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«La Cour estime qu'à ce stade préliminaire, bien que le seuil d'évaluation soit élevé, il est possible de soutenir que les mesures de subordination de l'employeur sont “clairement inconstitutionnelles”.»
La Cour supérieure du Québec a autorisé une action collective impliquant des travailleurs étrangers temporaires qui poursuivent le gouvernement fédéral au sujet de permis de travail qui les lient à un employeur.
La poursuite, lancée en 2023 par l'Association pour les droits des travailleurs de maison et de ferme, établie à Montréal, allègue que les permis de travail fermés violent les droits garantis par la Charte relatifs à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne, ainsi qu'à l'égalité.
Vendredi, la juge Silvana Conte de la Cour supérieure du Québec a donné le feu vert à la poursuite, dont les membres incluent tout ressortissant étranger ayant obtenu un permis de travail au Canada après le 17 avril 1982, qui était lié à un employeur spécifique.
«La Cour estime qu'à ce stade préliminaire, bien que le seuil d'évaluation soit élevé, il est possible de soutenir que les mesures de subordination de l'employeur sont “clairement inconstitutionnelles” et donnent lieu à une demande de dommages-intérêts en vertu de la Charte», a écrit la juge Conte.
L'action vise à obtenir des dommages-intérêts pour les membres et une déclaration selon laquelle des articles du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés sont inconstitutionnels.
Byron Alfredo Acevedo Tobar, un ouvrier agricole du Guatemala et principal plaignant dans cette affaire, allègue avoir subi des abus alors qu'il travaillait sous un permis fermé auprès de trois employeurs différents entre 2014 et 2022. Il affirme avoir été victime de violences psychologiques et de harcèlement, et avoir été surmené. Il soutient également qu'il n'a pas été correctement formé, qu'il manquait d'équipement et qu'il était sous-payé.
Les permis de travail fermés sont généralement accordés aux travailleurs immigrants occupant des emplois peu qualifiés, les liant à un employeur spécifique ou à un groupe d'employeurs. Si les travailleurs sont licenciés, ils peuvent être expulsés du Canada, une règle qui, selon les critiques, encourage les abus.
En réponse à la poursuite, les avocats du gouvernement fédéral ont fait valoir que l'expérience de M. Acevedo Tobar était rare et qu'il ne pouvait pas représenter correctement les membres de l'action collective. Ils ont également cherché à limiter l'action aux travailleurs des secteurs de l'agriculture et des soins.
L'équipe juridique du gouvernement souhaitait également réduire la période d'admissibilité des membres potentiels du groupe aux travailleurs qui avaient reçu un permis au plus tôt en 2017. Les demandeurs souhaitaient cependant que le groupe s'étende jusqu'en 1982, l'année où la Charte canadienne des droits et libertés est entrée en vigueur. La juge Conte a déclaré que la fenêtre finale dans laquelle les membres du groupe peuvent être inclus sera décidée à une date ultérieure.
En septembre dernier, un rapporteur spécial des Nations unies a décrit le programme canadien des travailleurs étrangers temporaires comme un «terrain fertile pour les formes contemporaines d'esclavage». Tomoya Obokata a déclaré après une visite de 14 jours au Canada que le système de permis de travail fermés rend les travailleurs étrangers vulnérables, «car ils ne peuvent pas signaler les abus sans craindre d'être expulsés».
M. Obokata a répété ces commentaires dans un rapport final en tant que rapporteur spécial publié en août 2024, citant des problèmes tels que le vol de salaire, les difficultés d'accès aux soins de santé, les longues heures de travail avec des pauses limitées et l'insuffisance d'équipements de protection individuelle. Le rapport a fait également état d'allégations de harcèlement et d'exploitation sexuels, ainsi que de violences physiques, émotionnelles et verbales.
Le nombre de permis délivrés dans le cadre du programme a augmenté de 88 % entre 2019 et 2023, même si Ottawa a récemment annoncé son intention de réduire le nombre de ces travailleurs au Canada.
L'action collective a reçu l'appui des syndicats traditionnels du Québec, comme la Confédération des syndicats nationaux (CSN) et la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), qui reconnaissent que si les travailleurs ont des droits sur papier, ils vivent dans la peur des représailles en raison du déséquilibre des pouvoirs créé par les permis fermés.
Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada a déclaré lundi qu'il n'était pas en mesure de commenter l'affaire, car elle est devant les tribunaux. Le bureau du procureur général aura 30 jours pour décider s'il fera appel de la décision.