qui a duré deux ou trois ans et qui, à bien des égards, a nui à l'industrie. La guerre des journaux a vu le Post, le Globe et d'autres concurrents, comme le Toronto Star, perdre leurs revenus au milieu d'un terrain de jeu élargi.
«C'était une période où il y avait une concurrence féroce du côté du journalisme et du côté commercial, se souvient Crawley. Et c'était avant que la plupart des gens ne comprennent vraiment ce que l'ère numérique allait apporter.»
En plus de son rôle d'éditeur du Globe and Mail, M. Crawley a été le plus ancien président du conseil d'administration de La Presse Canadienne. Il a occupé ce poste de 2007 à 2009, lorsque la PC était une organisation coopérative, puis comme coprésident à partir de 2010, lorsque l'agence de presse est devenue une entreprise privée (La Presse canadienne appartient à un partenariat entre Torstar Corp. et des filiales du Globe and Mail et de La Presse de Montréal). Il a pris sa retraite du conseil d'administration le mois dernier après avoir présidé sa dernière réunion.
Aujourd'hui, le Globe compte près de 250 000 abonnés au format numérique, dépassant de loin ses 90 000 abonnés au format papier. M. Crawley a attribué la croissance numérique de l'entreprise, en partie, au fait d'avoir été un «pionnier» alors que les lecteurs ont migré en ligne avec les articles de presse.
Mais du côté rédactionnel, le Globe et bon nombre de ses concurrents ont été plus lents à s’adapter.
Le Globe a expérimenté des chroniques payantes au milieu des années 2000 avant de revenir sur cette décision. Il a fallu attendre 2010, lorsque le New York Times a lancé un modèle payant, pour que le concept se répande plus largement. Le Globe a mis en place son mur payant deux ans plus tard.
M. Crawley voit dans ce décalage l'un de ses principaux regrets.
Il a toujours eu le sentiment fort que «si on produit un contenu suffisamment bon, si on obtient quelque chose qui est exclusif, on publie des histoires, on donne un bon aperçu et de bons commentaires, et les gens seraient prêts à payer ».
Mais les journaux du pays sont bien plus petits qu’ils ne l’étaient auparavant. M. Crawley croit que les réductions dans le secteur éditorial de l'entreprise sont «autant responsables du déclin de notre industrie que toute autre chose».