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La Cour suprême souligne l'importance de protéger l'expression destinée à promouvoir la tolérance et le respect.
Une poursuite en diffamation intentée par un conseiller scolaire contre le président d'un syndicat d'enseignants ne devrait pas procéder, a déclaré vendredi la Cour suprême du Canada, dans un arrêt qui souligne l'importance de protéger l'expression destinée à promouvoir la tolérance et le respect.
Barry Neufeld, qui était conseiller scolaire à Chilliwack, en Colombie-Britannique, avait formulé des commentaires négatifs, en 2017, concernant la mise en œuvre d'un programme du ministère sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre dans les écoles de la province.
Dans une publication sur Facebook, M. Neufeld avait qualifié cette initiative d'«outil de propagande», qui enseigne la «théorie biologiquement absurde» selon laquelle «le genre n'est pas déterminé biologiquement, mais est une construction sociale». Le conseiller scolaire exprimait son soutien aux «valeurs familiales traditionnelles» et saluait les pays qui «avaient eu le courage de tenir tête à ces nihilistes culturels radicaux».
Glen Hansman, directeur à l'époque de la Fédération des enseignants, avait critiqué en entrevue les commentaires de M. Neufeld. M. Hansman, un enseignant homosexuel, a qualifié les opinions de M. Neufeld d'intolérantes et de sectaires. Il l'a accusé de porter atteinte à la sécurité et à l'inclusivité des élèves transgenres et 2SLGBTQ+, et il a mis en doute son aptitude au poste élu de commissaire.
Le conseiller scolaire a alors intenté une poursuite en diffamation. M. Hansman avait d'abord réussi à faire rejeter la plainte, invoquant la loi provinciale contre les poursuites-bâillons, qui vise à protéger le débat sur des questions d'intérêt public.
Le juge de première instance a conclu que M. Hansman avait «une défense valable de commentaire loyal» et que «la valeur de la protection de son expression l’emportait sur le préjudice causé» à M. Neufeld par cette expression.
Mais la Cour d'appel de la Colombie-Britannique a rétabli la poursuite en diffamation, affirmant que le tribunal de première instance avait commis une erreur de droit en concluant qu'il existait probablement une «défense valable de commentaire loyal» et en pesant les intérêts publics concurrents. Les juges en appel ont également estimé que le tribunal de première instance n'avait pas pris en compte l'effet dissuasif que les remarques de M. Hansman pourraient avoir sur le débat public.
Dans un arrêt six contre un, vendredi, la Cour suprême du Canada rétablit l'ordonnance initiale de première instance qui rejetait la poursuite en diffamation.
Écrivant pour la majorité, la juge Andromache Karakatsanis admet que le commissaire Neufeld critiquait seulement une politique et n'exprimait pas de haine envers la communauté transgenre, ou que ses paroles ne créaient pas un environnement dangereux pour les élèves transgenres.
«Mais ses arguments passent à côté de la question, ajoute la juge Karakatsanis. Le droit de M. Neufeld de critiquer une initiative gouvernementale n’est pas contesté. La question centrale est plutôt de savoir si M. Hansman avait le droit de répondre à M. Neufeld de la manière qu’il a choisie sans risquer d’engager sa responsabilité civile. À mon avis, il avait ce droit.
«Non seulement la protection de l’expression de M. Hansman préserve-t-elle la liberté de discussion sur des affaires d’intérêt public, mais elle favorise aussi l’égalité, une autre valeur démocratique fondamentale», conclut la Cour suprême.
Dans un communiqué publié par la Fédération des enseignants, M. Hansman espère que cette décision facilitera les choses pour quiconque prendra la défense d'une communauté marginalisée, «sans avoir à craindre des poursuites judiciaires en représailles».