Justice

La saga Hassan Diab de A à Z

Le sociologue libano-canadien et ancien professeur à l'Université d'Ottawa pourrait devoir faire face à la justice française pour des crimes datant de plus de 40 ans dont il a été absous.

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Hassan Diab, lors d'une conférence de presse en 2019. Hassan Diab, lors d'une conférence de presse en 2019. (Justin Tang | La Presse canadienne)

Ce contenu a été rédigé avant la condamnation d'Hassan Diab, le 21 avril 2023.

Hassan Diab, un sociologue libano-canadien et ancien professeur à l'Université d'Ottawa, pourrait devoir faire face à la justice française pour des crimes datant de plus de 40 ans dont il a été absous.

Il y a huit ans, le 14 novembre 2014, M. Diab a été extradé puis incarcéré en France. Il était soupçonné d’avoir participé à l’attentat à la bombe de la rue Copernic qui a fait quatre morts et des dizaines de blessés, dans le 16e arrondissement de Paris, le 3 octobre 1980.

L’attentat était dirigé contre la synagogue de l’Union libérale israélite de France.

«Il a passé 38 mois, soit trois ans et trois mois, dans une prison française, souvent en isolement solitaire», a rapporté l’ex-secrétaire général de la section canadienne d’Amnistie internationale, Roger Clark, lors d’une conférence de presse.

L’un des juges avait soutenu que les possibilités de démontrer la culpabilité de M. Diab dans «le contexte d’un procès juste et équitable» étaient peu probables. Malgré ses propres arguments, ce dernier  a tranché qu’il était nécessaire d’aller de l’avant avec l’extradition d’Hassan Diab.

Théorie de la note écrite

L’enquête initiale, réalisée immédiatement après l’attentat, a mené la police à conclure que la bombe avait été posée sur une motocyclette stationnée à l’extérieur de la synagogue. Cette motocyclette avait été vendue le 23 septembre 1980 à un homme utilisant le pseudonyme «Alexander Panadriyu», selon un examen indépendant sur l’extradition d’Hassan Diab publié en 2019.

Alexander Panadriyu avait écrit cinq mots en lettres moulées sur une fiche d’inscription lors de la transaction: PANADRIYU, ALEXANDER, LANARCA, TECHNICIEN et CHYPRE.

Cette note a mené les autorités françaises à tisser des liens jusqu’à Hassan Diab. Cependant, la preuve présentée par la France était seulement circonstancielle. Elle était notamment constituée d’une copie de l’ancien passeport de M. Diab, des témoignages, des descriptions de témoins oculaires, des portraits-robots ainsi qu’une analyse comparative graphologique préparée par un expert français sur la note écrite par Alexander Panadriuy.

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La théorie de la France était qu’Hassam Diab était vraisemblablement l’auteur de cette note écrite et donc le responsable de l’attentat de la rue Copernic. C’est d’ailleurs cette note qui a fait pencher la balance et qui a mené à son extradition, en 2014.

Aujourd’hui, cette théorie liant Hassam Diab à la note écrite par Alexander Panadriuy a été discréditée par des experts internationaux, ainsi qu’un expert appelé par la Cour d’appel, en France, a rapporté M. Clark.

«Sans cette “preuve” Hassan n’aurait jamais été extradé, il n’aurait jamais enduré les tourments des 15 dernières années, et il serait libéré de l’anxiété vécue par lui et sa famille», a-t-il soutenu.

Retour au Canada

Après tout ce temps derrière les barreaux, M. Diab n’a jamais été officiellement accusé et n’a subi aucun procès.

«Les juges responsables de son dossier ont conclu qu’il n’existait pas de preuve pouvant justifier une poursuite judiciaire contre Hassan», a poursuivi M. Clark, qui est également un membre de l’Ordre du Canada.

Le sociologue a été par la suite libéré et a quitté la France pour retourner au Canada, le 15 janvier 2018.

Procès en avril et pression sur Ottawa

Malgré le refus de la théorie de la note écrite, la Cour d’appel française a ordonné la tenue d'un procès, qui devrait avoir lieu en avril 2023.

«La peur est amplifiée par le silence du gouvernement fédéral concernant la demande de protection contre une potentielle extradition. Pourquoi refusent-ils de parler? Vont-ils autoriser une autre demande d’extradition?», s’est questionnée Jo Wood, membre du Hassan Diab Support Committee, lors de la conférence de presse.

Cette nouvelle menace judiciaire vient avec des obligations financières «qui semblent impossibles à atteindre», a poursuivi Mme Wood.

Cependant, l’espoir existe pour Hassan Diab et d’autres Canadiens qui sont dans une situation similaire. Le comité de la justice de la Chambre des communes s’apprête à revoir le système d’extradition du Canada — une décision bien accueillie par les critiques qui réclament depuis longtemps des réformes du processus d’envoi de personnes devant être incarcérées et poursuivies à l’étranger.

Des experts juridiques et des droits de la personne affirment que les procédures d’extradition du Canada ont besoin d’une refonte en profondeur pour garantir l’équité, la transparence et un équilibre entre un désir d’efficacité administrative et des protections constitutionnelles vitales.

Jusqu’à aujourd’hui, M. Diab nie toute implication et ses partisans soutiennent depuis longtemps qu’il existe une abondance de preuves démontrant son innocence. Ses supporteurs veulent que le gouvernement Trudeau refuse catégoriquement toute nouvelle demande d’extradition de la France.

Bien que les dates d’audience n’aient pas encore été fixées, le comité prévoit entendre des témoins lors d’au moins trois séances qui pourraient commencer avant la fin de l’année.

Avec des informations de Jim Bronskill de la Presse canadienne.