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La menace de grève pourrait faire fuir davantage de clients de Postes Canada

Le syndicat a appelé jeudi soir à l'arrêt national de tout travail au-delà de huit heures par jour et de 40 heures par semaine, précisant que les négociateurs continueront d'examiner les dernières offres contractuelles de Postes Canada.

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Grève du temps supplémentaire commencée chez Postes Canada MTLNI-PostesTempssupp2305

Les clients de Postes Canada pourraient subir des retards, car des dizaines de milliers de travailleurs renoncent aux heures supplémentaires. Une perturbation bien plus importante a toutefois été évitée grâce au retrait du syndicat d'une menace de grève.

Néanmoins, la possibilité d'une escalade des mesures de grève pourrait continuer d'effrayer les clients qui ont retiré leurs envois au cours des dernières semaines, ce qui réduirait encore davantage le volume d'activité de l'organisation à court d'argent.

«J'ai peur pour l'avenir», a témoigné Dustin Ellis, un facteur d'Edmonton, en Alberta, récemment parti en congé pour étudier en vue d'une nouvelle carrière en travail social.

Il a ajouté que le syndicat devrait faire preuve de plus de flexibilité sur des points importants, comme le travail à temps partiel la fin de semaine et l'«acheminement dynamique», où le parcours des facteurs peut varier d'un jour à l'autre.

«Ils estiment que tout le monde devrait travailler à temps plein. Ce n'est tout simplement pas la réalité du monde actuel», a mentionné cet employé depuis 11 ans.

Le syndicat a appelé jeudi soir à l'arrêt national de tout travail au-delà de huit heures par jour et de 40 heures par semaine, précisant que les négociateurs continueront d'examiner les dernières offres contractuelles de Postes Canada.

La baisse des volumes de lettres et de colis ces dernières semaines a probablement facilité la gestion de la charge de travail, malgré le boycottage des heures supplémentaires, selon Ian Lee, professeur de commerce à l'Université Carleton.

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«Je pense qu'il y a très peu d'heures supplémentaires», a-t-il indiqué à propos des facteurs.

Depuis la réception d'un avis de grève du syndicat lundi, la société d'État a livré 1,3 million de colis de moins, soit environ 50 %, qu'à la même période l'an dernier, a-t-elle indiqué dans un courriel.

«Les clients ont choisi d'autres fournisseurs de services de livraison ou ont annulé des envois pour éviter que leurs articles ne soient bloqués par une autre interruption», a déclaré la porte-parole Lisa Liu.

Toute baisse des ventes s'ajoutera toutefois aux pertes d'exploitation de plus de 3,8 milliards $ que la société d'État a subies de 2018 à septembre 2024.

Depuis, le déficit n'a fait que s'accroître, a mentionné M. Lee, évoquant une grève de 32 jours qui a pris fin à la mi-décembre et un prêt fédéral d'un milliard de dollars le mois suivant.

Des réformes draconiennes requises

Les grandes entreprises ont contacté leurs clients pour leur demander de passer au numérique. Une fois ce virage effectué, certains clients pourraient ne plus revenir en arrière.

«Les banques le font. J'en ai reçu un de la TD pour ma carte Visa : 'Nous vous invitons à nous contacter immédiatement pour passer aux relevés électroniques'», a expliqué M. Lee, paraphrasant un courriel récent.

Postes Canada doit rendre des comptes après qu'un rapport publié la semaine dernière a révélé qu'elle était en faillite et qu'elle avait besoin de réformes draconiennes, comme des employés à temps partiel le week-end, la fermeture de bureaux de poste et un «acheminement dynamique» plutôt que les itinéraires fixes que les travailleurs empruntent quotidiennement.

Le déclin du courrier perdure depuis près de deux décennies, pesant sur les finances de la société d'État. En 2023, le ménage moyen recevait deux lettres par semaine, en baisse par rapport à sept en 2006, selon les chiffres de Postes Canada.

Alors que le nombre de lettres livrées a chuté de 55 %, passant de 5,5 milliards par an à 2,2 milliards au cours de la même période, le nombre d'employés syndiqués n'a diminué que de 7 %, pour s'établir à 55 813, selon les rapports annuels.

Du côté positif pour les expéditeurs et les destinataires, les livraisons pourraient ne pas accuser de retard important, malgré l'avertissement de Postes Canada selon lequel «les clients pourraient subir des retards».

«Il n'est pas nécessaire de faire des heures supplémentaires, car la demande pour les services de ces travailleurs a chuté de façon spectaculaire», a affirmé M. Lee.

Les chiffres relatifs aux envois de colis brossent un tableau tout aussi sombre.

Selon son rapport annuel 2023, la part de marché du service postal dans le transport de colis a chuté à 29 %, par rapport à 62 % avant la pandémie de COVID-19, Amazon et d'autres concurrents profitant de la forte demande de livraisons à domicile le lendemain.

Une grève d'un mois pendant la haute saison des expéditions, avant les vacances d'hiver l'année dernière, et la possibilité persistante d'une nouvelle perturbation ont poussé certains expéditeurs à recourir à des services de messagerie privés.

«Nous entendons de plus en plus de clients dire 'J'aimerais communiquer avec vous parce que je veux m'assurer d'avoir des solutions de rechange'», a souligné Jean-Daniel Gervais, responsable du développement des affaires chez Intelcom, une entreprise de messagerie montréalaise connue hors du Québec sous le nom de Dragonfly.

Le syndicat a soutenu dans un courriel que Postes Canada a tenté de «semer la peur parmi les employés, les entreprises, le gouvernement et le public» quant aux conséquences d'une grève.

Il prévoit rencontrer Postes Canada et des médiateurs fédéraux cette fin de semaine afin de parvenir à une entente.

De retour à Edmonton, Dustin Ellis a demandé au syndicat de tenir un vote sur la dernière offre de Postes Canada, qui comprend une augmentation salariale de près de 14 % sur quatre ans. Les facteurs gagnent généralement entre 21 $ et 31 $ l'heure, a-t-il dit.

«Votons sur une convention collective, a-t-il déclaré. Laissons la démocratie prévaloir.»

Christopher Reynolds

Christopher Reynolds

Journaliste