Une confrontation brutale entre les pays qui souhaitent une élimination radicale des combustibles fossiles responsables d'un réchauffement dommageable de la planète et ceux qui ne le désirent pas a anéanti les espoirs de clôturer à temps la COP28 sur le climat mardi.
Le sommet dirigé par les Nations Unies à Dubaï devait se terminer vers midi, heure locale, après près de deux semaines de discours, de manifestations et de négociations. Mais les négociations sur le climat durent presque toujours longtemps, et la publication lundi d'un projet d'accord a provoqué la colère des pays qui insistent sur un engagement en faveur d'une élimination rapide du charbon, du pétrole et du gaz.
Au lieu de cela, l'ébauche appelle les pays à réduire «la consommation et la production de combustibles fossiles, de manière juste, ordonnée et équitable».
Majid al-Suwaidi, directeur général de la COP28, a déclaré que l'ébauche de lundi soir visait à inciter les pays à commencer à discuter et à présenter ce qui pour eux est un obstacle à l'accord. Donc l'ébauche avait pour objectif que chacun trace sa «ligne rouge» sur ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas.
«Le texte que nous avons publié était un point de départ pour les discussions», a-t-il déclaré mardi, lors d'une conférence de presse à midi.
«Lorsque nous l’avons publié, nous savions que les opinions étaient polarisées, mais ce que nous ne savions pas, c’était où se trouvaient les lignes rouges de chaque pays.»
«Nous avons passé la nuit dernière à discuter, à prendre en compte ces retours, et cela nous a permis de rédiger un nouveau texte», a-t-il ajouté.
Un nouveau projet de texte doit être publié mardi, mais une grande partie du travail crucial dans les négociations à Dubaï continue d'être retardée.
Un négociateur principal d'un pays en développement, qui ne souhaitait pas être nommé afin de ne pas avoir d'impact sur les négociations, a déclaré que le libellé sur l'élimination progressive des combustibles fossiles ne figurerait pas dans la prochaine version.
«Il est important que nous ayons le bon langage lorsqu’il s’agit de combustibles fossiles. Il est important que nous réfléchissions à la manière d’atteindre cet équilibre. Il y a ceux qui veulent une suppression progressive. Il y a ceux qui veulent une réduction progressive», a déclaré al-Suwaidi.
«Le but est d'obtenir un consensus.»
D'un côté, il y a des pays comme l'Arabie Saoudite qui n'accepteront pas la clause d'élimination progressive, tandis que les pays européens et les petites nations insulaires déclarent qu'il est inacceptable de laisser ces mots de côté. Les pays souhaitant une élimination progressive se trouvent dans une position difficile, car ils pourraient devoir accepter soit un accord faible, soit aucun accord.
Aucune de ces options n'est bonne pour eux, a déclaré Alden Meyer, observateur chevronné des négociations sur le climat pour le groupe de réflexion européen E3G.
Mais Alden Meyer pense que la réaction des partisans de l’élimination progressive pourrait être le début d’un renforcement d’un possible accord, laissant l’Arabie saoudite et quelques autres États du Golfe «comme les derniers à faire obstacle à un accord plus ambitieux».
La clé est de trouver un libellé qui n'empêchera personne de bloquer un accord, car un accord final doit être obtenu par consensus.
«On nous demande de négocier notre condamnation à mort»
Jean Su, du Centre de la diversité biologique a déclaré: «Un succès réalisable est un type de langage qui signale une élimination progressive des combustibles fossiles et qui ne comportera aucune réduction, aucun captage et stockage du carbone, quelque chose qui est propre et équitable».
Elle a déclaré que les pays riches peuvent tirer partie d'engagements financiers envers les pays en développement et contribuer à faire passer le langage sur les combustibles fossiles dans un accord final.
«Comment pouvons-nous rentrer chez nous et leur annoncer le résultat?» a demandé Briana Fuean, une militante climatique de Samoa.
«Annoncer que le monde nous a vendu. Je ne peux pas répondre à cela. Nous sommes assis dans des salles et on nous demande de négocier notre condamnation à mort».
Elle a déclaré que le bilan mondial, qui répond à l'objectif de l'accord de Paris de limiter le réchauffement à 1,5 degré Celsius (2,7 Fahrenheit) pour conjurer les pires effets du changement climatique, et l'objectif sur la manière de s'adapter aux extrêmes climatiques sont tous deux tout aussi importants dans le texte final. La Terre est en passe de battre le record de l’année la plus chaude, mettant ainsi en danger la santé humaine et conduisant à des conditions météorologiques extrêmes toujours plus coûteuses et meurtrières.
Joseph Sikulu de Pacific Climate Warriors a fondu en larmes en essayant d'exprimer ses émotions face au projet de texte.
«Nous ne sommes pas venus ici pour signer notre condamnation à mort», a-t-il déclaré.
Meena Raman, observatrice chevronnée de la COP, du groupe d'activisme environnemental des Amis de la Terre en Malaisie, a fustigé les pays industrialisés, qui sont à l'origine du problème des émissions historiques qui restent dans l'atmosphère pendant des centaines d'années. Et des pays comme les États-Unis, le Canada et la Norvège augmentent leur production de pétrole, a-t-elle déclaré.
«Ils ne veulent pas parler de responsabilité historique, mais parlent de garder l'objectif 1,5 en vie», a déclaré Raman. «C'est un spectacle pour la galerie. L’expansion des combustibles fossiles est déjà en cours dans le nord de la planète».
Les militants ont déclaré qu'ils craignaient que les objections potentielles des principaux producteurs de pétrole, comme l'Arabie saoudite, n'aient édulcoré le texte. Le chef de l'OPEP, le puissant cartel pétrolier, aurait écrit la semaine dernière aux pays membres pour les exhorter à bloquer toute disposition visant à éliminer ou à réduire progressivement les combustibles fossiles.
«Ce texte que nous avons vu hier est en train de couler le canot de sauvetage de l'humanité», a déclaré la militante Vanessa Nakate.
«Je pense que la présidence de la COP28 doit faire beaucoup de travail pour améliorer les choses, car la première tentative a été vraiment mauvaise», a déclaré le militant Romain Ioualalen d'Oil Change International. «S'il n'y a pas de résultat sur (...) l'élimination progressive des combustibles fossiles, cette COP sera un échec et le président de la COP ne sera pas considéré comme un héros.»
Dans le document de 21 pages, les mots pétrole et gaz naturel n’apparaissaient pas et le mot charbon apparaissait deux fois. Il y avait également une seule mention du captage du carbone, une technologie vantée par certains pour réduire les émissions bien qu'elle n'ait pas été testée à grande échelle.
Rachel Cleetus, de l'Union of Concerned Scientists, a exhorté les négociateurs à continuer de travailler.
« S'il vous plaît, ne fermez pas cette COP avant d'avoir terminé le travail »,a-t-elle déclaré.
