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Le projet de loi 28 visant à mettre fin à l'état d'urgence sanitaire au Québec est accueilli avec scepticisme, d'aucuns y voyant une forme de «mascarade» et même de «supercherie».
Le projet de loi 28 visant à mettre fin à l'état d'urgence sanitaire au Québec est accueilli avec scepticisme, d'aucuns y voyant une forme de «mascarade» et même de «supercherie».
C’est qu’au moment de présenter son projet de loi mercredi, le ministre de la Santé, Christian Dubé, a confirmé que le gouvernement conservait des pouvoirs extraordinaires jusqu’au 31 décembre 2022.
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Il a expliqué qu’en cas de sixième vague, il voulait pouvoir continuer de faire appel à différents vaccinateurs, en plus d’avoir accès à certaines données et de maintenir des contrats qui ont été conclus pendant la pandémie.
« On a besoin du projet de loi pour s’assurer d’une transition que j’appellerais prudente et responsable », a plaidé M. Dubé en conférence de presse, alors qu’à l’extérieur, les critiques commençaient à fuser de toutes parts.
Pour la cheffe libérale Dominique Anglade, le projet de loi 28 est une «mascarade», tandis que le chef du Parti conservateur du Québec, Éric Duhaime, le qualifie de «trompe-l'oeil».
«Ce projet de loi est une supercherie, a renchéri le porte-parole de Québec solidaire en santé, Vincent Marissal. Il n’y a rien qui change. Le gouvernement a les mêmes pouvoirs entre les mains.»
Décrété le 13 mars 2020, l’état d’urgence sanitaire a donné les pleins pouvoirs au gouvernement Legault, qui a contourné les conventions collectives en santé et octroyé des contrats sans appel d’offres, notamment.
Cette façon de gérer le Québec a été maintes fois décriée au cours des deux dernières années par les partis d’opposition et plusieurs experts, qui y ont vu une forme d’abus de pouvoir et de déni de la démocratie.
Ils en veulent pour preuve l’octroi de 13 milliards $ en contrats de gré à gré depuis mars 2020, selon des données recensées par Le Journal de Montréal.
Rien dans le projet de loi n’empêcherait le gouvernement de continuer d’attribuer des contrats sans appel d’offres, même si M. Dubé a donné mercredi « l’assurance morale » qu’il ne le fera pas.
«On ne s’en servira pas, a-t-il dit. La plus grande assurance que je peux donner aux Québécois, c’est (...) une assurance morale. On ne veut plus en faire, on n’en a plus besoin.»
Cette assurance morale n’a pas semblé rassurer le chef du Parti québécois. «Évidemment que c’est une grande inquiétude puis que ce n’est pas acceptable», a réagi Paul St-Pierre Plamondon en point de presse.
«La vraie fin de l’urgence sanitaire, ce sera lorsque le gouvernement aura accepté d’abandonner les pouvoirs extraordinaires qu’il a pris durant la pandémie, notamment d’octroyer des contrats à qui il veut», a-t-il insisté.
Par ailleurs, de nombreux syndicats sont sortis sur la place publique, mercredi, pour dénoncer ce qu’ils perçoivent comme étant de l’autoritarisme.
«Le gouvernement veut garder tous ses pouvoirs de décréter comme il l’entend les conditions de travail du personnel», se sont inquiétés des représentants de la FSSS-CSN, de la FSQ-CSQ, de la FIQ et de la FIQP, du SQEES-FTQ, du SCFP, de l’APTS, de la FP-CSN et du SPGQ.
Même déception du côté de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), qui qualifie le projet de loi 28 d’« opération marketing».
«Nous pensions assister au retour tant attendu de plusieurs droits qui avaient été brimés, mais nous constatons un prolongement d’un mode de gouvernance par décret », a réagi son président, Éric Gingras.
Le président de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), Daniel Boyer, a accusé le gouvernement de parler « des deux côtés de la bouche », c’est-à-dire d’annoncer la fin de l’urgence sanitaire tout en maintenant les mesures jusqu’au 31 décembre.
Le projet de loi 28, qui ne compte que huit articles, prévoit que les mesures qui ont été prises par décret et qui sont en vigueur le demeureront jusqu’au 31 décembre 2022.
Il autoriserait toutefois le gouvernement à modifier ou abroger un décret, ou un arrêté, afin de permettre l’allègement graduel des mesures.
Le projet de loi permettrait également au gouvernement d’ordonner à tout ministère ou organisme de lui donner accès immédiatement à un renseignement nécessaire pour la protection de la santé de la population, et ce, «même s’il s’agit d’un renseignement personnel ou confidentiel».
Par ailleurs, il prévoit que la durée de certains contrats qui ont été conclus pendant l’état d’urgence sanitaire pourra être prolongée jusqu’au 31 décembre 2022.
Ces contrats doivent être nécessaires « pour assurer le bon fonctionnement des cliniques de dépistage ou de vaccination », est-il écrit.
La durée ou la valeur de tout contrat lié à l’entreposage ou au transport de biens acquis pendant la pandémie de la COVID-19 pourra aussi être prolongée ou augmentée «jusqu’à ce que les stocks soient épuisés».
Toutefois, le projet de loi précise que la durée de ces contrats ne pourra excéder une période de cinq ans suivant la fin de l’état d’urgence sanitaire.
Quiconque contreviendrait à une mesure qui continue de s’appliquer, ou refuserait de communiquer un renseignement que le ministre est en droit d’exiger, serait passible d’une amende de 1000 $ à 6000 $.
Le projet de loi 28 devra être soumis à un examen détaillé en commission parlementaire avant d’être adopté.