Justice

La Cour suprême américaine permet l'expulsion de migrants ailleurs que dans leur pays d'origine

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6af7a781747219cb9dbfc538d8da840c3c0d872ab0bfefff257d94107e8b1146.jpg DOSSIER - Un agent des services de l'immigration et des douanes des États-Unis écoute une réunion d'information, le 27 janvier 2025, à Silver Spring, dans le Maryland. (The Associated Press)

Une Cour suprême divisée a autorisé lundi l'administration de Donald Trump à relancer les renvois rapides de migrants vers des pays autres que leur pays d'origine, levant pour l'instant une ordonnance exigeant qu'ils aient la possibilité de contester les expulsions.

La majorité de la Cour suprême n'a pas détaillé ses motifs dans cette brève ordonnance, comme cela est habituel dans ces affaires d'urgence. Les trois juges progressistes ont exprimé leur désaccord avec l'ordonnance.

Cette décision fait suite à l'embarquement de huit personnes par avion à destination du Soudan du Sud en mai. Le juge de district américain Brian E. Murphy, à Boston, a estimé que cela violait son ordonnance qui donnait aux personnes concernées la possibilité de faire valoir qu'elles risquaient d'être torturées si elles étaient envoyées ailleurs que leur pays d'origine.

Les migrants originaires du Myanmar, du Vietnam et de Cuba, notamment, avaient été condamnés pour des crimes graves aux États-Unis, et les autorités de l'immigration ont déclaré qu'elles n'étaient pas en mesure de les renvoyer rapidement dans leur pays d'origine.

Après l'intervention du juge Murphy, les autorités ont fait atterrir l'avion sur une base navale américaine à Djibouti. Les migrants y ont été hébergés dans un conteneur maritime aménagé. Les agents qui les surveillaient ont dû faire face à des conditions difficiles, tandis que les avocats spécialisés en immigration attendaient des nouvelles de leurs clients.

Cette affaire intervient dans un contexte de vaste répression de l'immigration menée par l'administration du président républicain Donald Trump, qui s'est engagée à expulser des millions de personnes vivant en situation irrégulière aux États-Unis.

Comme certains pays n'acceptent pas les expulsions américaines, l'administration a conclu des accords avec d'autres pays, dont le Panama et le Costa Rica, pour les héberger. Le Soudan du Sud, quant à lui, a subi des vagues de violence répétées depuis son indépendance en 2011.

Le décret du juge Murphy n'interdit pas les expulsions vers des pays tiers. Il stipule cependant que les migrants doivent avoir une réelle possibilité de faire valoir qu'ils risquent sérieusement d'être torturés s'ils sont renvoyés dans un autre pays.

Dans une dissidence cinglante de 19 pages, la juge Sonia Sotomayor a écrit que la décision de la Cour exposait «des milliers de personnes au risque de torture ou de mort».

«Le gouvernement a clairement indiqué, en paroles et en actes, qu'il se sentait libre d'expulser n'importe qui, où qu'il soit, sans préavis ni possibilité d'être entendu», a-t-elle écrit dans son opinion dissidente, à laquelle se sont joints les juges Elena Kagan et Ketanji Brown Jackson.

Les juges ont été confrontés à un problème similaire dans la tentative de Donald Trump d'envoyer des Vénézuéliens accusés d'appartenir à des gangs dans une prison tristement célèbre du Salvador, avec peu de possibilités de contester ces expulsions devant les tribunaux.

Dans cette affaire, la Cour a souligné que les migrants devaient bénéficier d'un «délai raisonnable» pour déposer une contestation judiciaire avant d'être expulsés, et la majorité a empêché l'administration de reprendre les expulsions pendant que les tribunaux inférieurs déterminaient précisément le délai qui leur serait accordé.

La Cour suprême, à majorité conservatrice, a toutefois donné raison au président américain dans d'autres affaires d'immigration, ouvrant ainsi la voie à son administration pour mettre fin aux protections juridiques temporaires affectant près d'un million d'immigrants.

L'affaire d'expulsion de pays tiers a été l'un des nombreux points de discorde judiciaires, l'administration fustigeant les juges dont les décisions ont freiné la politique du président.

Une autre ordonnance du juge Murphy, nommé par le président Joe Biden, a conduit l'administration Trump à rapatrier en détention un homme gai guatémaltèque expulsé à tort vers le Mexique, où il affirmait avoir été violé et victime d'extorsion. Cet homme, identifié dans les documents judiciaires comme O.C.G., est la première personne connue à avoir été rapatriée aux États-Unis après une expulsion depuis le début du second mandat de Donald Trump.