Quelques semaines après que le premier ministre Mark Carney a aboli la taxe fédérale sur le carbone, plus de la moitié des Québécois souhaitent que leur province suive l'exemple et abolisse sa propre tarification du carbone, selon un nouveau sondage.
Publié mardi, le sondage Léger révèle également qu'une majorité de Québécois sont favorables à la construction d'un pipeline traversant la province pour transporter le pétrole ou le gaz de l'Ouest canadien vers les marchés internationaux.
Voyez le reportage de Jean-François Poudrier dans la vidéo ci-haut.
Ce sondage témoigne de l'évolution de l'opinion publique sur les questions environnementales au Québec, où il existe depuis longtemps un large consensus en faveur de la tarification du carbone et contre les pipelines.
Le Québec affiche des prix de l'essence parmi les plus élevés au pays depuis avril, lorsque M. Carney a mis fin à la taxe sur le carbone qui s'appliquait dans la plupart des provinces. La Colombie-Britannique a également rapidement aboli sa propre taxe sur le carbone, faisant du Québec la seule province à demeurer pleinement engagée dans la tarification du carbone.
Selon le sondage réalisé pour les médias de Québecor, 56 % des répondants estiment que le Québec devrait mettre fin à son système de tarification du carbone. Cela comprend une majorité de partisans de tous les principaux partis politiques de la province, à l'exception de Québec solidaire. Seuls 28% des personnes interrogées ont déclaré que la province devrait maintenir sa tarification du carbone, tandis que 15 % ne savaient pas ou ont refusé de répondre.
Une majorité encore plus importante– 68 % – a déclaré que le coût de la tarification du carbone devrait être clairement indiqué sur les reçus des stations-service, ce qui n'est pas le cas actuellement. Le système de plafonnement et d'échange ajoute environ 10 cents par litre au prix de l'essence.
Disparités entre le Québec et les autres provinces
Ce sondage survient alors que Statistique Canada rapporte que la baisse des prix de l'essence a fait baisser l'inflation dans toutes les provinces, sauf au Québec, en avril. Mardi, l'agence a indiqué que le rythme annuel de l'inflation au Canada s'est ralenti à 1,7 % le mois dernier, contre 2,3 % en mars, principalement en raison de la suppression de la tarification du carbone à la consommation. Cependant, au Québec, le taux d'inflation annuel a augmenté de 0,3 point de pourcentage par rapport à mars pour atteindre 2,2 % en avril.
Selon le site web GasBuddy.com, le Québec affichait mardi le prix moyen de l'essence le plus élevé de toutes les provinces, à l'exception de la Colombie-Britannique, et un prix moyen supérieur de plus de 20 cents par litre à celui de l'Ontario.
En réponse, le Parti québécois a appelé le gouvernement à réduire «l'écart inéquitable» entre le prix de l'essence au Québec et dans les provinces voisines. Le chef du Parti, Paul St-Pierre Plamondon, a déclaré que le gouvernement disposait de plusieurs options pour réduire cette disparité, notamment en réduisant les taxes sur les carburants et les taxes de vente.
Le Québec, a-t-il ajouté, pourrait également reverser une partie des recettes du marché du carbone aux contribuables. Actuellement, ces fonds sont versés au Fonds d'électrification et de lutte contre les changements climatiques du Québec, qui les investit dans des programmes de réduction des émissions.
Cependant, M. St-Pierre Plamondon a déclaré qu'il serait coûteux d'abandonner le système de plafonnement et d'échange de droits d'émission du Québec, lié à celui de la Californie. «Il y a plusieurs options pour harmoniser le prix à la pompe entre les provinces, mais sortir du marché du carbone serait l'option la moins intelligente d'un point de vue coût-bénéfice», a-t-il écrit dans une motion publiée sur les réseaux sociaux.
Le Parti québécois (PQ), tout comme Québec solidaire (QS) et le Parti libéral du Québec (PLQ), s'entendent cependant pour conserver la bourse du carbone.
«Ce qui est important, c'est qu'on ne peut pas se priver de l'éco fiscalité qui est une façon de s'assurer de contrer la crise climatique et d'y répondre parce que ça va nous coûter cher», a rapporté Ruba Ghazal, co-porte-parole de QS.
Le ministre de l'Environnement, Benoît Charette, n'est pas prêt, lui non plus, à tourner le dos au système de tarification.
Le nouveau sondage révèle également que 55 % des répondants pensent qu'il serait judicieux de relancer un projet de pipeline traversant le Québec pour exporter du pétrole ou du gaz de l'Ouest canadien. En revanche, ce serait une mauvaise idée selon 26% des répondants, tandis que 19 % ne savaient pas ou ont refusé de répondre. L'idée est particulièrement mal reçue chez les jeunes entre 18 et 34 ans, qui désapprouvent à 40%.
Le premier ministre du Québec, François Legault, a répété à maintes reprises que la province était plus ouverte aux pipelines depuis le début de la guerre commerciale du président américain, Donald Trump. S'exprimant à l'Assemblée nationale mardi, M. Legault a déclaré que la province pourrait appuyer un oléoduc ou un gazoduc s'il présente des avantages pour les Québécois, mais a affirmé qu'il n'investirait aucun argent public dans un tel projet.
«S'il y a des retombées pour le Québec, je pense que oui, on pourrait être ouvert à ce que les Québécois fassent de l'argent avec un tel oléoduc ou gazoduc, a-t-il déclaré. Nous, de notre côté, contrairement à Québec solidaire, on n'est pas dogmatique, on est d'accord avec ça, que le Québec fasse de l'argent».
Le sondage a été réalisé par Léger auprès de 1051 personnes entre le 9 et le 11 mai, en ligne. Aucune marge d'erreur ne peut être attribuée aux sondages réalisés en ligne.

